BACCHUS
L
a religion romaine n’est pas fondée sur
une «révélation», sur des textes sacrés. Il
s’agit d’une religion civique : les dieux y
sont des citoyens romains, les plus puis-
sants d’entre eux. Et les Romains, peuple
de juristes, entretiennent des relations avec eux à
l’aide de traditions rituelles, une forme de politesse
sociale. Tel jour, à tel endroit, il faut accomplir telle
succession de gestes précis... A Rome, le rituel tient
lieu de credo. La religion
romaine ne demande pas
aux citoyens de croire en
Jupiter ou en Mars, mais
d’accomplir ces démar-
ches qui concernent la
collectivité entière. L’im-
plication personnelle de
l’in dividu n’est donc pas
requise, contrairement à
la religion chrétienne. En
somme, ce sont les hom-
mes qui invitent les dieux
à venir parmi eux, comme
l’expliquait l’anthropo-
logue Georges Dumézil
(1898-1986).
QUI SONT LES DIEUX ROMAINS ?
On sait qu’il existe plu-
sieurs centaines de dieux
à la fi n de la République,
au I siècle avant J.-C. Ces
divinités immortelles in-
carnent des vertus exem-
plaires et, ensemble, cons-
tituent une projection de la société idéale. Jupiter,
dieu souverain, occupe la place centrale dans la
religion d’Etat. Avec Junon, qui représente la part
féminine de la souveraineté, et Mercure, déesse de
la bonne rationalité, il fait partie de la Triade capi-
toline dont le temple est sur le grand sanctuaire
d’Etat, la colline du Capitole, à Rome. Jupiter par-
tage sa souveraineté avec ces deux autres dieux
comme dans la République les consuls partagent
le pouvoir pour gouverner. La religion collective
compte aussi douze «grands dieux», comme Venus,
déesse du charme irrésistible, Apollon, qui veille
au rétablissement de l’ordre, ou Mars, patron des
armées, qui disposent chacun d’un temple impor-
tant. Mais il existe une multitude d’autres dieux,
aux rôles et à l’importance diverse. Il y a, par
exemple, des dieux rattachés aux familles, comme
les Lares, ou des dieux étrangers qui accompagnent
des communautés qui se sont implantées à Rome...
On trouve aussi les «divinités de service» qui sou-
tiennent les principaux dieux dans leur action :
quand Jupiter protège la loyauté, se tient à ses
côtés Fidès qui personnifi e la bonne foi.
QU’EST-CE QUE LE PACTE ENTRE LES HOMMES ET LES DIEUX ?
Les dieux aiment participer à la vie collective et
apprécient les hommages que leur rendent les
hommes. En contrepartie, ils assurent le salut
de la res publica (la chose
publi que), qui comprend
par exemple le bien-être
économique, les victoires
militaires ou la santé
de la population. Le vo-
tum, rituel par lequel les
hommes demandent
aux dieux de soutenir
leur action, fait offi ce de
contrat : le sacrifi ce, ré-
compense des dieux, n’est
exécuté que si et quand
le vœu est accompli. Le
1 janvier, au Capitole,
après avoir décidé des ac-
tions publiques à mener
durant l’année, le Sénat
formule un vœu auprès de
Jupiter, afin qu’il sou-
tienne ce programme. Le
sacrifice ne sera réalisé
que l’année suivante. Et
chaque divinité remplit
des fonctions spécifi ques,
suivant ses caractéristi-
ques. Mercure, dieu des échanges, est sollicité par
les commerçants pour protéger leur activité, tan-
dis que les vignerons demandent à Vénus de veil-
ler sur l’étape de la vinifi cation. Foncièrement bien-
veillants envers les hommes, les dieux peuvent
aussi faire preuve d’une forme d’humour noir. Si les
rituels ne sont pas précisément respectés, ils leur
donnent le contraire de ce qu’ils ont demandé : une
défaite au lieu d’une victoire militaire, une épidé-
mie plutôt que la bonne santé des habitants...
EXISTE-T-IL UN CLERGÉ ?
A Rome, il n’existe pas une, mais des religions, et
donc, plusieurs autorités. Pour la religion d’Etat, le
personnel politique élu, consuls et magistrats, en
est le garant et exerce le culte. Au sein de l’Etat, le
grand pontife, élu par le peuple, est l’un des per-
sonnages publics les plus importants. Il préside le
Conseil pontifi cal, notamment chargé de l’élabo-
Il est l’équivalent
du Dionysos
de la mythologie
grecque. En 186
av. J.-C., Rome
est frappé par
le scandale des
«bacchanales»,
les célébrations
en l’honneur
de ce dieu du vin
et de l’ivresse, qui
viraient à l’orgie.
Luisa Ricciarini/Leemage
LA RELIGION
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