Les Echos - 09.03.2020

(Steven Felgate) #1

Les Echos Lundi 9 mars 2020 MONDE// 09


Le Liban est secoué par une crise politique et financière depuis
le mois d’o ctobre 2019. Photo Anwar AMRO/AFP

paiement d’une dette arrivant à
échéance le 9 mars », a déclaré
Hassane Diab dans un discours
retransmis par les chaînes locales.
« C’est le seul moyen pour stopper
l’hémorragie [...], avec le lancement
d’un vaste plan de réformes nécessai-
res » incluant une « baisse des
dépenses publiques », a-t-il ajouté. Il
s’agit de la première décision
majeure du gouvernement, formé
en janvier après des semaines de
manifestations.

Pays surendetté
Selon l’agence internationale
Standard and Poor’s (S & P), le
Liban croule sous une dette de
92 milliards de dollars, soit environ
170 % de son produit intérieur brut
(PIB) – l’un des ratios les plus élevés
au monde.
Les banques libanaises, qui
détiennent une grande partie de la
dette publique (dont près de la moi-
tié des 30 milliards d’eurobonds),
avaient récemment appelé l’Etat à
éviter u n défaut de paiement, lequel
creuserait leur manque de liquidi-
tés, notamment en dollars. Crai-
gnant un épuisement de leurs

réserves en devises étrangères, les
banques ont déjà imposé des res-
trictions drastiques ces derniers
mois, plusieurs établissements pla-
fonnant les retraits à 100 dollars par
semaine et interdisant les transferts
d’argent vers l’étranger.
« Un défaut aurait des retombées
sur l’économie nationale », avait pré-
venu Marwan Barakat, chef du
département de recherche à la
Bank Audi. De nombreuses voix se
sont é levées c es dernières semaines
pour réclamer une restructuration
de la dette afin d’accorder au gou-
vernement un délai supplémen-
taire, lequel servira à mener des
réformes profondes visant à remet-
tre le pays sur la bonne voie.

Pas de dévaluation
à l’ordre du jour
Au L iban, le dollar est utilisé au quo-
tidien au même titre que la livre
libanaise, et les Libanais craignent
l’accélération de la perte de valeur
de leur monnaie. La livre libanaise,
indexée sur le billet vert depuis 1997
au taux fixe de 1.507 livres pour
1 dollar, a récemment frôlé les
2.700 livres pour 1 dollar sur le mar-

ché parallèle, poussant la banque
centrale à émettre vendredi une cir-
culaire plafonnant le taux dans les
bureaux de change à 2.000 livres
pour 1 dollar.
« Je ne pense pas qu’une dévalua-
tion officielle soit à l’ordre du jour à
court terme », estime toutefois
Marwan Barakat. La rue impute la
situation actuelle à un cumul de
mauvaises politiques au cours des
trois dernières décennies.
Le pays a commencé à s’endetter
massivement à la fin de la guerre
civile (1975-1990) pour reconstruire
le pays. Mais faute d e réformes et de
bonne gouvernance, le déficit
public n’a eu de cesse de se creuser
au fil des ans et les banques locales
ont continué d’acheter des bons du
trésor. Samedi, des manifestants
ont défilé à Beyrouth pour crier l eur
colère.n

Adrien Lelièvre
@LelievreAdrien


Le Liban se dirige vers le premier
défaut de paiement de son histoire.
A l’issue d’une réunion au palais
présidentiel ce samedi, le Premier
ministre Hassan Diab a affirmé être
incapable de rembourser l es
échéances de la dette dans deux
jours. « Nos réserves en devises ont
atteint un niveau inquiétant [ ...] pous-
sant le gouvernement à suspendre le


MOYEN-ORIENT


Le 9 mars, l’Etat devait
en théorie rembourser
pour 1,2 milliard
d’eurobonds, des bons
du Trésor en dollars
qu’il a lui-même émis.


Le Premier ministre
assure ne pas être en
mesure d’honorer son
engagement dans les
conditions actuelles.


Le Liban est en défaut de paiement


Catherine Chatignoux
@chatignoux


Samedi, Recep Tayyip Erdogan
semblait jouer l’accalmie. « Sur
ordre du président [...] aucune
autorisation ne sera donnée aux
migrants de traverser la mer
Egée en raison des dangers que
cela comporte », indiquait le ser-
vice des gardes-côtes sur Twit-
ter.
Concrètement, cela signifie
que les autorités turques, si
elles n’empêcheront pas les
migrants de quitter la Turquie
par la terre, bloqueront le
départ des bateaux mettant le
cap sur les îles de Lesbos ou
Samos, déjà surpeuplées.
Moins pour soulager le gouver-
nement grec que pour éviter de
se voir reprocher d’envoyer des
demandeurs d’asile à la mort –
les risques sont élevés en cette
période de l’année –, la décision
du président Erdogan va néan-
moins permettre à la Grèce et
aux agents mobilisés p ar
l’agence Frontex de se concen-
trer sur la défense de la fron-
tière terrestre gréco-turque,
aux environs du fleuve Evros.


Le scénario de 2015
Dimanche, le président turc a
repris un ton plus offensif : dans
un discours à Istanbul, il a
appelé la Grèce à « ouvrir ses
portes » aux migrants. « Hé, la
Grèce! Je te lance un appel...
Ouvre tes portes également et
libère-toi de ce fardeau ». « Laisse-
les aller dans d’autres pays euro-
péens! », a-t-il ajouté dans une
allusion à la crise migratoire de
2015, l orsqu’un million de
demandeurs d’asile majoritaire-
ment syriens étaient remontés


UNION
EUROPÉENNE


Le président turc
se rend à Bruxelles
lundi pour discuter
avec les dirigeants de
l’Union de la situa-
tion des migrants.


En grande difficulté
en Syrie, isolé sur
la scène internatio-
nale, il négociera en
position de faiblesse.


Erdogan à Bruxelles


pour démêler la crise


des migrants


de Turquie à travers la Grèce,
puis le long de la route des Balk-
ans vers le nord de l’Europe.
Affaibli par une offensive
hasardeuse dans le nord-ouest
de la Syrie, le président turc ver-
rait certainement d’un bon œil
la répétition d’un tel scénario,
qui diviserait les pays d e l’Union
européenne, comme il l’avait
fait en 2015. Rien de tel ne
devrait se rejouer aujourd’hui.
Les pays européens sont
mieux organisés, du moins en
cette frontière extérieure de
l’Union, avec la montée en
puissance de Frontex et la
mise en place des centres
d’enregistrement des
migrants qui fonctionnent en
Grèce, même si les centres
d’accueil sont submergés.
Depuis qu’Erdogan a incité les
migrants à partir vers
l’Europe, fin février, les diri-
geants européens ont promis
leur s olidarité à la Grèce et cel-
le-ci, dirigée par un gouverne-
ment conservateur, s’est mon-
trée déterminée à laisser sa
frontière totalement fermée à
cette nouvelle vague de
migrants.

Pour Athènes, « il ne s’agit pas
d’un problème migratoire ou de
réfugiés ». « Le Grec a prouvé qu’il
accueille les personnes persécu-
tées en zones de guerre, comme
les Syriens en 2015 », a souligné le
porte-parole du gouvernement
Stelios Petsas. « Le problème
actuel est que la Turquie utilise
des ressortissants d’Afghanistan,
du Pakistan et d’Afrique pour
assiéger le pays. C’est cela qu’on
va arrêter. Nous allons maintenir
les frontières fermées autant qu’il
le faudra », a-t-il fustigé.
Le président turc Recep
Tayyip Erdogan s’est rendu ce
lundi en Belgique afin de discu-
ter de la question migratoire
avec des responsables d e
l’Union européenne. II a jus-
qu’ici refusé les 500 millions
d’euros supplémentaires que
lui proposait la Commission
von der Leyen.n

Les dirigeants
européens
ont promis
leur solidarité
à la Grèce.

92


MILLIARDS DE DOLLARS
La dette du Liban.
Free download pdf