Le Monde - 15.02.2020

(Romina) #1

0123
SAMEDI 15 FÉVRIER 2020 styles| 27


Six défilés,


six ambiances...


Ultrabref pour The Row, un brin provocant
chez Proenza Schouler, nostalgique chez Marc
Jacobs... Le meilleur des shows new­yorkais

D


u 6 au 12 février, alors
que plusieurs grands
noms de la mode amé­
ricaine étaient absents
des podiums, la Fashion Week
new­yorkaise a tout de même su
étonner. De la visite des archives
de Coach au défilé « dansé » de
Marc Jacobs, visite guidée.

The Row Cela restera peut­être
dans nos annales de la mode
comme le défilé le plus rapide de
l’histoire de l’Ouest... Cinq minu­
tes montre en main? On n’a pas
chronométré. Le plus rapide et le
plus impeccablement mené. Les
mannequins, qui arrivaient par
trois, foulaient vite et sans bruit le
sol (on n’entendait qu’Elvis qui
chantait en bande­son « Can’t help
falling in love with you »), cernées
par les sculptures magistrales et
sensuelles, en acier, en pierre, en
bronze ou en bois de l’artiste amé­
ricaine Beverly Pepper, morte cinq
jours avant le show des sœurs
Olsen, à l’âge de 97 ans.
De beige en grège, de noir en gris,
les deux stylistes, qui défilaient
pour la première fois à New York
voilà dix ans, ont encore prouvé
leur virtuosité. Grands manteaux
masculins, chemise fluide aux
épaules tombantes portée sur un
sous­pull en ton sur ton, costume
trois pièces uni pour femme qui
marche les mains dans les poches,
grand sac en cuir tout mou serré
dans les bras comme un bébé.
Dans des matières nobles, douces,
rassurantes, ces vêtements coupés
au cordeau mais pas stricts déga­
gent une beauté presque féline.
Qui a un prix. Forcément.

Zimmermann On navigue ici en
terre (stylistique) inconnue. Mais
il était tentant de voir défiler le
prêt­à­porter de une des marques
les plus attractives du moment en
termes de maillots de bain. Côté
vêtements, des volants, des bro­
carts, des couleurs, des franges,
des bottes à lacets qui grimpent
jusqu’au genou, de robes gipsy.
l’Australienne Nicky Zimmer­
mann dit assumer ce trop­plein
de tout, car s’habiller doit rester
une fête. On peut difficilement la
contredire sans être rabat­joie.

Proenza Schouler Dix­huit ans
après le lancement de leur label,
Jack McCollough et Lazaro Her­
nandez restent des valeurs sûres
qui, en l’absence des Ralph Lau­
ren, Tommy Hilfiger & co, jouent
plutôt avantageusement le rôle de
tenanciers de la mode américaine
dans ce qu’elle a de plus pointu.
Plus intello que commerciale, leur
démarche fait mouche en 2020.
Les mannequins ont passé leur
gros collier doré dans l’encolure
de leur robe et jeté sur leurs épau­
les une couverture ouatinée en
guise de cape. Comme elle glisse,
les volumes en sont basculés et le
corps en partie dénudé. Une fémi­
nité un brin provocante qui rap­
pelle celle de Miuccia Prada.

Coach En visitant les archives de
Coach dans l’un des récents buil­
dings du quartier de Hudson
Yards, on tombe sur quelques pé­
pites. Les sacs des années 1960 et
1970 donnent l’impression d’avoir
beaucoup inspiré les succès maro­
quiniers européens des vingt der­
nières années. Clous carrés, longs
formats rectangulaires, grosse
languette qui se glisse dans un
passant, etc. On a l’impression de
les reconnaître tous. En feuilletant
les vieux documents mis sous
plastique dans des boîtes, on ap­
prend aussi que le sac Coach était,
aux alentours de 1978, « le seul sac
de fabrication américaine qui se
vend à Paris dans sa propre bouti­
que au 23 rue Jacob ». L’un des plus

mythiques maroquiniers améri­
cains a mis très tôt un pied en
France. Puis nous l’avons un peu
oublié de ce côté­ci de l’océan.
Hyperpuissante sur son marché
local et en Asie, présente sur les
plus belles artères commerciales
des grandes métropoles à côté des
griffes de luxe, Coach est pourtant
une marque moyen de gamme in­
téressante. D’abord parce qu’elle
est accessible et aussi parce que,
sous la houlette du designer
Stuart Vevers, elle a su compléter
son offre d’un prêt­à­porter rafraî­
chissant et lui aussi abordable.
Pour l’hiver prochain, on retien­
dra les dessins de Basquiat qui or­
nent les trenchs, les touches de
couleurs primaires (bleu, jaune,
rouge) qui égayent les silhouettes
aux couleurs neutres ou pastel,
ainsi que les rayures multicolores
directement tirées des doublures
de sacs trouvés... dans les archives.

Kors Non, Michael Kors ne sait
pas faire que des sacs à main. Pour
son automne­hiver 2020, il envoie
même, sur fond de rock country
live, un vestiaire élégant et efficace
qui en appelle aux grands espaces.
Il ne néglige cependant pas la
coupe ajustée de vestes et de robes
qui dessinent plus qu’une sil­
houette : une certaine allure. Ca­
pes en drap de laine à carreaux du
Grand Ouest ou tailleur­jupe en
prince­de­galles, manteau d’offi­
cier rouge à boutons dorés, robes
comme taillées dans des couver­
tures à franges, pulls XXL à grosses
torsades portés sur des jupes flui­
des... Une certaine idée de l’Améri­
que qui a l’avantage de plaire au­
delà de ses frontières.

Marc Jacobs L’un des créateurs
américains les plus connus en
France a, comme à son habitude,
clôturé la Fashion Week de New
York. Dans l’immense salle du
Park Avenue Armory, un parquet
occupé par une quarantaine de ta­
bles rondes pour quatre invités,
chacune faisait face à une gigan­
tesque piste de danse.
On a d’abord pensé à On achève
bien les chevaux et donc à Alexan­
der McQueen – dont les fans pleu­
raient les dix ans de la mort le 11 fé­
vrier –, qui en avait fait le thème
d’un défilé en 2004... Jusqu’à ce
que les danseurs de la compagnie
Karole Armitage entrent en scène
dans une scénographie sans rap­
port apparent avec la Grande Dé­
pression. Dans la salle, assise :
Nicki Minaj. Et, défilant parmi les
mannequins : Miley Cyrus.
Si les vêtements restent très
Marc Jacobs dans leur fantaisie
sixties, le discours du créateur a
un peu changé. En opposition à sa
collection d’été, « à l’énergie débri­
dée et à la flamboyance colorée »,
son hiver insiste sur « la retenue, la
qualité des matières, de la fabrica­
tion et des proportions, valorisant
la simplicité et l’intemporalité »,
lit­on dans la note d’intention.
« C’est la photo décolorée d’un New
York en train de disparaître qui pré­
vaut, désormais étranger et exoti­
que parce qu’il s’efface, il reste pour
toujours mythique et chic par sa
beauté, ses promesses, son éclat et
son grain. » Inutile d’y voir un
quelconque augure, une saison en
chasse toujours une autre.
caroline rousseau

MICHAEL KORS ENVOIE 


SUR FOND DE ROCK 


COUNTRY LIVE UN 


VESTIAIRE ÉLÉGANT 


QUI EN APPELLE AUX 


GRANDS ESPACES


Gabriela Hearst. GABRIELA HEARST / GREG KESSLER

Proenza
Schouler. KATHY
WILLENS / AP

Marc Jacobs. BEBETO
MATTHEWS / AP

The Row. COURTESY OF THE ROW
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