Le Monde - 05.03.2020

(Tina Meador) #1

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EN VUE
LE MONDE·ARGENT
JEUDI 5 MARS 2020

Reste à charge zéro : comment ça marche


Depuis le 1
er
janvier, tous les assurés ont accès à des lunettes et des prothèses dentaires sans sortir un euro de leur poche.
Ce sera également le cas dès 2021 pour certains appareils auditifs. Revue de détail du plan « 100 % santé »

L


a réforme du reste à charge zéro
se met progressivement en
place jusqu’en 2021. Lorsqu’il
porte des lunettes ou qu’il a
besoin de prothèses auditives
ou dentaires, un assuré est remboursé
en fonction des garanties proposées par
sa complémentaire et ces dépenses en­
gendrent un reste à charge plus ou
moins élevé. Avec la réforme, il a désor­
mais accès à une offre qui lui permet de
ne rien débourser pour des lunettes, cer­
taines prothèses dentaires et, bientôt,
une gamme d’appareils auditifs. Mais il
peut toujours choisir des produits plus
sophistiqués facturés, eux, à des tarifs
libres, en acceptant, bien entendu, de
mettre la main à la poche.

LES SOINS DENTAIRES
La réforme donne accès depuis cette an­
née aux couronnes et aux bridges intégra­
lement remboursés et, dès 2021, aux
prothèses amovibles (dentiers). Le panier
« 100 % santé » comprend un choix assez

large de prothèses adaptées selon la visibi­
lité de la dent soignée. Par exemple, les
incisives ou les canines peuvent bénéfi­
cier de couronne en céramique (ou en
métal recouvert de céramique) mais les
molaires uniquement de couronne métal­
lique. Là encore, il est possible de choisir
des matériaux plus sophistiqués (implant,
couronne ou bridge entièrement en céra­
mique...) facturés à tarifs libres. La réforme
plafonne aussi les prix de la majorité des
prothèses dentaires. En contrepartie, elle
permet aux praticiens d’augmenter ceux
de soins classiques, comme le traitement
d’une carie ou un détartrage.

L’OPTIQUE
Chez tous les opticiens, des paires de
lunettes sont désormais accessibles sans
rien payer dans le cadre du « 100 %
santé ». Cette dernière comprend au
moins dix­sept modèles de montures
pour les adultes (une dizaine pour les
enfants), de deux coloris différents. Des
verres amincis, traités antirayures et

antireflet, quel que soit le type de correc­
tion, sont aussi disponibles (mais pas trai­
tés anti­UV ou lumière bleue). Il est possi­
ble de choisir des verres sans reste à
charge avec une monture plus à son goût
à tarif libre, et inversement, sachant que
le plafond de remboursement par la mu­
tuelle ne peut dépasser 100 euros tous les
deux ans pour les adultes (et les plus de
16 ans). En pratique, si l’on opte pour une
monture et des verres de la gamme
« 100 % santé », on n’a plus rien à débour­
ser. Si l’on préfère en revanche s’équiper
de verres « 100 % santé » avec une mon­
ture de créateur valant, par exemple,
135 euros, il restera 35 euros à débourser.
A noter que la mise en place de ces nou­
velles offres a engendré des dysfonction­
nements informatiques chez les opticiens
depuis janvier, en passe de disparaître.

LES PROTHÈSES AUDITIVES
Etant donné le prix élevé des prothèses
auditives – l’assuré doit payer de sa poche
au moins 850 euros par oreille – de nom­

breux assurés renoncent à être appa­
reillés. Ils devront attendre janvier 2021
pour avoir accès à une sélection d’audio­
prothèses totalement remboursées. Elles
comprendront douze canaux de réglage
et plusieurs options de confort (anti­
acouphène...) et « leur qualité devrait être
équivalente à celle des modèles les plus
chers », selon l’association de consomma­
teurs UFC­Que choisir.
Toutefois, depuis cette année, les équi­
pements faisant partie de ce futur panier
sont d’ores et déjà vendus moins cher et
sont mieux pris en charge. Ainsi, la
réforme permet un plafonnement du
prix des appareils (1 100 euros par
oreille) et une hausse progressive du
remboursement de la Sécurité sociale, à
hauteur de 210 euros par oreille. Et pour
ceux qui voudront privilégier les prothè­
ses de dernière génération (rechargea­
bles, connectées...) à tarifs libres, la prise
en charge totale (Sécurité sociale et
mutuelle) ne pourra excéder 1 700 euros
par oreille en 2021.
P. JA.

MUTUELLES SANTÉ

La nouvelle donne


La mise en place de la réforme


« 100 % santé » permet à tous


les Français de bénéficier


d’une sélection de soins ou


d’équipements sans aucun reste


à charge. Mais elle entraîne aussi
des évolutions concernant

les garanties, les tarifs ou encore


les habitudes de chaque assuré


D

epuis le 1er janvier 2020, des lunettes sans
reste à charge sont proposées chez tous
les opticiens. C’est l’une des mesures­
phares de la réforme « 100 % santé », qui
donne également accès à des prothèses
dentaires totalement remboursées. Sa
mise en place a plusieurs vertus. « Elle permet à tous les
assurés de bénéficier de soins, souvent très onéreux,
auxquels ils n’avaient jusqu’ici pas accès », rappelle
Emmanuel Sève, directeur d’études chez Precepta.
Selon un sondage BVA et France Assos Santé, 41 % de
Français ont en effet déjà renoncé à se soigner à cause
d’un reste à charge trop élevé. Mais cette nouvelle
réglementation introduit aussi un peu plus d’équité
entre ceux qui sont couverts par un contrat santé indi­
viduel (jeunes, indépendants, retraités) et ceux qui
bénéficient d’un contrat collectif dans leur entreprise,
généralement bien plus protecteur. « Cette mesure
améliore également le sort des salariés de petites struc­
tures dont la mutuelle négociée propose souvent une
couverture minimale », souligne M. Sève.

Des hausses de tarifs parfois massives
Le secteur de l’assurance santé n’en est pas à sa première
réforme. Mutuelle obligatoire pour tous les salariés
en 2013, mise en place des contrats « responsables » pla­
fonnant le remboursement de certains actes médicaux
en 2015, instauration du 100 % santé en 2020... La prise en
charge des soins par les mutuelles ne cesse d’évoluer.
Dernières preuves en date : la résiliation annuelle des
contrats va être facilitée avant la fin de l’année et les orga­
nismes se sont engagés à rendre leurs tableaux de garan­
ties plus lisibles. « Faciliter la lecture et la comparaison
des garanties en santé va dans le bon sens pour les assu­
rés », estime Cyrille Chartier­Kastler, fondateur du site

Good Value for Money. Cela est aussi salutaire face à des
hausses de tarifs parfois massives. Selon l’UFC­Que
choisir, l’inflation moyenne des complémentaires santé
atteint 5 % cette année. Sur environ 500 contrats reçus
par l’association, les augmentations oscillent entre 2,7 %
et 12 % selon les établissements, soit un écart de un à qua­
tre. La Mutualité française, qui fédère la quasi­totalité des
mutuelles, annonce, elle, « une hausse moyenne de 2,4 %
en 2020 », conforme à celle des années précédentes.
Les assurés ont néanmoins dû s’habituer à la flambée
de leurs cotisations depuis une décennie. « Les dépenses
de santé augmentent deux fois plus vite que l’inflation, à
cause du vieillissement de la population et de l’améliora­
tion des technologies médicales. Quant au dérembourse­
ment des soins et des traitements, il s’accroît. Tous ces fac­
teurs ont un impact sur les tarifs des contrats », justifie
Christophe Harrigan, directeur de la Mutuelle générale.
S’y ajoute la réforme du « 100 % santé » dont le coût,
estimé à 1 milliard d’euros, est fi­
nancé par l’Assurance­maladie et
par les mutuelles et assureurs.
Certes, certains organismes ont
décidé de ne pas répercuter cette
charge sur leurs tarifs en 2020,
« mais il faudra bien qu’ils le fas­
sent d’une manière ou d’une autre
afin d’intégrer la hausse des garan­
ties induite par la réforme, notam­
ment sur les contrats d’entrée de
gamme », estime M. Chartier­
Kastler. Et ce, malgré les vœux
pieux des pouvoirs publics.
Avec le « 100 % santé », les contrats
évoluent aussi. Mutuelles et assu­
reurs ont révisé leurs garanties
pour les adapter à la nouvelle ré­
glementation. « Certains d’entre eux ont parfois été re­
vus à la baisse pour limiter la hausse des cotisations »,
ajoute M. Chartier­Kastler. Une façon plus discrète
d’anticiper les effets de la réforme. Ces derniers ne sont
d’ailleurs pas encore connus, même si, en toute logi­
que, les détenteurs d’un contrat individuel, moins cou­
vrant, devraient avoir davantage recours aux offres
sans reste à charge. Les seniors en tête, puisque leurs
besoins sont plus importants.
Autre conséquence de la réforme, les réseaux de soins
(Carte Blanche, Santéclair, Sévéane...) font évoluer leurs
services. Ces plates­formes de santé, constituées par
les mutuelles et assureurs, permettaient déjà avant la

réforme d’accéder à des lunettes ou à des couronnes,
avec peu ou pas de reste à charge. Ils n’ont désormais pas
d’autres choix que de proposer des prestations amélio­
rées par rapport à ce que préconise la loi.
« Nous négocions les prix et la qualité pour nos adhé­
rents qui sont prêts à s’équiper de lunettes ou de prothè­
ses dentaires à des tarifs libres », précise Jean­François
Tripodi, directeur général de Carte Blanche Partenaires.
Selon le réseau, en optique, seulement 5 % de leurs
clients ont opté pour l’offre sans reste à charge depuis
début janvier, les autres ayant accepté de mettre la main
à la poche. « Nous allons ouvrir un réseau d’implantolo­
gie puisque ces soins onéreux ne sont pas pris en charge
par la réforme », annonce M. Tripodi.

Une réforme encore mal connue
Ces plates­formes cherchent aussi à faciliter l’accès aux
praticiens pour les assurés, à travers la téléconsultation,
par exemple. Enfin, elles renfor­
cent leurs offres en médecines
douces, en diététique ou bien­être,
très appréciées par les Français
mais qui ne sont que très chiche­
ment remboursées.
Avec cette nouvelle donne, les
comportements des assurés pour­
raient aussi évoluer dans les pro­
chains mois. Reste à savoir de quelle
façon et à quelle fréquence ces der­
niers vont s’emparer de ces offres
sans aucun reste à charge. Selon un
sondage réalisé en janvier par le
comparateur Assurland, la réforme
est encore mal connue puisque
« 42 % des internautes interrogés
pensent ne pas y avoir droit ». Elle est
pourtant accessible à tout assuré dès lors qu’il détient
une complémentaire santé « responsable » (soit la quasi­
totalité des contrats).
De plus, « 28 % des sondés n’ont pas confiance en la
qualité des matériaux proposés dans le cadre des offres
100 % santé ». Leur essor va donc aussi dépendre de la
façon dont elles seront mises en valeur ou non par les
dentistes et les opticiens. L’offre auditive totalement
remboursée sera, elle, accessible à partir du 1er jan­
vier 2021. Elle devrait susciter l’intérêt de nombreux
Français – plus de 3 millions – qui ne sont aujourd’hui
pas appareillés, faute de moyens.
PAULINE JANICOT

SELON UN SONDAGE


RÉALISÉ PAR


ASSURLAND,


42 % DES INTERNAUTES


INTERROGÉS PENSENT


NE PAS AVOIR


DROIT AU RESTE


À CHARGE ZÉRO


95 %


C’est la part des Français qui sont
couverts par une complémentaire
santé, selon la direction
de la recherche, des études,
de l’évaluation et des statistiques.
Parmi eux, 53 % ont souscrit
un contrat à titre individuel
et 47 % à titre collectif.

L’offre
« 100 % santé »
comprend
au moins
17 modèles de
montures pour
les adultes,
de deux coloris
différents
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