les légionnaires se retrouvèrent en diffi culté face
aux unités mobiles de ces peuples montagnards de
la péninsule. Rome réagit en créant des groupes
tactiques. Le «dictateur» Marcus Furius Camillus,
dit Camille, à qui l’on doit les camps romains,
inventa alors une formation de combat en trois
lignes distinctes : une première, frontale, consti-
tuée de soldats jeunes et agiles (les hastati), une
deuxième, de troupes d’élite bien équipées (les
principes) et une troisième, de vétérans (les tria-
rii). Une formation off ensive qui sera utilisée dans
toutes les principales batailles. Et qui obtiendra plus
de victoires décisives que de défaites.
Mais les disparités d’équipement et les longues
mobilisations au sein de l’armée perturbèrent sa
cohérence. Après l’eff ort de guerre fourni contre le
rival Carthage lors des trois guerres puniques, de
264 à 146 av. J.-C., et de lourdes pertes
- 120 000 morts lors de la deuxième
guerre, selon l’historien Claude Nico-
let, auteur de Rome et la conquête
du monde méditerranéen (éd. PUF,
- –, les classes inférieures, souvent
des agriculteurs, furent lassées de
retrouver leur terre en friches après
d’interminables campagnes militaires
hors de la péninsule. Les soldats les
plus aisés, eux, ne concevaient l’armée
que comme une étape dans leur car-
rière politique. En 107 av. J.-C., le consul
Marius se fi t donc entendre au Sénat.
Il fallait réformer en profondeur le
système de recrutement si Rome vou-
lait continuer à tenir ses provinces.
Désormais, l’engagement dans les
légions se ferait sur la base du volon-
tariat. L’armée devint ainsi profession-
nelle, avec un eff ectif de 130 000 hom-
mes. Les légionnaires, âgés de 17 à
60 ans, étaient rémunérés. Un même
équipement était fourni à tous les sol-
dats, quel que soit leur statut social.
Souhaitant échapper à leur condition,
une foule de paysans et de prolétaires,
les proles, s’engagèrent alors pour devenir des sol-
dats de métier, mobilisés en permanence, et non
une partie de l’année (du printemps à l’automne)
comme c’était le cas auparavant.
Cette «réforme marienne» offi cialisa également
une nouvelle restructuration de l’armée, déjà tes-
tée lors des campagnes en Hispanie (181 à 183 av.
J.-C) : une légion serait désormais composée de
dix unités, appelées des cohortes, de 600 hommes
chacune et numérotées selon leur spécifi cité de
combat. Une organisation moderne qui permit une
plus grande souplesse et une plus grande effi ca-
cité sur les champs de bataille, notamment pen-
dant la guerre de Jugurtha (112-105 av. J.-C.), en
Afrique du Nord. A ces dix cohortes s’ajoutait la
cavalerie, répartie en dix escadrons d’une trentaine
d’hommes, et les socii, des citoyens non-romains
venus des territoires conquis (Etrusques, Sam-
nites...). Répartis en groupes de 500 hommes envi-
ron, ils étaient toujours inférieurs en nombre aux
légionnaires. Les généraux se méfi aient en eff et de
la fi abilité de ces «alliés» de Rome. Et l’Histoire leur
donna raison. Formé au côté des troupes romaines,
Vercingétorix se retourna contre elles en 52 av.
J.-C., pendant la guerre des Gaules.
Sous le commandement d’un consul
ou proconsul, l’armée s’avérait redou-
table mais la guerre sociale qui secoua
les fondements de la République de
91 à 88 av. J.-C. eut des conséquences
néfastes pour elle. On enrôla à tour de
bras des esclaves aff ranchis. Néces-
saire au maintien de l’ordre, l’armée
compta jusqu’à 55 légions pendant
cette période, soit environ 330 000
hom mes, un nombre très élevé qui
nuisit à sa qualité et coûta cher à l’Etat.
Tout au long du I siècle av. J.-C., les
armées servirent les intérêts de géné-
raux aux ambitions démesurées tels
que Sylla, Pompée et César qui par-
tirent à la conquête du pouvoir, ce qui
mènera la République romaine à son
terme. Au début de son règne, l’em-
pereur Auguste, assuré de la Pax
Romana (la paix romaine), réduira les
eff ectifs à 28 légions issues d’un recru-
tement de qualité et distinguera les
garnisons de Rome et celles des pro-
vinces. Une confi guration qui perdu-
rera pendant près de deux siècles. C
MARC OUAHNON
A LA FIN DE LA RÉPUBLIQUE,
L’ARMÉE COMPTAIT ENVIRON
330 000 SOLDATS, UNE FORCE
CONSIDÉRABLE POUR L’ÉPOQUE
LA LÉGION XIII, FIDÈLE
SOUTIEN DE CÉSAR
En 49 av. J.-C, Jules César,
après avoir soumis la
Gaule, marcha sur Rome
pour mettre un terme
à la guerre civile qui l’op-
posait au consul Pompée.
C’est avec la légion XIII,
qu’il jugeait la plus fi able,
qu’il franchit le Rubicon
pour bouter son ennemi
hors d’Italie. Ses soldats
furent démobilisés puis
réengagés en 46 av. J.-C.
pour anéantir les dernières
troupes pompéiennes
en Afrique du Nord. Deux
ans après l’assassinat
de César en 44 av. J.-C.,
la légion XIII sera reconsti-
tuée par Octave lors
du second triumvirat.
LES GUERRES
GEO HISTOIRE 79