Les Echos - 06.03.2020

(sharon) #1

06 // FRANCE Vendredi 6 et samedi 7 mars 2020 Les Echos


P


erdre est une chose.
Il faut du temps à un
jeune parti pour
s’implanter, commence
d’ailleurs à minimiser La
République En marche. Voir
se réinstaller la droite et la
gauche en est une autre,
problématique, pour un
mouvement qui a fondé son
identité sur le dépassement
du vieux clivage. Les
municipales, ou le risque de
la double peine pour
Emmanuel Macron.
Avant même le stade 3, le
coronavirus est en train
d’écrire le scénario redouté.
Le sujet, sur le terrain,
éclipse tous les autres,
rapportent les candidats.
Les problématiques locales
passent au second plan, et
avec elles la possibilité pour
des personnalités peu
connues d’émerger.
La tentation de rester chez
soi le jour du vote progresse,
relève Elabe, donnant un
bonus aux équipes
aguerries qui sauront
recueillir des procurations
dans les Ehpad. Peu
d’enjeux, de l’abstention... à
qui profite le virus? Aux
maires sortants, a priori, et
par ricochet aux anciens
partis encore ancrés sur le
terrain. A la droite en
priorité, qui avait remporté
les élections de 2014. Si tel
était le cas, quelle lecture en

serait faite? C’est le retour
du vieux clivage, le
macronisme ne fut qu’une
parenthèse, se
dépêcheraient d’analyser la
droite et la gauche. « Le
macronisme est en train de
partir en fumée [...] » , a déjà
affirmé Christian Jacob, le
patron de LR, quand
Rachida Dati a grimpé dans
les sondages. Au lendemain
du scrutin, le PS veut
prendre une initiative pour
une alliance avec les
écologistes. « La gauche est
de retour. » Pour Emmanuel
Macron, cette lecture est un
piège. Elle accréditerait
l’idée que le macronisme n’a
pas pris, et compliquerait la
dernière phase du
quinquennat tournée vers la
présidentielle. Mais
comment la contrer,
expliquer qu’il ne s’agit pas
d’un retour de la droite et de
la gauche mais d’un résultat
conjoncturel lié à la
spécificité locale du
scrutin? Les arguments se
préparent. LREM a sa part
dans le résultat des sortants,
dit-il, puisqu’il les a
soutenus à Nice, Toulouse...
Les soubresauts de la
majorité se désamorcent, ou
tentent de l’être. Alors que
l’aile gauche souhaite créer
un groupe parlementaire
pour pousser le président à
réorienter sa ligne à gauche,
l’Elysée est à la manœuvre
avec ce message : cela
entérinerait la lecture des
anciens partis sur le retour
du clivage et fragiliserait le
président ; il n’y a plus ni
gauche ni droite. Mais
l’écoutent-ils encore?
[email protected]

Ce virus qui peut


atteindre le macronisme


LE FAIT
DU JOUR
POLITIQUE

Cécile
Cornudet

Le coronavirus gèle les enjeux locaux, dope
l’abstention et pourrait favoriser les maires
sortants, donc par définition LR et le PS.

en bref


AFP

ou la baisse des coûts des cantines
avec 14 % des enfants qui déjeunent
pour moins de 1 euro par jour. Dans
un monde perturbé, chaotique, très
anxiogène, c’est vraiment un bon
bilan. Si l’on prend un peu de hau-
teur, il est d’ailleurs regardé comme
exemplaire par bon nombre de
grandes villes dans le monde,
notamment sur les questions clima-
tiques. Ce qui renforce l’attractivité
de Paris.

Avez-vous des regrets?
Il y a forcément des choses qui n’ont
pas fonctionné et il faudra améliorer
la gestion quotidienne. J’ai toujours
veillé à ne pas créer de tensions dont
les Parisiens auraient été victimes.
Personne n’est descendu dans la rue,
parce que le dialogue social a tou-
jours été là. Tout le monde ne peut
pas en dire autant.

Si vous êtes réélue, quelle sera
votre priorité?
Le socle de mes propositions, c’est
évidemment l’écologie. Nous avons
dix ans pour agir, mais nous avons
fait une très grande partie du che-
min – peut-être la plus dure –, celle
qui relève de la prise de conscience.
La première des priorités sera de
poursuivre les transformations sur
le mode de déplacement. Paris doit
devenir une ville dans laquelle la
voiture individuelle ne doit être uti-
lisée que par ceux qui en ont besoin.
Nous devons développer les trans-
ports en commun, le vélo et le vélo
électrique, les voitures électriques
en auto-partage.

Pourquoi ne pas aller au bout
de la logique en créant un
péage urbain?
Il faut appréhender l’entrée dans
Paris par la qualité de l’air et la santé
plutôt que par le porte-monnaie. Il
faudra aller plus loin en réservant
des voies aux véhicules propres, aux
taxis, à des navettes électriques, aux
transports en commun, au covoitu-
rage. Nous y travaillons déjà sur le
périphérique. On peut aussi l’imagi-
ner sur certains axes dans Paris. Au
final, ce sont de nouvelles libertés
pour se déplacer.

Que proposez-vous pour ren-
forcer l’attractivité de la capi-
tale?
L’attractivité est déjà au rendez-
vous. Sous l’impulsion de mon ami
Jean-Louis Missika [son adjoint à
l’Urbanisme, NDLR], tout un écosys-

tème de start-up a été mis en place et
a fait de Paris une des capitales mon-
diales du numérique. Il crée de la
richesse, montre que Paris invente le
futur, contribue à apporter des solu-
tions pour la ville. C’est un cercle ver-
tueux qui bénéficie aussi aux sec-
teurs traditionnels du tourisme, de
la mode et de la restauration, pour
lesquels des dispositifs d’appui ont
été mis en place. Un label Fabriqué à
Paris, d’ailleurs très envié, a été créé.
Il faut intensifier tout cela.

Concrètement?
Mon rôle est de faire en sorte que les
règles en vigueur à Paris et le con-
texte soient favorables à la prospé-
rité des entreprises. Je souhaite,
dans le prochain mandat, avoir un
adjoint dédié aux Entreprises, avec
une attention particulière aux PME.
Avec les JO et le Grand Paris, nous
pouvons, en outre, actionner deux
moteurs très imbriqués pour créer
une économie encore plus prospère.
Le Grand Paris va permettre à un
territoire de 7 millions d’habitants et
de 131 communes de bénéficier du
rayonnement et de la puissance de
Paris. Les JO et les Jeux Paralympi-
ques, qui sont une belle victoire en
termes d’image et d’attractivité, vont
nous permettre d’accélérer la trans-
formation de Paris. C’est un formida-
bl e défi à relever : on va créer beau-
coup d’emplois, et, j’insiste, de
l’emploi non délocalisable pour les
jeunes.

Les JO et le Grand Paris
bénéficieraient de la même
manière à vos rivales...
Mes concurrentes ne parlent jamais
d’innovation et d’attractivité ; c’est
inquiétant pour une ville comme
Paris. Elles sont dans la nostalgie. A
les entendre, il faudrait exclusive-
ment se concentrer sur les questions
de propreté et de sécurité. Ce sont
bien sûr des sujets importants mais
vous ne réglerez pas ces problèmes
si vous n’avez pas des recettes qui
rentrent et si vous n’êtes pas attractif.
Paris ne doit pas faire l’erreur de pen-
ser qu’au court terme. Rien n’est
acquis. Dans cette compétition
internationale féroce, il faut être
visionnaire.

Rachida Dati dit pouvoir
ramener la dette de Paris
à zéro. Et vous?
Qu’elle nous explique d’abord com-
ment elle ferait. Pour ma part, j’ai
toujours veillé à investir pour prépa-

Retraites : quelques milliers de
manifestants en France pour le retrait

SOCIAL Quelques milliers de personnes se sont mobilisées
jeudi dans plusieurs villes de France pour réclamer le retrait de
la réforme des retraites, dont le volet organique a été adopté
dans l’après-midi par l’Assemblée. A Marseille, près de
2.000 personnes ont manifesté contre la réforme des retraites,
selon la police. A Lille, des c entaines de personnes – 900 selon la
préfecture du Nord, 2.500 s elon la CGT – ont d éfilé. Une manifes-
tation a aussi rassemblé entre 1.600 et 4.000 personnes à Lyon.

Radicalisation : 287 signalements
d’agents publics depuis le 3 octobre

SÉCURITÉ Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a
déclaré jeudi que « 287 signalements » de radicalisation isla-
miste d’ « agents publics » étaient parvenus à la Direction géné-
rale de la sécurité intérieure depuis le 3 octobre dernier, date de
l’attaque d e la préfecture de police de Paris. Le ministre a insisté
sur le fait qu’un « signalement de radicalisation était une suspi-
cion » et qu’une « suspicion ne valait pas radicalisation ».

Chercheurs et étudiants dans la rue
contre la future loi de programmation

SOCIAL Blocages, manifestations, occupations... Plusieurs mil-
liers de chercheurs et étudiants, en grève ce jeudi, sont descen-
dus dans la rue crier leur opposition à la future loi de program-
mation pluriannuelle de la recherche, en cours de finalisation
par le gouvernement. A Paris, 8.600 personnes selon la préfec-
ture et plus de 25.000 selon les organisateurs étaient rassem-
blés en ce « jour où l’Université et la recherche s’arrêtent ».

Propos recueillis par
Pierre-Alain Furbury
et Laurent Thévenin


Quels enseignements
tirez-vous du débat
de mercredi soir?

Il a été de bonne tenue et respec-
tueux, ce qui a permis d’aller au fond
des choses. Les enjeux sont bien
posés et deux grands projets se des-
sinent : il y a ceux qui veulent conti-
nuer les transformations, Paris
étant une ville q ui nous o blige à pen-
ser le futur et pas simplement à
gérer les questions du quotidien ; et
il y a ceux qui proposent un retour
en arrière, en arrêtant tout ce qui a
été e ngagé sur la transition énergéti-
que et la mixité sociale. Dans un
contexte affirmé d’urgence climati-
que et dans un pays très fracturé, il
faut être solide, honnête, engagé et
ne pas être sous influence. Etre
maire de Paris, c’est un honneur
immense mais c’est surtout une très
grande responsabilité.


Comment jugez-vous votre bilan,
qualifié de « désastreux » par
Rachida Dati, et même de « dépôt
de bilan » par Agnès Buzyn?

Un peu de retenue ne nuit jamais.
Malgré les nombreuses épreuves
traversées, des attentats à l’arrivée
des réfugiés en passant par la crise
des « gilets jaunes », ou encore les
canicules, et aujourd’hui une crise
sanitaire mondiale, la municipalité
est toujours restée unie et ma majo-
rité a accompli des transformations
dont je suis fière : un réseau de pistes
cyclables sécurisées, la végétalisa-
tion de la ville avec 30 hectares de
nouveaux espaces verts, l’aménage-
ment d es berges de la Seine,
42.000 logements pour les classes
moyennes et populaires, des mesu-
res d’accompagnement du pouvoir
d’achat comme la gratuité des trans-
ports pour les plus de 65 ans et les
personnes en situation de handicap


« Mes
concurrentes
ne parlent jamais
d’innovation
et d’attractivité ;
c’est inquiétant
pour une ville
comme Paris. »

Dessins de

Kim

Roselier

pour « Les

Echos »

« Mes concurrentes à Paris


sont dans la nostalgie »


rer l’ avenir et financer la transition
écologique. Ne pas le faire aurait été
irresponsable, d’autant que l’argent
était peu cher s ur les marchés. Après
6 ans, les impôts locaux n’o nt pas
augmenté et l’endettement reste
maîtrisé.

Allez-vous recourir encore
à l’emprunt?
Si je suis réélue, je souhaite autofi-
nancer largement notre projet
d’investissement de 8,5 milliards
d’euros. Et il y a d’autres leviers que
l’emprunt. Le secteur privé doit
prendre sa part dans la transition
énergétique. Sur le logement, nous
allons continuer nos efforts. Je sou-
haite que les grandes foncières, les
grands investisseurs, les assureurs,
les b anques reviennent faire du loge-
ment à Paris, notamment pour les
classes moyennes. Je créerai une
société mixte capitalisée à 1 milliard
d’euros par la ville, 2 milliards par le
public et 3 milliards par le secteur
privé. Avec l’effet levier de ces 6 mil-
liards, nous pourrons créer, pour les
classes moyennes, 30.000 loge-
ments locatifs à un prix inférieur de
20 % au prix du marché.

Êtes-vous prête à aménager
votre projet pour satisfaire les
écologistes, qui ont fait enten-
dre leurs désaccords sur des
projets emblématiques?
Il y a des sujets sur lesquels on doit
travailler. Même s’il y a des différen-
ces, nos projets se rapprochent. Je
souhaite d’abord porter un large ras-
semblement.

« Si j’étais maire, je sais exac-
tement les mesures que je
prendrais en cas d’épidémie. »
Que vous inspire cette décla-
ration d’Agnès Buzyn?
Polémiquer sur une épidémie me
paraît très maladroit. C’est surtout
méconnaître le fonctionnement de
la ville et les relations étroites qui
existent déjà entre la mairie et les
autorités de l’Etat en cas de crise.

Redoutez-vous une éventuelle
alliance entre Rachida Dati et
Agnès Buzyn?
Les Parisiens savent qu’il y a deux
projets possibles : un qui associe
toutes les forces écologiques, pro-
gressistes, humanistes, et un autre
qui est celui du retour en arrière. Les
Parisiens ont, je crois, une cons-
cience assez aiguë de ce qu’ils veu-
lent et ne veulent pas.n

lAnne Hidalgo, candidate à un second mandat, défend son bilan.


lElle détaille ses priorités pour renforcer l’attractivité de la capitale.


ANNE HIDALGO
Maire (PS) de Paris

Stéphanie Lacombe/RÉA pour « Les

Echos

»
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