Les Echos - 06.03.2020

(sharon) #1

Stéphane Frachet
— Correspondant à Tours


Pa rfois cité en exemple pour ses
centres commerciaux responsa-
bles d ’avoir asséché le commerce d e
centre-ville, à l’instar du centre
commercial Cap Sud à Saint-Maur,
Châteauroux (Indre) est parvenu à
rééquilibrer son offre.
Pour y remédier, le maire sortant,
Gil Avérous (LR), a recruté un
manager permanent du commerce,
dont le salaire est soutenu par la
CCI. La municipalité a voté une aide


de 400 euros par mois pour les pre-
mières implantations d’indépen-
dants. Une trentaine de bénéficiai-
res ont obtenu ce coup de pouce.

Un solde d’ouverture
de magasins positif
Un investissement de 400.000 euros
a permis l’acquisition et la rénova-
tion de trois boutiques abandon-
nées, grâce au soutien des fonds
Action coeur de ville. « Nous pen-
sions les louer gracieusement pour
des concepts à l’essai, mais elles ont
trouvé preneur », se réjouit Chantal
Monjoint, adjointe au commerce.
Résultat : le centre-ville a regagné
un peu de vitalité, illustrée par l’arri-
vée tant attendue d’une FNAC,
fin 2019. La ville a investi plus d’un
million d’e uros, hors subvention
Cœur de ville, dans la rénovation
d’un ancien espace culturel Leclerc.

Et elle loue ce local de 750 mètres
carrés à l’enseigne. « Le solde d’ouver-
tures de magasins est positif, avec
30 boutiques de plus sur ces trois der-
nières années », assure Gil Avérous,
qui peut se targuer d’un taux de
vacance commerciale abaissé de
16,5 % à 13,5 % sur la même période.

« Les commerces
de proximité oubliés »
Pourtant, l’impression reste miti-
gée. « La place Napoléon, c’est
Waterloo morne plaine », tacle
Antoine Bonneville (LREM), prési-
dent de la PME Lenzi et ex-prési-
dent de la Chambre régionale de
commerce et d’industrie, qui
estime le taux de vacance à 17 % sur
l’ensemble de l’agglomération.
Comme la candidate socialiste aux
municipales Delphine Chambon-
neau, ancienne collaboratrice de

Michel Sapin à Bercy, il prône une
revitalisation des quartiers. « La prio-
rité a été mise sur le centre-ville, mais
les commerces de proximité ont été
oubliés », appuie Antoine Bonneville.
C’est la deuxième étape, répond en
substance Gil Avérous, qui a lancé
avant l’élection l a rénovation du quar-
tier Saint-Jean-Saint-Jacques, où sera
implantée une maison médicale.
De fait, le problème castelroussin
est plus vaste que la simple attracti-
vité commerciale. En effet, Château-
roux ( 43.700 habitants) et le départe-
ment de l’Indre (222.200 habitants)
continuent de se dépeupler. Selon
l’Insee, l e rythme est de – 0 ,6 % p ar a n
entre 2012 et 2017. « Après une baisse
continue entre 2007 et 2017, nous
avons réussi à stabiliser la popula-
tion », nuance pourtant Gil Avérous,
qui veut fixer plus de jeunes en cen-
tre-ville.n

Châteauroux a ralenti la désertification du centre-ville


Le maire sortant, Gil
Avérous (LR), a maintenu,
voire relancé le commerce
de centre-ville à Château-
roux. Ses adversaires lui
reprochent d’oublier les
quartiers.


Les images de villes moyennes aux rues plombées par une succession de rideaux de fer baissés ont marqué les esprits. Phot o Marta Nascimento/RÉA

Soleil illustre la fin d’une urbanisa-
tion des années 1960 séparant les
fonctions : une zone aéropor-
tuaire, de l’habitat puis une zone
commerciale dont le cœur, l’hyper-
marché, est percuté par de nou-
veaux modes de consommation »,
confirme Jérôme Goze, directeur
général délégué de la société
publique locale La Fabrique, en
charge du pilotage du projet.

Développement de la
métropole bordelaise
L’essoufflement de ce modèle
commercial va de pair avec le
développement de la métropole
bordelaise e t son besoin de foncier
pour alimenter son plan visant à la
construction d e 50.000 logements
le long des axes du tramway, dont
l’arrivée est prévue d’ici à 2022
pour rallier l’aéroport.
A l’image de Castorama, d’A li-
nea parti rejoindre un « village du
meuble », ou de concessions auto-
mobiles qui réduisent leurs surfa-
ces, les collectivités anticipent
d’autres départs. « Nous sommes
dans un moment d’échange entre
les commerçants qui voient leur
modèle évoluer et veulent aussi
comprendre nos projets et s’ils veu-
lent nous accompagner », précise
Jérôme Goze. Sachant que le futur
quartier gardera une vocation
commerciale affirmée avec la
réservation des socles d’immeu-
bles pour de vastes magasins.
Il reste qu’e n pleine campagne
électorale, le projet fait débat entre
les partisans d’une densification de
l’habitat qui souhaitent « cons-
truire la ville sur la ville » et ceux qui
craignent une urbanisation galo-
pante. Sylvie Cassou-Schotte, qui
mène la liste écologiste à Mérignac,
juge le projet « inventif », même si
elle regrette le fait de ne pas avoir
visé l’obtention du label écoquar-
tier. Face à elle, Bruno Sorin, le can-
didat de La République En mar-
che, dénonce l’arrivée de « 12 %
d’habitants supplémentaires sur
3 % de notre surface municipale ».n

Frank Niedercorn
@FNiedercorn
— Correspondant à Bordeaux

Hier, un magasin Castorama,
demain 386 logements. Le site
préfigure la mutation en cours
sur la zone commerciale Méri-
gnac Soleil, qui, sur 69 hectares,
va progressivement se transfor-
mer en quartier mixte associant
habitat, commerces et espaces
publics, sous l’impulsion de la
ville et de la métropole.
L’enseigne spécialiste de l’amé-
nagement de la maison, installée
depuis plus de trente ans à Méri-
gnac (70.000 habitants), est par-
tie s’installer quelques kilomètres
plus loin. Comme elle, d’autres
commerçants devraient quitter
cette zone commerciale emblé-
matique de l’agglomération bor-
delaise. A terme, celle-ci devrait
accueillir 3.900 nouveaux loge-
ments dans un univers jusqu’à
présent uniquement consacré à
la consommation autour de son
hypermarché Carrefour.
Située à l’intérieur de la rocade
et à moins de 5 kilomètres de
l’aéroport, la zone commerciale
attire encore quelque 10 millions
de personnes par an. Elle est tou-
tefois v ieillissante, avec une circu-
lation automobile régulièrement
congestionnée, une circulation
dangereuse pour les piétons ou
les cyclistes et une artificialisa-
tion presque totale des sols à l’ori-
gine d’îlots de chaleur. « Mérignac

So us l’impulsion de la ville
et de la métropole, la plus
ancienne zone commer-
ciale de l’agglomération
bordelaise va se transfor-
mer en quartier d’habita-
tion avec près de 4.000 lo-
gements. Une façon pour
la ville de se densifier le
long du tramway et, pour
les commerçants, de
trouver une nouvelle zone
de chalandise.

Mérignac Soleil,


se reconvertit en


quartier d’habitation


Dépôts (CDC) et des banques a
racheté, fin février, deux immeubles
jouxtant la place Stanislas.

La question des baux
La loi Elan a aussi créé une palette
d’outils déployables dans le cadre
des opérations de revitalisation des
territoires (ORT) : renforcement du
droit de préemption, dispenses
d’autorisation commerciale. Une
taxe sur les friches commerciales
peut être activée pour inciter les
propriétaires à louer. « Cette ques-
tion des baux est déterminante.
Quand les loyers dérapent ou qu’il y a
trop de baux précaires, les commer-
çants n’y arrivent pas », rappelle
Michel Bourel, PDG de Cavavin et
président de la Fédération française
de la franchise. Il arrive que les élus
soient pris à leur propre piège.
« Lorsque nous a vons fait remarquer
à Foncia qu’augmenter les loyers
de 300 % n’était pas normal, ils nous
ont rétorqué que nous n’avions qu’à
pas embellir autant la ville! » se
désole Sylvie Bléry-Touchet,
adjointe au commerce à Sceaux.
Les cœurs de ville ne sont pas les
seuls à souffrir. Longtemps accu-
sées de dépeupler les centres, les
périphéries commerciales, bâties à
un rythme frénétique, parfois au
mépris de la réalité des zones de

ciaux se règlent désormais à
l’échelle intercommunale. « Cela
permet d’opérer de nécessaires réé-
quilibrages et réorganisations, et il
faudrait peut-être aller plus loin, vu
l’ampleur de la révolution commer-
ciale qui se profile » , estime Pascal
Madry, le directeur de l’Institut
pour la ville et le commerce.
« Continuer à opposer centre-ville
et périphérie, indépendants et fran-
chises, petits commerces et grandes
enseignes, est obsolète. Pour les élus,
les vrais défis du commerce sont
ailleurs, dans ces évolutions majeu-
res que constitue l’e-commerce,
l’arrivée des logisticiens, le commerce
sans magasin, voire sans vendeur »,
détaille-t-il. Un commerce « invisi-
ble », que peu d’élus intègrent
encore dans leur politique, mais qui
pourtant, déjà, transforme l’espace
public (drive, consignes...) et les
mobilités. Sans compter que cette
concurrence risque d’exacerber
inquiétudes et revendications con-
cernant les horaires d’ouverture
des commerces traditionnels. Les
élus sauront-ils se positionner? « Il
faut qu’ils aient une vision encore
plus précise de leur politique com-
merciale » estime Pascal Madry. Et,
ajoute Michel Bourel, « sans doute
davantage de réactivité et de capacité
d’anticipation ».n

Centre-ville, friches, e-commerce : les maires


face à la nouvelle donne commerciale


l Vitrine de l’action municipale, enjeu de campagne, la politique commerciale mobilise autant qu’elle divise.


lBon nombre de maires s’y sont attelés, encouragés par le programme gouvernemental Action cœur de ville.


lMais l’enjeu de la prochaine mandature sera aussi celui du devenir des périphéries commerciales face à la montée


des ventes en ligne.


Laurence Albert
_@LAlbert,
avec_ Laurent Marcaillou


« Je veux avoir le plaisir de couper le
ruban.
» Homme d’affaires reconnu,
parlementaire rompu à l’exercice des
mandats locaux, André Trigano
remettra, le 15 mars, l’ouvrage sur le
métier. A quatre-vingt-quatorze ans,
le maire sortant de Pamiers (Ariège)
veut son quatrième mandat. Celui qui
lui permettra de rénover enfin le cen-
tre-ville, pour lequel il a obtenu
20 millions d’euros d’aides. Et
qu’importe si ses adversaires l’accu-
sent, au contraire, d’avoir laissé le cen-
tre-ville s’étioler p endant des années...
De Vierzon à Nancy, en passant
par Périgueux, le commerce
s’impose comme un thème phare
des municipales. « Longtemps, les
commerçants ont été des oubliés de la
politique municipale, mais, dans cette
campagne, 80 % des candidats en par-
lent
», estimait Francis Palombi, pré-
sident de la Confédération des com-
merçants de France lors d’une
récente rencontre de l’Association
des journalistes PME (AJPME).


Le bâton et la carotte
Emploi, attractivité, mobilité...
Vitrine de l’action municipale, le
commerce en reflète aussi les limi-
tes. Les images de ces villes moyen-
nes aux rues plombées par une suc-
cession de rideaux de fer baissés ont
marqué les esprits. Depuis 2018, le
programme gouvernemental
Action cœur de ville, destiné à revi-
taliser 222 communes, a remis les
édiles au centre du jeu. « Dans ce pro-
gramme, le patron, c’est le maire! Sa
personnalité, son dynamisme comp-
tent beaucoup ; plus, d’ailleurs, que
son appartenance politique. Certains
sont très volontaristes pour faire reve-
nir des commerces... ou en dissuader
d’autres »,
observe Olivier Sichel, le
directeur de la Banque des Territoi-
res, fer de lance du programme.
Mais un bon carnet d’adresses, la
nomination d’un manager de cen-
tre-ville ou un projet d’embellisse-
ment s’avérant rarement suffisants,
les élus ont aussi appris à manier le
bâton et la carotte. Paris préempte
pour lutter contre la mono-activité.
Chalon-sur-Saône, Cosne-Cours-
sur-Loire, Vierzon, Mâcon ou Bel-
fort ont créé des foncières. A Nancy,
la nouvelle société d ’économie mixte
créée par la Métropole, la Caisse des


URBANISME


chalandise, vacillent aussi. La
vacance y progresse aussi forte-
ment qu’en centre-ville, et certains
hypermarchés se vident. A défaut
de susciter la même mobilisation
affective que les centres-villes, ces

zones pourraient devenir une épine
dans le pied des élus. Déjà, certains
gèlent les autorisations d’implanta-
tion, comme la loi Elan les y auto-
rise. « Le temps où les commissions
départementales d’aménagement
commercial n’étaient qu’une
machine à dire oui est révolu »,
observe un connaisseur.

Essor de l’e-commerce
La loi NOTRe a également mis en
sourdine la compétition féroce que
se livraient les élus pour attirer sur
leur commune les grandes surfa-
ces, pourvoyeuses d’emploi et de fis-
calité. Les gros dossiers commer-

De Vierzon à Nancy,
en passant par
Périgueux, le
commerce s’impose
comme un thème
phare des
municipales.

PME & REGIONS


Vendredi 6 et samedi 7 mars 2020 Les Echos

Free download pdf