Les Echos - 06.03.2020

(sharon) #1

Les Echos Vendredi 6 et samedi 7 mars 2020 ÉVÉNEMENT// 03


tère. En allégeant les procédés inter-
nes, l’objectif est de traiter les deman-
des en quelques jours ». Enfin,
l’entreprise doit indemniser les sala-
riés pour les heures non travaillées, à
hauteur d’au moins à 70 % de la
rémunération brute horaire anté-
rieure, soit environ 84 % du salaire
net horaire. Les salariés payés au
SMIC sont indemnisés à leur salaire
habituel et ne perdent donc rien.
Ce n’est qu’a posteriori que l’entre-
prise recevra une allocation finan-
cée conjointement par l’Etat et
l’Unedic. Celle-ci peut s’élever
à 7,74 euros par heure chômée pour
les entreprises de moins de 250 sala-
riés, et 50 centimes de moins pour
les entreprises plus grandes.

Un dispositif efficace
en 2008
Po ur Xavier Timbeau, économiste à
l’Observatoire français des conjonc-
tures économiques, « le recours à
l’activité partielle est un instrument
important pour aider l es entreprises à
faire face à la crise liée au coronavirus.
Certaines voient leur chiffre d’affaires
s’effondrer presque du jour au lende-
main et il s’agit d’éviter des faillites ou
des salaires impayés et des fournis-
seurs non réglés. »
L’économiste Sandra Nevoux tra-
vaille sur ce sujet. « Mes travaux
montrent que, lors de la crise de 2008-
2009, ce dispositif a été bénéfique pour
les entreprises qui affrontaient une
baisse temporaire de leurs ventes et
qui ont utilisé ces mesures de manière
ponctuelle. Plus la chute du chiffre
d’affaires était conséquente, plus le
recours à l’activité partielle a été effi-
cace pour la survie de l’entreprise et le
niveau de l’emploi » , explique l’écono-
miste. Pas sûr que cette mesure soit
suffisante mais elle apparaît néces-
saire et complémentaire à d’autres,
comme des aides à la trésorerie,
pour aider les entreprises à surmon-
ter l’épreuve de l’épidémie.n

Guillaume de Calignon
@gcalignon


Le nombre d’entreprises ayant
recours à l’activité partielle est en
train de grimper en flèche en
France pour faire face au coronavi-
rus. Selon La ministre du Travail,
Muriel Pénicaud, 400 entreprises,
employant 6.000 salariés ont fait
une demande de chômage partiel au
cours des derniers jours. Il s’agit
pour l’instant d’entreprises qui font
face à une forte baisse de leur acti-
vité, principalement dans les sec-
teurs du tourisme et de la restaura-
tion. Mais il est possible que d’autres
secteurs soient touchés dans les
jours à venir. Les compagnies
aériennes ou encore les entreprises
de l’événementiel font face à un
plongeon de la demande. D’autres
entreprises, notamment celles ris-
quant des ruptures de leur chaîne
d’approvisionnement, y viendront
aussi peut-être si la crise s’aggrave.
On n’y est pas encore mais le gouver-
nement s’attend à ce que cela arrive
dans les prochaines semaines.
Sur le plan pratique, dans les
entreprises de plus de 50 salariés, les
représentants du personnel doivent
être consultées. Ensuite, l’entreprise
doit en faire la demande au minis-
tère du Travail, pour approbation.
Si aucun changement de législa-
tion n’a été décidé ces derniers jours ,
« des consignes extrêmement claires
ont été données aux agents dans les
territoires pour que les demandes
liées au coronavirus soient traitées en
priorité,
indique-t-on au minis-


Se lon la ministre du
Travail, 400 entreprises ont
fait des demandes de
recours à l’activité partielle
pour faire face à l’épidémie
ces derniers jours. Elle a
demandé à l’administration
d’accélérer le processus.


Le recours au chômage


partiel s’amplifie


A l’usine de chaussures Xuda de Whenzou, en Chine, le 27 février. Un tiers seulement des ouvriers
ont repris le travail. Photo Noël Celis / AFP

Frédéric Schaeffer


—Correspondant à Pékin


Remettre la Chine au travail. Alors
que la propagation de l’épidémie
de c oronavirus ralentit en C hine, le
régime communiste met la pres-
sion sur les provinces et gouverne-
ments locaux pour favoriser la
reprise économique partout où
cela est possible. Au cours d’une
réunion, mercredi, du comité per-
manent du « Politburo » – la plus
haute instance du Parti –, le secré-
taire g énéral, Xi Jinping, a
demandé « des mesures ciblées » et
solides pour faire progresser la
reprise du travail, a rapporté la
presse officielle.


Fr audes dans la province
côtière du Zhejiang

Mais sur le terrain, loin de la capi-
tale chinoise, atteindre les objec-
tifs fixés par Pékin est une sacrée
paire de manches. Les autorités
locales ont artificiellement gonflé
les chiffres de reprise de l’activité,
révèle une enquête du journal
« Caixin ». Sous pression pour res-
pecter les objectifs assignés, des
chefs de district ont discrètement
demandé aux usines de faire tour-
ner les machines à vide, de laisser


les lumières et les climatiseurs
allumés, de manière à entraîner
une surconsommation artificielle
d’électricité, un indicateur de
reprise d’activité régulièrement
cité à Pékin.
Plusieurs cas de fraude ont
notamment été repérés dans la
province côtière du Zhejiang,
récemment saluée comme un
modèle de la reprise industrielle
du pays, avec un taux officiel de
reprise du travail supérieur à 90 %
la semaine dernière. Mais un fonc-
tionnaire d’un district de Hang-
zhou, la capitale provinciale où
siège Alibaba, a indiqué à
« Caixin » que les usines avaient
reçu l’ordre d e laisser les machines
tourner au ralenti tandis que les
bureaux devaient garder les ordi-
nateurs et les climatiseurs en mar-
che, lorsque Pékin a commencé à
examiner les chiffres de consom-
mation d’énergie. Selon « Caixin »,
le taux de reprise réel dans un parc
industriel de Hangzhou au cours
du week-end dernier était de 40 %,
a estimé le fonctionnaire, bien en
deçà de l’objectif de 75 %.

Une entreprise de la ville de
Wenzhou, un important centre de
commerce de la même province, a
confirmé qu’elle avait reçu un
objectif de consommation d’éner-
gie égal à la moitié du niveau avant

l’épidémie, et avait fait fonctionner
ses climatiseurs toute la journée
pour atteindre l’objectif.
Le Zhejiang n’est pas le seul
endroit où la réalité sur le terrain
s’écarterait des chiffres du gou-
vernement. Dans la petite ville
industrielle de Botou, à quelque
230 kilomètres au sud de Pékin,
« Caixin » a découvert que des usi-
nes signalées par le gouverne-
ment local comme ayant rouvert
leurs portes n’avaient en fait pas
repris la production. Les autorités
locales auraient ici demandé aux
entreprises de mentir sur le nom-
bre d’employés effectivement
retournés au travail, allant même
jusqu’à conseiller directement les
travailleurs sur la façon de mentir
s’ils recevaient des appels d’ins-
pecteurs.
Malgré la reprise annoncée
dans plusieurs provinces, le cabi-
net d’études Trivium, basé à Pékin,
n’estime le taux de reprise globale
qu’à 40 % en Chine.n

Quand des usines chinoises font


semblant de reprendre le travail


Des autorités locales ont
discrètement demandé aux
usines de faire tourner les
machines à vide, de laisser
les lumières et les climati-
seurs allumés pour
entraîner une surconsom-
mation artificielle d’électri-
cité, un indicateur de
reprise d’activité régulière-
ment cité à Pékin, révèle le
journal « Caixin ».


Malgré la reprise,
le cabinet d’études
Trivium, basé
à Pékin, n’estime
le taux de reprise
globale qu’à 40 %
en Chine.
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