GEO Histoire - 04.2019 - 05.2019

(Tina Meador) #1
LA RELIGION ROMAINE EST-ELLE «OUVERTE»?
Sous la République, quelques dieux étrangers ont
officiellement rejoint les dieux romains, comme
Cybèle, la mère des dieux, venue d’Asie. Cette inté-
gration s’inscrit dans la vision romaine d’un monde
peuplé de dieux avec lesquels les hommes doivent
se mettre en règle. Ainsi, les dieux étrangers des
cités conquises sont traités comme leurs peuples,
et se voient attribuer la citoyenneté, à l’exception
de ceux appartenant aux
Germains et aux Gaulois,
jugés barbares... La dé-
marche est aussi destinée
à appuyer les stratégies
militaires et diploma-
tiques de la Rome impé-
rialiste. Par exemple, au
IVe siècle av. J.-C., pour
vaincre la résistance de
Véies, importante cité
étrusque, les Romains
procèdent à une évoca-
tion auprès de la grande
déesse de la ville. Ils la
convainquent d’aban-
donner le peuple qu’elle
protège pour s’installer à
Rome, sous le titre de
Junon Regina. Un temple
lui est édifié sur l’Aventin.
L’intégration d’une divi-
nité étrangère peut aussi
accompagner une recher-
che d’alliance. Comme,
lorsque les Romains, en-
traînés dans la deuxième guerre punique en 204
av. J.-C., se tournent vers le roi d’Asie Mineure pour
obtenir son appui. Ils acceptent alors la venue de
Cybèle, mère des dieux. Elle sera installée sur le
mont Palatin, sous la forme d’une pierre noire.

QUELLES SONT LES LIMITES DE LA TOLÉRANCE?
La religion romaine interdit et réprime les pra-
tiques de nature à troubler l’ordre public. C’est
notamment le cas de la magie à laquelle recourent
volontiers les Romains, par exemple pour jeter
un sort à un ennemi. Elle est exercée par des mar-
ginaux, notamment des sorcières vivant dans les
nécropoles. Le plus souvent, toutefois, les autori-
tés ferment les yeux sur ces pratiques. Mais la reli-
gion peut aussi devenir l’instrument d’une pro-
vocation politique. Ainsi, au Ier siècle av. J.-C.,
Claudius décide qu’Isis, déesse égyptienne dont
le culte privé s’était répandu, soit instituée divi-

nité publique afin d’affirmer son pouvoir et sa
popularité. Mais Isis étant une divinité souve-
raine, elle est susceptible de rentrer en concur-
rence avec la Triade. Le Sénat s’y oppose donc et
va jusqu’à ordonner la destruction de la chapelle
d’Isis, bâtie sur le Capitole. Autre cas de figure,
celui de l’escroquerie, comme en 186 av. J.-C., avec
le culte des Bacchanales. Présent dans la région
de Naples, ce culte dévoyait celui de Bacchus,
dieu de l’extase et du vin,
pour organiser des orgies
spectaculaires auxquelles
participaient des jeunes
fils de bonnes familles. Il
s’agissait en réalité d’une
tentative pour mettre la
main sur leur patrimoine.
Les coupables seront ju-
gés et exécutés, mais le
culte de Bacchus, lui, res-
tera autorisé.

LES DIEUX ROMAINS SONT-
ILS DE SIMPLES TRANSPOSITIONS
DE DIEUX GRECS?
Non. Jupiter et Zeus, par
exemple, sont la version
romaine et grecque d’un
dieu suprême qui est éga-
lement un dieu céleste.
Mais les différences entre
eux sont nombreuses.
Zeus n’est pas intégré dans
une triade, comme l’est
Jupiter. Ils ne remplissent
pas non plus les mêmes fonctions : Jupiter est aussi
le dieu de la divination et du vin, ce qui n’est pas
le cas de Zeus. Chez les Grecs, c’est Apollon et Dio-
nysos qui en sont pleinement chargés. Toutefois,
les dieux grecs et romains partagent un air de
famille, parce qu’ils ont poussé à partir des mêmes
racines. Dès l’époque mycénienne (de 1650 à 1100
av. J.-C.), la Méditerranée était un espace d’échanges,
et à partir du IXe siècle av. J.-C., Romains, Etrusques
et colonies grecques étaient en relation. Il existe
une parenté intellectuelle entre ces peuples, tous
polythéistes. Il faut aussi ajouter une diffusion crois-
sante de l’hellénisme à Rome, à partir du Ve siècle
av. J.-C. Les Romains ont ainsi pu s’inspirer de
modèles grecs pour représenter leurs divinités. Par
exemple, les statues de Minerve, déesse romaine
de la technicité, chargée des activités intellectuelles,
la représentent casquée et armée, à l’image
d’Athéna, déesse grecque de l’intelligence.

Ancienne divinité
protectrice des
potagers, elle prend
progressivement
de l’importance et
devient la déesse
de la beauté et de
la fécondité. A sa
gauche : Mars, dieu
de la guerre,
son frère et amant.

Gianni Dagli Orti/Aurimages (x3) VÉNUS


LA RELIGION


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