Libération - 10.03.2020

(Dana P.) #1

22 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Mardi 10 Mars 2020


OLIVIER MOSSET


Abstrait


d’unions


Rencontre avec le peintre suisse à Genève,


où le Mamco lui consacre une


rétrospective. Le plasticien contestataire


évoque son parcours et ses amitiés,


de Paris à New York, son implication


dans de nombreux courants et son intérêt


pour les scènes marginales.


Dans le désert ou presque. Un territoire nu,
planté de cactus, qui lui va bien ainsi qu’à son
œuvre. Ses tableaux abstraits, avec deux ou
trois fois rien dessus – un cercle (noir sur fond
blanc), une lettre (A ou Z) ou, bien moins en-
core, une couche de peinture rase et mono-
chrome – ont longtemps visé à faire table rase
d’une certaine peinture, qu’il jugea avec d’au-
tres, en d’autres temps, «bourgeoise». Il prati-
qua à cette fin, révolutionnaire, une politique
de la toile vide (ou presque) et mena une vie
partageuse en tout. Ce dont témoigne, entre
autres, la rétrospective indispensable que le
Mamco et ses curateurs, Paul Bernard et Lio-
nel Bovier, lui déroulent ( «C’est eux qui ont
tout fait, je n’y suis pour rien», dit-il tout sou-
rire, mais sans plaisanter). Au fil des décen-
nies, de Paris à New York, Mosset a fait son

nid dans des scènes étrangement disparates
et travaillé avec une foule d’artistes, cinéastes,
musiciens ou peintres. A certains, il doit une
fière chandelle. Aux autres, il a rendu la pa-
reille, tendu la main, les dépannant quand ils
étaient dans la panade, mettant la main à la
poche pour leur acheter des pièces au mo-
ment où personne n’en voulait. Sa collection
(exposée au Centre d’art de Grenoble, le Ma-
gasin, en 2009), à l’image de sa vie d’artiste,
s’est ainsi constituée cahin-caha, à coups de

trocs et d’élans improvisés, d’échanges de
bons procédés et d’admiration réciproque,
d’heureux hasards et d’affinités électives, de
coups de pinceaux soudains et de théories
échafaudées après-coup, plus ou moins
fumeuses.

CÔTÉ BOURRIQUE
«La peinture, c’est Freud dans l’atelier et Marx
dans la galerie», résume-t-il. Une part, privée,
de solitude où les obsessions font surface, une

S


ilhouette massive, barbe et cheveux
longs de biker, l’artiste affiche cette dé-
gaine, épaules rentrées et santiags qui
lui font la démarche virile et bancale à la fois,
d’un lonesome cow-boy, survivant d’un temps
où être aux avant-postes, à l’avant-garde de
la révolution (en art mais pas seulement) a pu
être une idée neuve. Or, Olivier Mosset n’a ja-
mais été seul, ni non plus un leader – en re-
vanche, il a bien été biker, même s’il avoue,
à 76 ans, ne plus guère sortir la Harley de son
garage, à Tucson, Arizona, où il vit depuis
plus de vingt ans.

Par
JUDICAËL LAVRADOR
Envoyé spécial à Genève
Photo RÉMY ARTIGES

Olivier Mosset,
le 9 mars à Paris.
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