12 u Libération Vendredi 6 Mars 2020
nant sur les terres du Rassemble-
ment national? C’est assez coutu-
mier de ceux qui flirtent avec le
populisme et qui, en réalité, ne pro-
posent rien pour améliorer la vie de
nos concitoyens.
Que proposez-vous pour rendre
les logements plus abordables?
On va continuer à faire construire
du logement social partout dans
Paris, comme depuis 2001 avec
Bertrand Delanoë. J’ai décidé d’ac-
tionner d’autres leviers, tel l’en -
cadrement des loyers que je main-
tiens, alors que Rachida Dati veut le
supprimer. Je créerai une société de
la Ville de Paris qui achètera des bâ-
timents et mettra 6 000 logements
en accession à la propriété à moitié
prix, autour de 5 000 euros le m^2. La
ville restera propriétaire du terrain,
et le propriétaire achètera les murs,
qu’il pourra revendre.
On ira aussi chercher 2 milliards
d’euros du côté de groupes publics
comme la Caisse des dépôts, et
3 milliards dans le privé pour pro-
duire du logement. Avec cet effet de
levier, on pourra produire environ
30 000 logements sur la mandature,
à des loyers inférieurs de 20 % aux
prix du marché. C’est une chambre
en plus pour le petit dernier ou la
petite dernière!
Certains, chez La France insou-
mise ou EE-LV, critiquent une
trop grande implication du privé
dans l’urbanisme et le logement
sous votre mandature...
J’assume de travailler avec le privé.
Un maire qui ferait sans ne tiendrait
pas deux secondes. Le privé doit
jouer son rôle dans les transforma-
tions de la ville.
On vous accuse d’être clivante.
Vous assumez?
La critique de la méthode est
confortable pour mes opposants
mais elle signifie qu’en réalité, eux
n’auraient tout simplement rien fait.
Dans l’équipe de Mme Buzyn, il y a
des maires d’arrondissement passés
de LR à LREM qui ont bataillé de
façon très virulente, avec Rachida
Dati et toute la droite parisienne,
contre la piétonnisation des voies
sur berges. Aujourd’hui, beaucoup
disent que j’ai sans doute eu raison
depuis le début. Mme Buzyn, par sa
méthode quand elle était au gouver-
nement, a mis plein de monde dans
la rue. La mienne n’a mis personne
dans la rue. Rachida Dati assume de
son côté contester le fond de mes
choix : elle n’est pas d’accord avec
une politique qu’elle dit «anti-voi-
ture». Elle l’avoue même : ses élec-
teurs considèrent que rouler avec
leur voiture fait partie des attributs
de leur position sociale.
Les désaccords que vous avez
avec les Verts sont-ils surmonta-
bles?
Ce sont des sujets que nous avons
toujours surmontés. Il faut conti-
nuer à faire du logement à Paris et
c’est compatible avec l’ambition
de faire beaucoup plus d’espaces
verts. J’entends beaucoup le terme
de «bétonisation» que je trouve très
malvenu. Est-ce qu’on peut dire que
Paris a été abîmé ces dernières an-
nées? Quand il y a des sujets de di-
vergences, même fortes, ou des
nuances dans une majorité, on dis-
cute. C’est la seule solution que je
connaisse, c’est le dialogue. Mais
c’est vrai qu’il y a un sujet sur lequel
je n’ai pas écouté ma majorité, c’est
la police municipale. Je l’assume.
Une police dont les Verts ne veu-
lent toujours pas. Pourriez-vous
revenir sur cette promesse dans
le cadre d’un éventuel accord de
deuxième tour?
Les Verts n’en veulent pas mais
les Parisiens, oui. Il faut être raison-
nable.
Les écologistes sont allés très
loin dans leurs attaques. Au
point de vous faire douter d’une
alliance?
Ma position oblige à être rassem-
bleuse pour deux, pour trois... Je
sais que la politique peut être un
univers de passions, avec parfois
des mots blessants. On peut se dire
que c’est injuste, caricatural. Mais
j’ai beaucoup d’affection, de consi-
dération et de respect pour les par-
tenaires, donc je ferai tout pour que
ce rassemblement puisse avoir lieu.
Le deuxième tour peut-il se ga-
gner sans alliance?
Je ne l’envisage même pas! A Paris,
il y a des électeurs qui, même s’ils
ne sont pas satisfaits de tout, consi-
dèrent que nous sommes sur le bon
chemin. Les écologistes sont nos al-
liés. Nous avons porté ensemble
les grandes transformations de Pa-
ris. La seule question qui vaille est :
veut-on retourner en arrière ou
continuer? Je pense qu’il y a quel-
que chose à faire avec tous les
huma nistes et les progressistes.
Cédric Villani a-t-il sa place dans
cette majorité progressiste?
Evidemment. Je connais bien Cé-
dric et lui-même le dit : réduire un
programme municipal aux seules
questions de sécurité et de propreté,
A
une semaine du premier
tour des municipales à Pa-
ris, Anne Hidalgo ne fait
plus la course en tête dans les son-
dages, distancée de peu par Rachida
Dati mais toujours devant Agnès
Buzyn. Disposant de très faibles ré-
serves de voix pour le second tour,
la candidate Les Républicains, qui
mène une campagne à droite toute,
a peu de chances de l’emporter. La
maire socialiste, elle, joue le ras-
semblement de la gauche contre le
«retour en arrière». Elle veut croire
que les écologistes emmenés par
David Belliard, qui font partie de la
majorité sortante, la rejoindront en-
core et ouvre grand la porte à Cédric
Villani.
Dans ce scrutin, qui est votre
principale adversaire? Rachida
Dati ou Agnès Buzyn?
C’est l’absence de vérité, la démago-
gie voire le cynisme. C’est tout ce qui
nous éloigne de l’honnêteté intel-
lectuelle que l’on devrait avoir dans
un moment grave, pas seulement
pour Paris mais pour la planète.
Vous ne voulez nommer per-
sonne?
Je sais ce que c’est d’être attaquée
ad hominem donc je ne me livrerai
pas à cet exercice. Mais je regarde
les projets et ce que je vois, c’est un
manque de volontarisme des deux
principales candidates sur les ques-
tions d’écologie.
Quand la candidate de La Répu-
blique en marche parle d’une
«écologie punitive», elle est à
contresens de l’urgence clima -
tique?
Bien sûr! Quand on parle d’écologie
punitive, ça veut dire qu’on ne veut
pas faire d’écologie du tout et c’est
ça, la vraie punition. Ce terme est
privilégié par les lobbys et tous
ceux qui ne veulent pas changer de
modèle.
Rachida Dati vous accuse d’avoir
délaissé les quartiers popu -
laires. En avez-vous fait assez
pour les habitants de ces quar-
tiers qu’on a longtemps jugés ac-
quis à la gauche?
Rachida Dati a découvert les quar-
tiers populaires avec sa candida-
ture. J’y ai porté l’essentiel de l’in-
vestissement public de la ville : 25 %
vont désormais dans ces quartiers
où vivent 16 % des Parisiens. J’en-
tends par ailleurs tous les amal -
games proférés par Rachida Dati.
La question que doivent se poser
ces habitants, c’est : est-ce que la co-
lère apporte des solutions? Quelles
sont les solutions de Mme Dati?
Compte-t-elle freiner la vague mi-
gratoire aux portes de l’Europe en
étant dans l’outrance et en bracon-
Recueilli par
CHARLOTTE BELAÏCH
Photo ÉDOUARD CAUPEIL
INTERVIEW
«Quand la gauche
est rassemblée,
elle est plus
attractive»
En campagne pour sa réélection, la maire socialiste
de Paris, Anne Hidalgo, se défend contre les attaques
sur sa méthode et met en garde contre le
conservatisme de Rachida Dati et Agnès Buzyn.
MUNICIPALES