rement avaient «l’art de métamorphoser un chaos
historique en un récit bien ordonné». Néanmoins,
on peut retenir quelques dates marquantes. A par-
tir de 494 av. J.-C., la plèbe se révolte et les soldats-
citoyens, issus de ses rangs, menacent de faire la
grève de la guerre. Pour ramener le calme, le Sénat
accorde à la plèbe le droit d’élire ses propres porte-
parole, les tribuns de la plèbe, premier contre-pou-
voir populaire face aux tout-puissants patriciens.
Mais les plébéiens continuent de faire pression
sur le Sénat pour obtenir d’avantage de droits poli-
tiques et l’égalité de traitement avec les patriciens.
On nommera cette querelle le Conflit des ordres
(ordo, en latin, signifiant «classe sociale»).
En 451 av. J.-C., pour apaiser la fronde des plé-
béiens, un collège de dix patriciens, les decemviri,
est chargé de mettre par écrit les lois de la cité,
jusque-là orales. Ce premier texte de droit écrit,
ius scriptum, que l’on connaît sous le nom des
Douze Tables, pose comme principe l’égalité des
citoyens devant la loi et tente de définir leurs droits.
Il est gravé sur des tablettes de bronze qui sont
exposées au Forum. Cicéron se souviendra de les
avoir apprises par cœur dans sa jeunesse, comme
tous les enfants romains.
En 396 av. J.-C., après avoir battu par les armes
la cité rivale de Véies, Rome, au lieu de soumettre
les vaincus, leur offre la citoyenneté romaine et
sa protection en échange de l’entretien et de l’ap-
provisionnement de ses troupes. La mesure est
révolutionnaire. Dans une Antiquité où tout
homme était jusque-là lié à sa cité d’origine,
les Romains inventent la double nationalité, un
premier pas vers la future
idée de «nation». On assistera
à une autre avancée notable
en l’an 367 av. J.-C., avec une
étape importante dans la
démocratisation des institu-
tions. Les plébéiens peuvent
dorénavant préten dre au
poste de consul. Et à partir
de 350 av. J.-C., ils ont accès
à toutes les magistratures, y
compris le collège des prêtres. En 342 av. J.-C., une
loi interdit à quiconque d’exercer deux magistra-
tures dans la même année et de postuler à un autre
poste de magistrat dans un délai de dix ans, «ce
qui restreint les ambitions individuelles et donne
au Sénat un pouvoir de contrôle sur l’ensemble
des magistrats», note l’historien François Hinard
dans son livre La République romaine (Que sais-
je? éd. PUF, 1992). Enfin, en 287 av. J.-C., la Lex
Hortensia accorde aux plébéiens l’égalité civile
en donnant force de loi aux résolutions votées par
leur assemblée, les «plébiscites».NATIONALITÉ AU IV
E
SIÈCLE AVANT J.-C.Cette peinture
du Titien (vers
1571) montre le viol
de Lucrèce par
le fils de Tarquin
le Superbe. Le
suicide de la jeune
femme, suite
à ce viol, aurait
provoqué la chute
du roi en faveur
de la République.UPPE/Aurimagesexpansion dans la péninsule italienne, puis dans
tout le bassin méditerranéen. Elles ne seront ren-
dues possibles que par l’alliance tactique de l’élite
(le Sénat) et du peuple (plébéiens et patriciens
confondus) formant le S.P.Q.R., Senatus Popu-
lusque Romanus («le Sénat et le peuple romain»),
qui deviendra la devise du nouveau régime.
Il est impossible de reconstituer de manière
précise les premières années de la République
romaine. Non seulement les témoignages écrits
sont rares, mais, comme le remarque Mary Beard,
les historiens qui en ont rendu compte postérieu-GEO HISTOIRE 39