Le Monde - 15.03.2020 - 16.03.2020

(Grace) #1

18 |économie & entreprise DIMANCHE 15 ­ LUNDI 16 MARS 2020


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La France se convertit vite à la voiture électrique


Entre 2019 et 2020, la part de marché des véhicules zéro émission a bondi de 242 % dans le pays


A


ppelons­les Bernard et
Gabrielle. Ils ont la cin­
quantaine, sont cadres,
habitent dans une mé­
tropole française. Et ils ont franchi
la frontière de la voiture électri­
que ce mois de février. Ils avaient
beaucoup hésité pourtant, ayant
jusqu’ici toujours acheté essence
ou diesel. Finalement, l’autono­
mie de presque 400 kilomètres et
la possibilité de disposer d’une
voiture thermique pour les vacan­
ces d’été les ont décidés.
Comme Bernard et Gabrielle, ils
sont 10 300 foyers à avoir opté
pour une voiture électrique entre
le 1er janvier et le 12 mars 2020 – se­
lon les données fournies au
Monde par Autoways, société indé­
pendante disposant d’une licence
d’accès au Système d’immatricula­
tion des véhicules (SIV) du minis­
tère de l’intérieur. Le chiffre monte
même à 12 000 si on y ajoute les
ménages qui ont acquis une voi­
ture hybride rechargeable.
C’est un record sur la période et
c’est, surtout, le signe que la voi­
ture électrique fait un bond histo­
rique en France, atteignant une
part de marché de 7 % sur les deux
premiers mois de 2020, contre
1,8 % si on compare avec la même
période de 2019. A presque mi­
mars, ce sont au total 24 000 nou­
veaux véhicules zéro émission de
CO 2 qui ont été immatriculés dans
le pays en 2020, soit une hausse de
242 % par rapport à début 2019.
Avec de tels niveaux, l’Hexagone
est l’un des lieux du monde où l’on
achète le plus d’électrique. Un la­
boratoire des nouvelles mobilités.

En réalité, plusieurs phénomè­
nes se sont cumulés pour gonfler
les chiffres de ce début d’année.
D’abord, les constructeurs ont re­
tardé en 2020 les immatricula­
tions des véhicules électriques
vendus fin 2019. Les industriels,
obnubilés par la nécessité de ré­
duire leurs émissions de CO 2 cette
année afin de remplir les exigen­
ces réglementaires européennes
et d’échapper à de fortes amendes,
cherchent par tous les moyens à
maximiser le nombre de modèles
tout­électrique vendus, ce qui per­
met de faire baisser radicalement
le taux de dioxyde de carbone.

Embrouillamini fiscal
Dans la même logique, les ventes
dites tactiques (des véhicules ven­
dus par les constructeurs à leur
propre réseau) atteignent des ni­
veaux très élevés, soit un tiers des
immatriculations totales. Par
ailleurs, un embrouillamini fiscal
concernant les ventes aux socié­
tés (la division par deux en 2020
du bonus écologique de
6 000 euros pour l’achat d’une
voiture électrique n’est pas appli­

qu’en 2019 qui ont souhaité ac­
quérir une voiture propulsée uni­
quement par une batterie. Malgré
les contraintes. Malgré le prix.
« Oui, il y a eu des ventes tactiques
en janvier, confirme Gilles Nor­
mand, le directeur de la division
véhicules électriques chez Re­
nault. Mais le phénomène est dé­
sormais derrière nous. »
Il faut dire que l’offre électrique a
fini par s’étoffer et commence à
séduire. PSA, en particulier, qui ne
produisait aucune voiture rechar­
geable digne de ce nom il y a en­
core quelques mois, a réussi l’ex­
ploit de devenir numéro deux des
ventes en France par modèle, avec
la Peugeot e­208. Et le construc­
teur place la DS3 Crossback électri­
que au quatrième rang de ce pal­
marès. La Model 3 de Tesla, malgré

une réduction du bonus écologi­
que pour cause de tarif trop élevé,
se hisse sur la troisième marche
du podium. Le groupe coréen
Hyundai­Kia, grâce à un éventail
très large de véhicules électriques
ou électrifiés, réussit également
une belle percée.
Quant à Renault, pionnier du
genre avec son partenaire Nissan,
s’il continue à jouer les premiers
rôles avec sa Zoe (renouvelée
en 2019), il est désormais talonné
par ses rivaux. La marque au lo­
sange a, du coup, lancé une nou­
velle offensive électrique dans le
but de retrouver l’avance prise il y
a plus de dix ans. Le groupe de
Boulogne­Billancourt sort ainsi
deux nouveaux modèles dans les
mois qui viennent sur le segment
de la toute petite citadine : la

Twingo ZE et la future Dacia
Spring, présentée comme la voi­
ture électrique la moins chère
d’Europe (16 000 euros), issue de
la petite K­ZE lancée en Chine l’an
dernier.
Le Losange, qui était absent de
l’hybride et de l’hybride rechar­
geable, s’y met aussi, en équi­
pant, dès la fin du printemps, ses
best­sellers Clio, Captur et Mé­
gane de sa technologie maison e­
Tech, inspirée des moteurs Re­
nault hybrides de Formule 1. Le
constructeur français a égale­
ment présenté, ces jours­ci, un
concept de SUV électrique bap­
tisé Morphoz, préfigurant la fu­
ture voiture électrique bâtie sur
une plate­forme industrielle
commune avec Nissan.
éric béziat

La Leaf,
modèle
électrique
de Nissan,
est présentée
au salon de
l’automobile
de Tokyo, le
24 octobre 2019.
EDGAR SU/REUTERS

Brevets : les sociétés françaises


toujours bien classées en Europe


L’Ile­de­France est la plus dynamique en matière d’innovation


A


lors que, depuis quelques
années, la Chine effectue
une percée fulgurante, la
France reste un pays dynamique
en matière d’innovation. Elle a dé­
posé, en 2019, 10 163 demandes
auprès de l’Office européen des
brevets (OEB). Un chiffre certes en
baisse de 2,9 % par rapport à 2018,
mais qui lui permet de se mainte­
nir au deuxième rang des pays
européens, derrière l’Allemagne
et devant la Suisse. Un recul en vo­
lume qui est notamment lié à des
changements structurels, et no­
tamment la vente par Technicolor


  • auparavant cinquième plus gros
    demandeur français – de ses acti­
    vités de recherche et innovation à
    l’américain InterDigital.
    Dans le classement mondial,
    la France se place désormais en
    cinquième position, derrière les
    Etats­Unis (46 201 demandes,



  • 5,5 %), l’Allemagne (26 805,

  • 0,5 %), le Japon (22 066, – 2,3 %) et
    la Chine (12 247, + 29,2 %). A noter
    qu’en 2014, cette dernière était à la
    neuvième place. « En cinq ans, les
    demandes de brevets venant de ce
    pays ont été multipliées par trois,
    souligne Rainer Osterwalder, por­
    te­parole de l’OEB. La Chine a opéré
    un rattrapage et tient désormais
    un rang dans le paysage mondial
    de l’innovation en lien avec sa place
    dans l’économie mondiale. »
    En 2019, l’innovation a été forte­
    ment dominée par les technolo­


gies indispensables à la mise en
œuvre de la 5G, avec une hausse de
65 % des demandes de brevets. El­
les émanent de Huawei, Ericsson,
Qualcomm, Samsung, LG... Avec
3 524 demandes à lui tout seul, le
chinois Huawei, qui ne cache pas
ses ambitions en Europe, est de­
venu le champion des demandes
de brevets tous secteurs confon­
dus. Les technologies médicales,
qui tiraient l’innovation dans le
monde depuis 2006, sont ainsi dé­
sormais détrônées par ces techno­
logies que l’OEB regroupe sous
l’appellation de « communication
numérique ».

Forte croissance de l’informatique
Le deuxième domaine qui a connu
la plus forte croissance en 2019 est
l’informatique (+ 10,2 %), boostée
par les technologies liées à l’intelli­
gence artificielle. Dans ce secteur,
ce sont les entreprises américai­
nes telles qu’Alphabet (Google),
Microsoft et Intel qui tiennent la
corde, avec 40 % des demandes.
La France, traditionnellement
un acteur majeur dans le secteur
des transports, depuis l’aéronauti­
que jusqu’aux équipementiers, se
montre un peu moins dynamique
sur ce plan que les années précé­
dentes. Valeo, entreprise la plus in­
novante de l’Hexagone en 2018, re­
cule au classement : quatrième
en 2018, elle n’est plus que hui­
tième de son secteur.

En revanche, l’innovation fran­
çaise progresse dans six domai­
nes : les biotechnologies (+ 12,4 %),
les techniques de mesure (+ 9,1 %),
les pièces mécaniques (+ 7 %), le gé­
nie chimique (+ 4,3 %), la chimie
fine organique (+ 4,2 %) et les tech­
nologies médicales (+ 1,8 %).
Et en la matière, la recherche pu­
blique « performe particulièrement
bien », souligne Yann Ménière,
économiste en chef à l’OEB. Avec
597 demandes de brevets dépo­
sées en 2019, le Commissariat à
l’énergie atomique et aux énergies
alternatives (CEA) apparaît
comme le fer de lance de la recher­
che publique française et devient
l’entreprise la plus active du pays
en matière de brevets européens.
Dans le secteur de la biotechnolo­
gie ou de la pharmacie, c’est l’In­
serm qui se distingue. L’établisse­
ment public est le champion des
demandeurs des produits phar­
maceutiques, devant des groupes
tels que Sanofi ou Novartis.
Enfin, sur le plan géographique,
l’Ile­de­France – qui héberge le
CEA, l’Inserm et de très nombreux
sièges de grands groupes – fait la
course en tête en France en ma­
tière d’innovation (plus de 64 %
des demandes de brevets en éma­
nent) et se place au deuxième rang
européen derrière la Bavière. De
quoi conforter encore l’attractivité
économique de la région.
béatrice madeline

cable en début d’année) a fini de
fausser le marché.
Mais ce serait caricatural de ré­
duire le boom électrique à ces per­
turbations commerciales. Dans
l’électrique, les « vraies » ventes
aux « vrais » particuliers sont
identiques à celles de l’ensemble
du marché automobile (soit 38 % à
fin février). En à peine deux mois,
ce sont bien 6 800 foyers de plus

Avec de tels
niveaux,
l’Hexagone
est l’un des lieux
du monde
où l’on achète le
plus d’électrique
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