Les Echos - 06.03.2020

(sharon) #1

18 // ENTREPRISES Vendredi 6 et samedi 7 mars 2020 Les Echos


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PREMIÈRES RÉACTIONS

FAC E AU CORON AVIRUS

MAIS ENCORE

DE NOMBREUX DOUTES

Intermarché et Coca-Cola trouvent
un accord à l’achat

DISTRIBUTION Intermarché a confirmé l’information de
« LSA ». L’enseigne a trouvé mercredi un accord avec Coca-Cola
France. Elle affirme que « cet accord permet de mettre en œuvre
les choix d’Intermarché en faveur du mieux manger » en propo-
sant dans ses rayons « plus d’alternatives plus saines ». Le conflit
portait sur le nombre de références de produits du groupe amé-
ricain dans les magasins. Les Mousquetaires en souhaitaient de
40 à 50 contre 92 en 2019. Une réduction qui aurait entraîné u ne
baisse sensible des ventes de Coca-Cola d ans le réseau. Les deux
parties n’ont pas indiqué à quel niveau de référencement elles
avaient trouvé un compromis.

à suivre


DISTRIBUTION


Benjamin Quénelle
— Correspondant à Moscou


Loin des années fastes, la Russie
n’apportera pas de bonnes nouvel-
les pour Auchan ce vendredi, à
l’occasion de la publication des
résultats annuels du groupe détenu
par l’A ssociation familiale Mulliez.
Les magasins russes, dont certains
étaient parmi les plus rentables
pour le distributeur français,
auraient enregistré, en 2019, des
pertes d’au moins 14 millions
d’euros, pour un chiffre d’affaires
hors taxes de 4,3 milliards en baisse
d’au moins 7 % sur un an, selon un
observateur proche des équipes
locales contacté par « Les Echos ».
« A Moscou, les mauvais chiffres et
une vague d’évictions suscitent la
panique »
, affirme même ce dernier.
De fait, il s’agit de la quatrième
année de baisse des ventes. Trois
mois après la nomination d’un nou-
veau directeur général en Russie,
les mises à l’écart parmi les expa-
triés se sont accélérées, du respon-
sable produits frais au contrôleur
financier, soit une trentaine de per-
sonnes représentant 80 % du top
management. Une réorganisation
qu’est venu orchestrer sur place à la
mi-février le président d’Auchan
Retail, Edgard Bonte.


Roué de coups de barre
de fer à la tête

Pour Alexeï Jarkov, avocat expert
anticorruption, qui a été roué de
coups de barre de fer à la tête, il n’y a
pas de doute : ses agresseurs vou-
laient l’éliminer parce que son tra-
vail « provoquait de nombreuses
gênes »
, explique-t-il aux « E chos ». Il
soupçonne l’un des cinq réseaux de
corruption qu’il a découvert d’être
derrière son agression. « J’avais
identifié l’un des cinq gros fournis-
seurs de charcuterie servant de
société écran à l’un des schémas de
corruption »
, assure-t-il. Le comité
d’investigation de la région de Mos-
cou chargé des affaires criminelles
a lancé une enquête judiciaire.
Après l’attaque et six semaines
d’hôpital, Alexeï Jarkov a appris en
octobre le non-renouvellement de


son contrat. Quant à François
Rémy, alors directeur général
d’Auchan Russie à qui il rapportait
le résultat de ses investigations, il
a été licencié. « J’ai été mis sur la tou-
che parce que j’avais découvert le pot
aux roses » , affirme l’avocat. Il a écrit
depuis à Edgard Bonte et à
Pierre Buchsenschutz, le secrétaire
général d’Auchan, qui a urait
demandé à la direction russe sa
mise à l’écart, comme le confirme
un message interne que « Les
Echos » a pu consulter.

Appels d’offres pipés
Alexeï Jarkov, expert formé à Mos-
cou puis à l’ENA, où il a suivi un
cycle sur la lutte anticorruption, n’a
pas reçu de réponse. Selon lui,
« entre 80 et 100 millions d’euros, soit
de 2 et 3 % du chiffre d’affaires réalisés
en Russie, sont siphonnés chaque
année grâce à cinq schémas de cor-
ruption, notamment aux marques
propres, aux produits frais, aux
fruits et légumes mais aussi à la sécu-
rité. » L’avocat a ffirme avoir recoupé
ses informations auprès de « dizai-
nes de fournisseurs, certains prêts à
témoigner. »
Et d’expliquer les mécanismes :
« des responsables d’achat organisent
cette corruption via des appels
d’offres pipés, d es hausses artificielles

de prix, des faveurs pour la promo-
tion de produits et d’autres irrégula-
rités au service qualité et au contrôle
financier, notamment sur la com-
pliance » , raconte le juriste. Il cite,
par exemple, le cas des produits à
marque propre : « 100 des 450 four-
nisseurs représentent 80 % des ven-
tes. Pour la moitié d’entre eux, il y a
corruption » , assure Alexeï Jarkov.

Les langues se délient
Après avoir repéré que certains
directeurs d’achat conservaient des
fournisseurs pourtant chers, il a
proposé de diversifier les approvi-
sionnements afin d’introduire de la
concurrence et de la transparence.
Proposition rejetée. Depuis, les lan-

sur les 64 disponibles à la loca-
tion, mais arriver à les réserver
en ligne semble une gageure.
Même problématique chez
Hertz. Avis a créé de son
côté une catégorie spécifique
pour les hybrides mais ne pro-
pose aucune voiture 100 % élec-
trique.
Sollicité, le CNPA, l’organisme
qui regroupe les loueurs, n’a pas
souhaité s’exprimer. Selon un
cadre du secteur, ces réticences
ne font que relayer celles
qu’expriment les clients. « Les
appréhensions sur l’autonomie
de la batterie n’ont pas disparu, et
les conducteurs qui ont du kilo-
métrage à faire ne veulent pas per-
dre du temps à courir après une
borne de recharge. », dit-il.
Les voitures électriques sont
également plus compliquées à
gérer pour les loueurs, pour-
suit-il. « Dans 80 % des cas, les
clients les ramènent avec une bat-
terie vide. On ne peut donc pas les
relouer tout de suite. Par ailleurs,
équiper les parkings des agences
de bornes de recharge est à la fois
cher et compliqué technique-
ment, quand ce n’est pas tout sim-
plement impossible du fait de la
réglementation, dans les aéro-
ports par exemple. »

Plus chers à louer
Dernier argument dissuasif, le
coût. « Comme il s’agit de véhicu-
les plus chers à produire qu’une
voiture traditionnelle, les rabais
que nous consentent les construc-
teurs sont plus faibles, détaille un
dirigeant. Et le prix auquel ils
nous les rachètent est plus faible,
car leur valeur sur le marché de
l’occasion n’est pas encore très
établie. Nous devons par consé-
quent les louer plus cher qu’un
modèle thermique, et même les
clients écolos font la tête quand ils
constatent qu’une ZOE peut coû-
ter 30 % plus cher à la location
qu’une Clio. » Depuis le 1er jan -
vier, la baisse de 6.000 à
3.000 euros du bonus pour les
flottes d’entreprise complique
encore l’équation.
Les discussions entre loueurs
et constructeurs pour 2020 se
déroulent donc dans u ne
ambiance tendue, comme en
témoignent en privé plusieurs
professionnels, mais aussi des
experts. « Un gros loueur qui s’est
fait imposer un quota de voitures
électriques a choisi de les laisser
sur un parking, dans l’attente de
les revendre dans quelques
mois », glisse un expert du
secteur.
Côté constructeur, on estime
que les loueurs doivent eux
aussi contribuer à la lutter con-
tre le changement climatique.
« Nous nous sommes mobilisés
pour mettre sur le marché des
véhicules 0 % CO 2 , au tour des
entreprises et des loueurs de faire
leur part du travail », martèle un
dirigeant, qui se dit par ailleurs
« optimiste » sur l’issue des
négociations en cours.n

Lionel Steinmann
@lionelSteinmann

Les uns déplorent un manque
de « responsabilité environne-
mentale » chez leurs interlocu-
teurs, les autres évoquent des
discussions commerciales « en
mode gros bras » : entre c ertains
constructeurs automobiles et
les l oueurs de voitures,
l’ambiance est en train de virer à
l’aigre. Avec comme conten-
tieux la place à faire (ou non) aux
véhicules électriques dans les
agences de location.
D’ordinaire, les deux camps
ont parfois quelques frictions
commerciales, mais leurs inté-
rêts bien compris les poussent
toujours à s’entendre. Rien qu’en
France, les poids lourds du sec-
teur comme Enterprise-Rent a
car ou Europcar ont besoin de
dizaines de milliers de véhicules
neufs chaque année pour four-
nir des véhicules en parfait état
à leurs clients (quelque
240.000 immatriculations au
total en 2019). Des achats en
nombre qui autorisent de gros-
ses réductions par rapport au
prix de base. Les constructeurs,
de leur côté, sacrifient leurs
marges mais dopent leurs volu-
mes de production.
Cette année toutefois, ils ont
des exigences particulières.
Depuis le 1er jan vier, l’Union
européenne leur impose
de baisser drastiquement le
niveau moyen d’émissions de
CO 2 de leurs véhicules neufs,
sous p eine de très lourdes amen-
des. Cela suppose, selon la
gamme dont ils disposent,
d’immatriculer un maximum
de voitures hybrides, hybrides
rechargeables ou 100 % électri-
que. Et comme la demande pour
les véhicules à batterie est
encore faible du côté des ména-
ges, les constructeurs comptent
bien placer un nombre impor-
tant de voitures électriques chez
les loueurs.
Problème : ces derniers ne les
intègrent dans leurs flottes, dans
le meilleur des cas, qu’à dose
homéopathique. Sur son site
Internet, Sixt annonce par
exemple 4 modèles électriques

AUTOMOBILE


Les marques
veulent placer
un maximum de
véhicules électri-
ques dans les flottes
des loueurs pour
réduire leur niveau
moyen d’émission
de CO 2.

Mais elles se heur-
tent aux réticences
des loueurs,
qui relaient celles
de leurs clients.

Vo iture électrique :


le torchon brûle entre


les constructeurs


et les loueurs


« J’ai été mis sur la
touche parce que
j’avais découvert
le pot aux roses. »
ALEXEÏ JARKOV
Avocat expert anticorruption

gues se délient parmi les managers
mis sur la touche. « Dès mon arrivée,
j’ai fait face à un système corrompu et
une organisation criminelle que j’ai
dû démanteler et dont je détiens
encore les dossiers » , vient d’écrire
l’un d’eux à la direction en France
dans une lettre dont « Les Echos » a
vu une copie. Aucune poursuite
judiciaire n’avait alors été initiée.
La crise est d’autant plus pro-
fonde que la Russie a, pendant long-
temps, été la vache à lait d’Auchan.
Aujourd’hui, la corruption menace
la viabilité financière de cette filiale,
déjà fragilisée par la chute des ven-
tes. « Je suis sûr qu’à la tête de la
famille Mulliez, d’autres seront prêts
à m’écouter » , veut croire l’avocat. n

Auchan face à des révélations


de faits de corruption en Russie


avait à relever, il a donc été décidé
en octobre 2019 de ne pas renou-
veler l e contrat C DD de M. Jarkov,
d’engager le départ et le rempla-
cement de plusieurs managers et
de mettre fin aux fonctions du
directeur général d’Auchan
Retail Russie. Il s’agit d’une déci-
sion managériale qui n’a rien à
voir avec d’éventuelles découver-
tes marquantes. Oui, un certain
nombre d’éléments nous laisse à
penser qu’A uchan Retail pour-
rait être confronté en Russie à des
systèmes de corruption. Mais
nous n’avons pas, à ce stade, de
preuves suffisantes qui nous per-
mettraient d’attaquer en justice
des personnes physiques.
Sous la houlette de la nouvelle
direction d’Auchan R etail R ussie,
une équipe interne de sécurité et
de sûreté économique a été cons-
titué pour continuer à investi-
guer tout fait de corruption dont
aurait été victime Auchan.
Quant à l’agression dont a été
victime M. Jarkov en août der-
nier, la police russe qui enquête
sur cette affaire n’a, à ce jour,
aucun élément qui lui permette
de faire un lien avec son activité
pour Auchan ou avec toute autre
de ses activités personnelles. »n

Contacté par « Les Echos » afin
de réagir aux faits recueillis par
notre correspondant à Moscou,
Auchan Retail a répondu dans
ces termes par la voix du secré-
taire général d’Auchan Retail,
Pierre Buchsenschutz : « Fin
2018, Edgard Bonte a été nommé
président exécutif d’Auchan
Retail. Très v ite, l a nouvelle d irec-
tion du groupe a eu des alertes
sur des suspicions fortes de cor-
ruption dans notre filiale russe.
Elle a sensibilisé la direction
d’Auchan Retail Russie d’alors à
l’urgence de vérifier les faits en
question et de prendre les mesu-
res appropriées s’ils étaient avé-
rés. Celle-ci a mis en place une
équipe anticorruption. A cette
occasion, elle a notamment con-
clu un contrat à durée détermi-
née avec Alexei Jarkov pour
mener une mission au sein de la
direction produits.
La direction du groupe a paral-
lèlement poursuivi un certain
nombre d’investigations, lesquel-
les l’ont a mené à constater que les
nouvelles actions menées alors
en Russie ne répondaient pas
assez rapidement à ses attentes.
Tout en étant conscient du chal-
lenge difficile que cette équipe

Comment la direction


du groupe a géré


la crise russe


lLe distributeur français publie ses résultats annuels ce vendredi.


lSa filiale russe, qui pèse lourd dans ses comptes, est secouée


par un scandale de corruption.


Se lon l’enquête menée par un avocat expert anti-corruption, Auchan Russie est confronté à cinq réseaux
de corruption, notamment dans les marques propres, les produits frais ou les fruits et légumes. »

2019 Bloomberg Finance

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