Le Monde - 15.03.2020 - 16.03.2020

(Grace) #1
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DIMANCHE 15 ­ LUNDI 16 MARS 2020 coronavirus| 11

La plupart des concours sont maintenus


Les conditions matérielles seront adaptées afin de protéger au mieux les candidats de l’épidémie de Covid­


D


ans la foulée de l’an­
nonce de la ferme­
ture des établisse­
ments scolaires et
des universités, une autre ques­
tion, particulièrement sensible
pour de nombreux étudiants,
s’est vite posée : quid des con­
cours? Elle a été tranchée ven­
dredi 13 mars, par Frédérique Vi­
dal, la ministre de l’enseigne­
ment supérieur, après avoir
rencontré l’ensemble des re­
présentants des grandes écoles,
des universités et des syndicats
enseignants et étudiants. Les ses­
sions d’épreuves à venir seront,
en grande majorité, maintenues
aux dates prévues, a­t­elle an­
noncé. Ajoutant avec prudence :
« A ce stade. »
Les concours d’entrée dans les
grandes écoles, qui arrivent en
grande partie au printemps,
se tiendront « dans les conditions
les plus adaptées possibles aux
circonstances », a­t­elle précisé.
« Nous devons aux élèves qui s’y
sont préparés de les maintenir
dans le respect du principe d’éga­
lité et en leur garantissant des
conditions sanitaires appro­
priées. » Même chose pour les
épreuves de fin de première an­
née commune aux études de
santé (Paces), qui réunissent
quelque 57 000 candidats chaque
année, fin mai.

Examen des dossiers scolaires
Autres concours avec d’impor­
tants bataillons de candidats :
ceux de l’enseignement, à l’entrée
du primaire, du secondaire et du
supérieur, conservent eux aussi
le même calendrier. Un espace­
ment de plus d’un mètre devra
être respecté entre les candidats
lors des épreuves. L’enjeu est de

taille : ces concours de la fonction
publique (Capes, CRPE, agréga­
tion...), qui mènent au recrute­
ment des enseignants pour la
prochaine rentrée et dont cer­
tains débutent ces jours­ci, ont
un calendrier extrêmement
serré. « C’est un soulagement
pour les candidats, étant donné
l’intensité de leur préparation »,

rapporte Blanche Lochmann,
présidente de la Société des agré­
gés, qui reconnaît « l’exercice
compliqué » de trouver « l’équili­
bre » avec les problématiques sa­
nitaires.
Seul un secteur pourrait voir ses
épreuves écrites d’admission re­
mises en question : celui des con­
cours des écoles post­bac – princi­
palement des écoles d’ingénieurs
et de commerce. Frédérique Vidal
a demandé à ces établissements,
pour qui le passage à un autre
type de sélection paraît moins
problématique, de « basculer vers
un examen des dossiers » des can­
didats. Et ce, « dans le respect du
calendrier de Parcoursup », le pro­
cessus d’admission dans l’ensei­
gnement supérieur, dont les pro­
chaines échéances restent in­
changées, a également annoncé
la ministre.
La plupart des écoles post­bac
s’étaient préparées à cette éven­
tualité. A l’instar de Puissance Al­
pha, concours commun à seize
écoles d’ingénieurs, qui a décidé
d’annuler les épreuves écrites du
25 avril. « L’annulation de ces

épreuves ne remet pas en cause
l’évaluation et le classement des
candidats », souligne Astrid Woi­
tellier, déléguée générale du con­
cours. Une évaluation sur double
étude de dossier (par le jury et par
l’école) sera déployée pour tous
les candidats. Cette modalité
d’évaluation intégralement sur
dossier était déjà pratiquée jus­
qu’ici pour une partie d’entre eux.
Les établissements qui voient
leurs concours maintenus se
trouvent eux aussi confrontés
à un défi d’adaptation. « Va­t­on
trouver suffisamment de salles et
pourra­t­on accéder aux lycées? »,
interroge Laurent Champaney,
vice­président de la Conférence
des grandes écoles (CGE). L’ins­
tance a présenté au ministère de
l’enseignement supérieur « une
cartographie » des concours, aux
réalités extrêmement variables.
« Cela va de cinquante candidats
dans un lycée jusqu’à 5 000 au
Parc floral, à Vincennes », dé­
taille­t­il.
Le premier ministre, Edouard
Philippe, ayant limité les rassem­
blements à un maximum de

100 personnes, l’équation est dé­
licate. Frédérique Vidal devrait
entamer avec les préfets des dis­
cussions pour obtenir une déro­
gation à la règle, selon le vice­
président de la CGE.
Se posent aussi les problèmes
d’organisation, car « multiplier les
salles, c’est multiplier les endroits
où il faut envoyer des sujets et ré­
cupérer des copies, soit autant de
moments délicats où des erreurs
sont possibles », redoute Laurent
Champaney, qui dirige l’école des
Arts et métiers. C’est aussi multi­
plier le nombre de surveillants,
sachant que « ceux à qui fait appel
le service des examens et concours
sont souvent des retraités ».
Autrement dit, des personnes
particulièrement à risque face au
Covid­19.

Oraux « moins redoutables »
Pour sa part, Gilles Dussap, prési­
dent d’un comité de pilotage qui
regroupe plusieurs grandes éco­
les d’ingénieurs (Polytechnique,
concours communs Mines­
Ponts, Centrale Supélec...), avec
quelque 27 000 candidats ins­

crits, veut rester serein. « Cela ne
devrait pas poser de problème
dans la mesure où les concours se
passent majoritairement dans les
salles de lycées, indique­t­il. Le
seul point noir est en région pari­
sienne au Parc floral de Vincennes
et au centre d’examen de Ville­
pinte, qui ont des salles bien plus
grandes. » Il attend encore que
des mesures spécifiques soient
prises dans ces cas précis, le pre­
mier concours étant celui de
l’Ecole polytechnique, le 17 avril.
« Nous avons un peu de temps
pour le faire, on doit y arriver et si
besoin en réquisitionnant
d’autres bâtiments. »
Quant aux oraux de ces écoles
d’ingénieurs, ils ne démarrent
qu’à partir du 15 juin, pour 22 000
candidats admissibles environ.
« Si on passe les écrits, on devrait
être en mesure de faire passer les
oraux qui sont moins redoutables
car les candidats ne sont pas tous
ensemble et on peut facilement
maintenir de plus grandes distan­
ces », estime Gilles Dussap.
Dans un autre secteur qui attire
des milliers de candidats, celui
des instituts d’études politiques,
on paraît moins confiant. Quel­
que 10 500 lycéens et étudiants
sont attendus, le 18 avril, au con­
cours commun de sept Sciences
Po de région, sur quinze sites. « Il
va nous falloir un arrêté préfecto­
ral pour autoriser la tenue
d’épreuves avec plus de cinquante
personnes par amphi auprès de
sept préfectures, pointe­t­on avec
une certaine perplexité parmi les
organisateurs. Sans compter que
certains jeunes peuvent parfois
être “confinés” et ne doivent pas
se déplacer... » En coulisses, on
plaide à ce jour pour un report de
la journée d’épreuves à la fin mai,
en espérant que d’ici­là, le gros de
la crise sanitaire sera derrière
nous.
camille stromboni
et soazig le nevé

Près de 4 000 etudiants lors du concours de première année de médecine, à Douai (Nord), en décembre 2018. LUDOVIC MAILLARD/PHOTOPQR/MAXPPP

« Les surveillants
auxquels fait
appel le service
des examens et
concours sont
souvent des
retraités »
LAURENT CHAMPANEY
vice-président de la
Conférence des grandes écoles

La justice assurera avant tout les « tâches vitales »


Prisons, audiences, fonctionnement des tribunaux, des plans de continuité d’activité ont été préparés


L


a justice doit elle aussi faire
face au risque de pénurie de
personnel liée à la propaga­
tion de l’épidémie due au corona­
virus : comment, avec moins de
magistrats, de greffiers et de per­
sonnel pénitentiaire, organiser le
fonctionnement des tribunaux et
des centres de détention, assurer
les urgences civiles et pénales,
faire le tri dans les audiences?
Lors d’une visioconférence or­
ganisée vendredi 13 mars dans la
cellule de crise du ministère, la
garde des sceaux, Nicole Bellou­
bet, s’est entretenue avec les chefs
des neuf zones de défense (pre­
miers présidents de cour d’appel
et procureurs généraux) afin de
tirer les conséquences des mesu­
res annoncées la veille par le pré­
sident de la République.
Des plans de continuité d’acti­
vité (PCA) ont été préparés et
pourront être déclenchés à l’ini­
tiative des chefs de juridiction, au
vu de la situation des effectifs dis­

ponibles dans chacune de ces juri­
dictions, dans les prisons et les
foyers de la Protection judiciaire
de la jeunesse (PJJ).

Incarcérations différées
Le principe retenu est de s’adap­
ter localement au jour le jour, se­
lon le degré d’urgence. Une fois
assurées les « tâches vitales » – si­
tuations de péril imminent pour
les mineurs, ordonnances de
protection de conjoints, audien­
ces de comparutions immédia­
tes, défèrement devant le juge
d’instruction, contentieux de la
liberté tels que l’hospitalisation
sans consentement ou la situa­
tion des étrangers en rétention
administrative –, le personnel
disponible sera affecté aux
autres tâches. En cas de force ma­
jeure, certaines incarcérations
pourront être différées. L’usage
de la vidéoconférence est encou­
ragé afin d’éviter les transferts.
Dans les prisons, il n’est pas im­

possible que les parloirs soient
réduits et que les activités soient
limitées pour les détenus.
L’interdiction des rassemble­
ments de plus de 100 personnes,
annoncée vendredi par le pre­
mier ministre Edouard Philippe,
concerne également les salles
d’audience. Des restrictions d’ac­
cès devraient donc s’appliquer
dans les palais de justice. A Gre­
noble par exemple, qui réunit
dans un même lieu le tribunal, la
cour d’appel, le tribunal de com­
merce et le conseil des
prud’hommes et accueille plus

de 1 000 personnes par jour, cette
restriction entrera en vigueur
dès lundi 16 mars. Dans plusieurs
villes, les maisons de la justice et
du droit seront fermées à comp­
ter de la même date. La chancelle­
rie s’attend aussi à la défection de
plusieurs conciliateurs de jus­
tice, qui sont majoritairement
des retraités âgés.
Les cours d’assises pourraient
également rencontrer des difficul­
tés de composition des jurys – ti­
rés au sort parmi les citoyens –
susceptibles d’entraîner le report
de certaines sessions. Interrogée
sur le procès des attentats de jan­
vier 2015 qui doit s’ouvrir le 4 mai
au tribunal judiciaire de Paris et
durer jusqu’au 2 juillet, la ministre
de la justice a indiqué qu’un report
n’est pour l’heure pas envisagé.
En matière pénale, la chancelle­
rie a rappelé aux chefs de juridic­
tion la jurisprudence de la cham­
bre criminelle de la Cour de cassa­
tion selon laquelle, face à des « cir­

constances insurmontables »,
certains délais en matière de dé­
tention peuvent être prolongés,
sans faire courir d’office un risque
de nullité de la procédure.
La garde des sceaux a par
ailleurs indiqué que deux cas de
Covid­19 ont été confirmés dans
les juridictions de Béziers (Hé­
rault) et de Dijon (Côte­d’Or). Une
infirmière travaillant à la prison
de Fresnes (Val­de­Marne), l’une
des plus surpeuplées de France, a
également été testée positive, a­
t­elle confirmé. Nicole Belloubet
a en revanche précisé qu’« à ce
stade, aucun cas de coronavirus
n’a été confirmé » dans les pri­
sons. Mercredi 11 mars, douze dé­
tenus du centre pénitentiaire de
Poitiers­Vivonne (Vienne)
avaient été placés en confine­
ment quelques heures après
avoir été en contact avec un mé­
decin du CHU déclaré porteur du
virus.
pascale robert­diard

Deux cas de
Covid-19 ont été
confirmés dans
les juridictions
de Beziers
et de Dijon

« Plusieurs scénarios » pour le bac


Après la fermeture des écoles, c’est avec prudence que le ministre
de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, évoque la question du bac-
calauréat et de l’impact que pourrait avoir, sur son déroulement,
la crise sanitaire due au coronavirus. Il y a « plusieurs scénarios », a-
t-il expliqué sur France 2, vendredi. Celui que le ministre dit « privi-
légier » est un bac « à la bonne date, en juin ». « La décision de fer-
meture entraîne des questionnements en cascade, reconnaît-on
dans son entourage. Il faut garder en tête que la situation change
d’un jour sur l’autre. » Dans les rangs des proviseurs, on se veut
confiant. « D’ici au 17 juin, date de l’épreuve de philosophie, on a le
temps d’y voir plus clair », souligne Philippe Vincent, du SNPDEN-
UNSA. En attendant, on peut parier que les E3C, ces épreuves
communes de contrôle continu introduites avec la réforme du bac
dès la classe de 1re, qui ont nourri les polémiques ces dernières se-
maines, voient leur organisation bousculée. « A ce stade, on espère
avoir repris les cours en mai, mais on aura beaucoup de travail à
rattraper... Difficile de se projeter dans ce calendrier. »

H Ô P I TA U X
Le « plan blanc
maximal » déclenché
Le gouvernement a ordonné,
vendredi 13 mars, aux hôpi­
taux et cliniques d’annuler
toute chirurgie non urgente
pour accueillir le maximum
de malades du Covid­19. Ils
disposeront pour cela de
« tous les moyens financiers
nécessaires ». « D’habitude, on
active ce genre de plan quand
on est face à la détresse. Je
l’active par anticipation par­
tout, y compris là où le virus
ne circule pas encore, pour (...)
que nous ne soyons pas pris
à la gorge », a précisé
le ministre de la santé,
Olivier Véran.

M E S U R E S R E S T R I C T I V E S
Les rassemblements de
plus de 100 personnes
interdits
Le premier ministre Edouard
Philippe a abaissé vendredi à
100 personnes (contre 1 000)
les rassemblements autorisés
afin de « freiner » la propaga­
tion de l’épidémie due au co­
ronavirus. Cette mesure a en­
traîné la fermeture de
nombreux lieux culturels.
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