Les Echos - 21.02.2020

(vip2019) #1
Adrien Lelièvre
@Lelievre_Adrien

Dans la langue de Goethe, Tier
signifie « animal ». Et, au
rythme où vont les choses, la
petite bestiole spécialisée dans
la trottinette électrique en libre-
service pourrait se transformer
en créature sauvage terrorisant
ses concurrents européens. La
start-up allemande annonce, ce
vendredi, avoir réalisé une levée
de fonds de 40 millions dollars
(37 millions d’euros), sous
forme de dettes et de fonds pro-
pres. Ce tour de table complète
une Série B de 60 millions de
dollars annoncée cet automne.
« Nous opérons de façon très effi-
cace en termes de nombre de tra-
jets, de revenus et de profitabilité,
et nous voulons utiliser cette levée
de fonds pour faire grossir notre
business », explique Lawrence
Leuschner, cofondateur de
TIER Mobility.
Cet argent frais doit notam-
ment permettre à la jeune
pousse d’améliorer son hard-
ware, le nerf de la guerre dans

TRANSPORT


La start-up
allemande a connu
une croissance
rapide depuis sa
fondation en 2018.

Elle est installée
dans 55 villes
et revendique
17 millions
de trajets.

TIER Mobility veut


devenir le champion


européen de la


trottinette électrique


Déborah Loye
@Loydeborah


Elle conjugue rigueur des premiers
de la classe et fine maîtrise de
l’empathie. A trente-trois ans, Isa-
belle G allo vient d’être n ommée par-
tner chez Breega. Une nomination
marquante dans l’écosystème du
capital-risque, où les fonds sont le
plus souvent dirigés par des hom-
mes plus âgés ; bien que la dynami-
que soit doucement en train de
changer. Et ce changement, Isabelle
Gallo le porte sans complexe,
notamment dans la manière d’envi-
sager son métier. « Nous avons une
responsabilité par rapport à ce que
l’on finance, parce que nous sommes
en train de financer le futur, affirme-
t-elle. Nous devons donc nous poser la
question de l’impact que nous
avons. » Une sensibilité qui l’a ame-
née vers les sujets d’inclusion finan-
cière, à travers des investissements
dans des fintechs ou des assurtechs.
« Ces services permettent d’inclure
des gens qui n’avaient pas accès à la
finance ou à la santé, de valoriser des
comportements irréprochables »,
juge-t-elle.
Fondé en 2015, Breega investit en
amorçage et e n série A, avec
250 millions d’euros sous gestion. Le
fonds a pour particularité de mettre
une équipe opérationnelle à disposi-
tion des start-up de son portefeuille,
et de ne compter que des ex-entre-
preneurs dans ses équipes d’inves-
tissement. C’est le cas d’Isabelle
Gallo, qui a cofondé la solution de


CAPITAL-RISQUE


La jeune femme est
passée par Bain avant
de créer une start-up,
puis de devenir
investisseuse.


Par sa rigueur mais
aussi son empathie,
elle a su convaincre
les cofondateurs
de Breega de
la nommer partner.


l’industrie de la micromobilité.
A cette fin, la société basée à Ber-
lin confirme avoir fait l’acquisi-
tion de Pushme, une société bri-
tannique spécialisée dans les
batteries électriques. Son fon-
dateur, George Kalligeros, sera
le nouveau responsable de TIER
Mobility en charge du hard-
ware. Passé dans les rangs de
Tesla, cet ingénieur aidera le
spécialiste du «free floating» à
fabriquer des « trottinettes plus
robustes, durables et offrant
davantage de sécurité », précise
Lawrence Leuschner.
L’opérateur a déjà fait du che-
min en la matière. 85 % de sa
flotte est composée de modèles
avec batterie amovible. Une

technologie qui permet de
réduire les coûts opérationnels
et d’améliorer le bilan carbone.
TIER Mobility assure égale-
ment travailler sur un nouvel
engin de micromobilité, sans
donner davantage de détail.
Depuis ses premiers tours de
roue à Vienne en octobre 2018,
la start-up allemande a déployé
des trottinettes dans 55 villes et
revendique 17 millions de tra-
jets. Aucun autre opérateur
européen n’est allé aussi vite
sur le Vieux Continent.
A l’image de l’ensemble des
acteurs de l’industrie, TIER a les
yeux rivés sur l’appel d’offres
lancé en décembre par la Mairie
de Paris. « Cela sera difficile car il
y a trois licences en jeu et beau-
coup de candidats. Mais nous
sommes confiants dans nos chan-
ces d’obtenir l’une des places en
raison de notre ADN fondé sur la
responsabilité envers les villes,
l’environnement, les clients et nos
employés », analyse Lawrence
Leuschner. Les vainqueurs
pourront déployer 5.000 véhi-
cules chacun dans les rues de la
capitale. Cet appel d’offres pour-
rait accélérer la consolidation
dans l e secteur de la micromobi-
lité, entamée récemment par
l’acquisition de CIRC par le géant
américain Bird. En attendant le
verdict de la Mairie de Paris,
Lawrence Leuschner assure
que sa société pourrait atteindre
la profitabilité dès cette année.
La concurrence est prévenue.n

85 % de la flotte
est composée
de modèles
avec batterie
amovible.

« Nous sommes
confiants dans
nos chances
d’obtenir l’une
des places en
raison de notre
ADN fondé sur
la responsabilité
envers les villes,
l’environnement,
les clients et nos
employés. »
LAWRENCE LEUSCHNER
Cofondateur de TIER

Isabelle Gallo a cofondé la solution de paiement mobile
et de fidélisation Pepeats, dont elle est toujours membre
du conseil d’administration. Photo DR

EN KIOSQUE DÈEN KIOSQUE DÈSASAUJOURDUJOURD’HUI’HUI

CCHHAAQQUUEE MMOOIISS,,


CCOONNNNAAIISSSSAANNCCEE


DDEESS AARRTTSS


FFAAIITT DDEE VVOOUUSS


UUNN EEXXPPEERRTT


paiement mobile et de fidélisation
Pepeats, dont elle est toujours mem-
bre du conseil d’administration.
Après avoir été formée à l’Essec et
avoir commencé sa carrière dans le
cabinet de conseil en stratégie Bain,
l’investisseuse décrit son expérience
entrepreneuriale comme « une
énorme gifle d’humilité ». Elle
raconte y avoir découvert le principe
d’itération cher aux entrepreneurs,
c’est-à-dire le fait de tester des cho-
ses, quitte à échouer, jusqu’à trouver
le bon modèle. « Chez Bain, où j’ai
adoré travailler et qui est une forma-
tion extraordinaire en termes de
structuration de l’esprit, l’objectif est
de ne faire aucune erreur, alors que
l’entrepreneuriat c’est faire toutes les
erreurs possibles et imaginables! »
Après quelques « itérations », donc,
la start-up a trouvé son modèle,
mais sans que la jeune femme y
trouve sa vocation. « Je suis arrivée à
la conclusion que je n’étais pas faite
pour l’opérationnel pur », confie Isa-
belle Gallo.

Alors qu’elle souhaite rester dans
l’écosystème, cette expérience lui
ouvre les portes de Breega, où elle
rejoint les trois associés François
Paulus, Ben Marrel et Maximilien
Bacot en 2016. « A ce moment-là, on
avait 45 millions sous gestion et je
sentais que rien n’arrêterait leur
ambition », se souvient-elle. Quatre
ans plus tard, elle siège au conseil
d’administration de start-up
comme Gymlib, Libeo, Trustpair ou
encore la britannique So-Sure. Son
nouveau rôle de partner lui donne
une place privilégiée dans l a gouver-
nance du fonds « et une certaine légi-
timité dans l’écosystème », indique-t-
elle. Un statut qui a son importance
dans ce milieu où les profils divers
sont encore sous-représentés. Pour
François Paulus, la nommer était
une évidence. « C’est une grosse bos-
seuse, elle ne lâche rien, elle est très
analytique et perçoit des choses que
nous [les trois partners du fonds,
NDLR] ne percevons pas », énumè-
re-t-il.
Si cette complémentarité fait sa
force, Isabelle Gallo a mis un peu de
temps à se l’approprier. « Au d ébut, j e
pensais qu’il fallait être frontale pour
faire ce métier, et ce n’est qu’il y a quel-
ques mois que j’ai compris que ce
n’était pas ma personnalité, décrit-
elle. Je suis différente d’eux trois, c’est
ce qui fait que l’on se sublime les uns
les autres. » Dans les mois à venir,
l’investisseuse souhaite faciliter
encore l’expérience des entrepre-
neurs lorsqu’ils interagissent avec
Breega. « On a été entrepreneurs
donc on sait ce qu’ils t raversent, à quel
point c’est horrible de ne pas avoir de
réponse par exemple, raconte-t-
elle. Nous réfléchissions à plein de
moyens de faciliter c ette expérience, et
j’en suis pas mal moteur. » Un élé-
ment différenciant pour le fonds,
qui évolue dans un écosystème où la
compétition pour les bons deals ne
cesse de s’accroître.n

Isabelle Gallo, 33 ans, nommée


associée chez Breega


Son nouveau rôle
de partner lui donne
une place privilégiée
dans la gouvernance
du fonds.

« On a été
entrepreneurs
donc on sait ce
qu’ils traversent, à
quel point c’est
horrible de ne pas
avoir de réponse
par exemple. »
ISABELLE GALLO

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