Libération - 06.03.2020

(vip2019) #1

4 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Vendredi 6 Mars 2020


decins en région. C’est pour prendre
la mesure du problème que je pré-
pare une grande consultation, la
première enquête nationale qui
s’intéresse à la situation de chaque
soignant de l’hôpital. Chaque per-
sonne qui dispose d’une adresse
mail professionnelle se verra adres-
ser des questions très simples sur le
sens de son engagement, sa carrière,
son statut, sa rémunération, sa vi-
sion de l’hôpital, etc.
Lors d’une visite du Président à
la Pitié-Salpêtrière, un médecin
a assuré que l’hôpital répondra
présent contre l’épidémie. En re-
tour, il lui a demandé s’il répon-
drait présent pour sauver l’hôpi-
tal public. Qu’en dites-vous?
L’hôpital est un sujet de première
envergure et d’urgence imminente.
Je concerte pour identifier les me-
sures pertinentes à prendre pour le
sortir de l’ornière. Beaucoup a déjà
été annoncé et mis en œuvre. Mais
oui, le gouvernement répondra
présent.
Recueilli par
NATHALIE RAULIN
Photo ALBERT FACELLY

mois de juin. Reste à déterminer les
règles de répartition.
A quoi doit servir cet argent,
précisément?
Je vais en discuter avec le monde
hospitalier, les administratifs et les
soignants. Pour ma part, je suis
favorable à ce qu’une partie de la
reprise de dette aille aux ressources
humaines. Personne ne sera oublié.
Avant même le début de l’épidé-
mie, l’hôpital public connaissait
de grandes difficultés de fonc-
tionnement, et d’abord faute de
personnel paramédical en nom-
bre suffisant. L’urgence n’est-elle
pas de revaloriser leur métier?
Il y a une vraie difficulté du côté des
paramédicaux. Je ne veux plus
qu’on pose par principe qu’en cas
d’absence pour congé maternité ou
maladie, seul un paramédical sur
trois est remplacé. C’est vouloir faire
des économies sur le dos des per-
sonnels, c’est insupportable. Partout
où la ressource humaine existe, on
s’engage à remplacer tous les congés
supérieurs à quarante-huit heures.
Mais on peine parfois à recruter. Des
infirmiers en Ile-de-France, des mé-

Agnès Buzyn avait souhaité le dégel
des crédits non consommés par
l’hôpital en 2019. Aujourd’hui, nous
le faisons. L’arbitrage a été pris la se-
maine dernière. Cela représente
0,3 point de l’Ondam [objectif natio-
nal des dépenses d’assurance mala-
die] hospitalier, ce n’est pas rien.
Même si l’annonce est faite en si-
tuation épidémique, ces crédits ne
sont pas destinés spécifiquement à
y faire face. Ils doivent tout simple-
ment aider l’hôpital à engager des
dépenses et à investir.
Quid de la reprise de dette des
hôpitaux promise?
Cela représente une enveloppe
comprise entre 800 millions et
1,1 milliard d’euros. J’attends pour
fin mars un rapport de l’Inspection
générale des affaires sociales et de
l’Inspection générale des finances
dont je partagerai les conclusions
avec les acteurs du monde hospita-
lier de sorte à ce qu’on puisse discu-
ter de la meilleure façon de la dé-
penser. Je souhaite aussi que
chaque hôpital puisse connaître la
somme dont il pourra disposer au
titre de cette reprise de dette dès le

médecin et le malade soient équi-
pés de ces derniers. Les masques
FFP2 offrent une meilleure protec-
tion quand vous devez réaliser un
examen invasif pour soigner un pa-
tient, comme une fibroscopie respi-
ratoire [l’introduction d’un tube
dans la trachée, ndlr]. C’est pour
cela qu’on les destine aux soignants
hospitaliers qui pratiquent ce type
d’examen.
Les médecins libéraux pourront,
eux, retirer des masques chirurgi-
caux en pharmacie sur présentation
de leur carte professionnelle, tout
comme d’ailleurs les patients à qui
ils auront été prescrits. Nous allons
déstocker 15 millions de masques
dans les prochains jours pour appro-
visionner les officines. En parallèle,
on a commandé de nouveaux mas-
ques et les usines tournent toute la
journée pour nous les fournir.
Les 260 millions d’euros que
vous avez annoncés pour l’hôpi-
tal sur fond de menace épidémi-
que, Agnès Buzyn les avait déjà
promis début décembre, bien
avant l’apparition de l’épidémie
de coronavirus...

Emmanuel Macron
recevait des
chercheurs, jeudi
à l’Elysée.

ÉVÉNEMENT


m a t i o n , e t
maintenir une concertation étroite.
Ce vendredi, je vais à Bruxelles au
Conseil des ministres de la Santé
pour échanger sur nos pratiques.
J’ai tous les jours des contacts télé-
phoniques avec mes homologues
européens. On essaie de coordon-
ner ce qui doit l’être en cas de pas-
sage au stade 3.
Que changera le passage au
stade 3?

On fera des efforts différents. La
doctrine évoluera car l’objectif ne
sera plus le même. Au stade 2, on
prend essentiellement des mesu-
res sur certains territoires pour
contenir le virus. D’où l’interdic-
tion de rassemblements, la ferme-
ture des établissements scolaires
ou l’incitation au télétravail. Au
stade 3, on sera dans la gestion de
l’épidémie. Pour la limiter, on
comptera beaucoup sur les mesu-
res barrières individuelles (se la-
ver les mains, porter des mas-
ques). Il nous faudra aussi prendre
des mesures de protection parti-
culières pour les personnes fragi-
les, âgées, et celles souffrant
de plusieurs maladies. En cas de
contamination, ces dernières se-
ront hospitalisées, tout comme les
personnes qui développeraient
des formes graves de la maladie.
Nous devons veiller à ce qu’il y ait
suffisamment de lits dans les ser-
vices de réanimation des hôpitaux
pour les accueillir.
En phase 3, il ne sera plus nécessaire
de faire un test diagnostic à un
adulte jeune qui aurait 38 °C de fiè-
vre après avoir eu un contact avec
un malade. On ne lui demandera
alors plus d’appeler systématique-
ment le 15. Les personnes qui déve-
lopperont une forme bénigne de la
maladie seront soignées chez elles
avec un système de surveillance à
domicile et ne seront hospitalisées
que si leurs symptômes s’aggravent.
Ce sera un peu le même schéma
qu’avec la grippe saisonnière, même
si les maladies restent bien diffé -
rentes.
Quand l’épidémie sera installée,
faut-il s’attendre à un arrêt des
transports en commun?

Nous prendrons toutes les mesures
nécessaires en concertation avec les
autorités de santé publique. Mais on
ne paralysera pas la vie économique
et sociale du pays. Quand l’épidé-
mie est là, il s’agit surtout d’organi-
ser le système d’alerte et de soin, et
d’assurer la continuité des services
de l’Etat, sans empêcher les ci-
toyens de vivre.
Les médecins de ville qui seront
bientôt en première ligne disent
manquer d’informations et de
mesures de protection contre le
virus. Ils ont même saisi le tribu-
nal administratif pour exiger de
l’Etat la fourniture de masques
FFP2...

Je suis en lien étroit avec le prési-
dent du Conseil national de l’ordre
des médecins, j’ai aussi des contacts
réguliers avec les syndicats de mé-
decins libéraux. La doctrine qui est
arrêtée s’appuie sur les données de
la science. En présence de coronavi-
rus, la protection est la même avec
des masques FFP2 ou avec des mas-
ques chirurgicaux, pour peu que le


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