Elles forment une muraille
de brique rouge autour de
Paris. Les cités habitations
bon marché (HBM),
construites entre 1921 et
1939 le long des boulevards
des Maréchaux, ont offert
au Rassemblement national
son plus haut score lors
des élections européennes
de 2019 dans la capitale où
ses résultats sont négligeables.
Une situation liée au
malaise grandissant des plus
vieux habitants face à la
ghettoïsation de ces quartiers
populaires délaissés.
HABITATS
DE MOINS
EN MOINS
MODÉRÉS.
Texte Jean-Michel NORMAND
Photos Ilyes GRIYEB
moyenne de 9 % à Paris. Pas assez pour en faire
un bastion mais suffisant pour faire remonter à
la surface – comme le taux d’abstention, supé-
rieur de huit points à la norme – un sentiment
diffus de relégation. « Dans la capitale, le clas-
sique phénomène de lisière, nourri par des popu-
lations qui s’estiment tenues à l’écart de la vie de
la cité, est particulièrement spectaculaire »,
observe Jérôme Fourquet, chercheur en science
politique et directeur du département Opinion
et stratégies d’entreprise de l’IFOP. Le diagnostic
qu’il pose n’est contesté par personne. À travers
les HBM s’exprime le sentiment de déclasse-
ment que nourrit une population installée de
longue date dans ces logements sociaux. « C’est
un monde qui s’effondre, celui de petits blancs
âgés – pour caricaturer, on pense à l’univers de
la mère à Titi décrit dans la chanson de Renaud –,
face à l’arrivée de nouveaux venus, souvent issus
de l’immigration et logés par la Ville », avance
Jérôme Fourquet.
« Dans mon quartier, je croise chaque jour des
femmes voilées. Moi qui suis une laïque radicale,
cela m’est de plus en plus pesant », soupire après
un temps de réflexion Michèle Legros, qui occupe
depuis vingt ans un appartement porte d’Orléans,
dans le 14e arrondissement, au sud de Paris. Cette
femme de 75 ans, qui a voté blanc au dernier scru-
tin et se demande, à chaque élection, quel bulle-
tin elle glissera dans l’urne, décrit un immeuble
« où les travaux engagés ne sont jamais menés à
leur terme, où les fils pendent des plafonds ». « Ces
bâtiments sont obsolètes », confirme, sous couvert
d’anonymat, le représentant d’un bailleur social.
Les HBM ont surtout mal vieilli au regard du
contexte social. « Les logements sous-occupés des
locataires historiques font face à ceux, parfois
suroccupés, des familles avec enfants. Or, des
enfants, ça fait du bruit, et des ados, dans un petit
appartement, ça finit forcément par descendre
dans le hall rejoindre les copains », souligne
Hélène Schwoerer, directrice générale