Les Echos - 10.03.2020

(Rick Simeone) #1
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des mesures pour mieux respecter
la vie privée des utilisateurs, à
l’heure où ce sujet est devenu un
débat mondial. Safari (le navigateur
d’Apple) et Firefox ayant déjà
décidé de supprimer les cookies,
« l’ambiance de marché est devenue
trop lourde pour Google, explique
Stéphane Dugelay, PDG de media-
rithmics. C’est comme dans une
famille, q uand l’adolescent pousse l es
parents à manger bio. Au bout d’un
moment, la pression est trop f orte... »
Mais s’il n’a plus le choix, il n’est
cependant pas sûr que le géant
de Mountain View pâtisse de cette
décision, bien au contraire. Certes,
sur le papier, la mesure apparaît
très contraignante pour Google.
Chrome est le navigateur le plus
populaire de la planète. Il est utilisé
pour 60 % des visites en ligne et
recueille des cookies sur 95 % des
pages Web qu’il affiche, selon la

dard ouvert ». Supprimer les coo-
kies de façon unilatérale aurait
selon lui favorisé un pistage encore
plus opaque des internautes et per-
turbé le modèle économique des
éditeurs de presse, par exemple.
A la place, Google a donné
deux ans au secteur pour mettre
en place un système de forte protec-
tion des données. Les acteurs de la
publicité, qui ont le plus à redouter
de la suppression des cookies, sont
invités à contribuer à une « Privacy
Sandbox », via la plate-forme
GitHub ou le World Wide Web
Consortium (W3C).
Mais certains acteurs o nt vu cette
approche d’un mauvais œil. « Cette
manière de faire s’apparente à une
boîte noire! » redoute Stéphane
Dugelay, chez mediarithmics. « Si
c’était une boîte noire, pourquoi
aurions-nous lancé cette consulta-
tion a vec toute l’industrie? Google ne
peut survivre à la fin du cookie que si
le Web survit lui aussi », dit-on chez
Google France.
Une autre conséquence pourrait
être que les annonceurs publici-
taires deviennent encore plus
dépendants de Google et de ses
données propriétaires. « 75 % du
marché de la publicité ciblée est inté-
gré verticalement par deux acteurs,
Google et Facebook. Le reste, c’est un
marché ouvert, via les cookies tiers.
En les supprimant, on tue le petit
bout restant, regrette l’économiste
Joëlle Tolenado. Or si on renforce
les Gafa, on ne protège pas mieux
la vie privée. »n

Pourquoi Google n’a rien à perdre


Raphaël Balenieri
@RBalenieri


Volonté sincère de protéger les don-
nées personnelles? Ou déstabilisa-
tion très opportune de la publicité
numérique pour pouvoir mieux la
dominer? Ces questions peuvent
se poser après la décision de Google
de supprimer de son navigateur
Chrome, d’ici à deux ans, l es cookies
tiers, ces petits fichiers qui pistent
les internautes sur le Web. C’est un
fait : le géant américain doit prendre


La disparition des cookies
tiers, ces petits fichiers
qui pistent les internautes
sur le Web, va permettre
à Google d’en tirer un
bénéfice d’image tout
en continuant d’exploiter
à fond ses données
propriétaires.


- LA DONNÉE
DITE « LOGGUÉE »

La donnée « logguée » rassemble
toutes les informations person-
nelles (adresse e-mail, adresse
postale, etc.) déposées de façon
volontaire par un internaute sur
un site Web. Dans un monde post-
cookie, la donnée logguée va deve-
nir le nouveau Graal pour les édi-
teurs de presse et les annonceurs.
« La devise, dans ce nouvel univers,
c’est l’e-mail
» explique Stéphane
Dugelay, PDG de mediarithmics.
Stable dans le temps (on ne
change pas souvent d’adresse
e-mail), la donnée logguée a aussi
l’avantage d’être liée directement à
une personne physique.
- FINGER PRINTING
Apple et Google expriment déjà
leur opposition à cette pratique.
Mais ils n’ont pour l’instant pas
trouvé la parade. En agrégeant
une centaine d’informations
techniques (par exemple,
l’adresse IP, la version du système
d’exploitation ou la résolution de
l’écran), les publicitaires parvien-
nent à reconnaître un internaute
parmi des millions pour lui pous-
ser une publicité sur mesure. De
fait, aucun internaute ne navigue
en ligne avec exactement les
mêmes outils qu’un autre.
- DEVICE ID
Le « device ID » rassemble les
données contenues dans un
appareil physique, que ce soit un
smartphone ou une tablette, par
exemple. Ces données ne sont pas
encore régulées mais elles sui-
vent aussi les utilisateurs à la
trace. Plutôt que de cibler une
personne, les annonceurs adres-
sent leurs messages à l’appareil
mobile qui a visité leur site. Ce
ciblage n’est pas remis en cause
par la fin des cookies tiers.
F. D. et R. B.


L’étau se resserre sur les cookies
tiers. Après Apple et Firefox, Goo-
gle prévoit, lui aussi, d’expurger de
son navigateur Web ces petits
fichiers qui permettent de pister
les internautes sur Internet et
d’afficher des publicités hyper
ciblées. A l’image du français Cri-
teo, de nombreuses entreprises de
l’adtech, qui avaient bâti leur acti-
vité sur ces traceurs, vont devoir
pivoter. Selon la plateforme publi-
citaire Teads, le volume de don-
nées utilisables pour le ciblage va
diminuer de 25 % d’ici à la fin de
l’année. Mais la disparition pro-
gressive des cookies tiers ne signi-
fie pas pour autant la mort du
ciblage publicitaire. Revue des
différentes alternatives qui exis-
tent et se renforcent.

- LES COOKIES
DE PREMIÈRE MAIN

Les cookies de première main
sont ceux déposés par un site
Internet sur le navigateur Web
des internautes qui visitent ses
pages. Ils sont différents des coo-
kies tiers, qui comme leur nom
l’indique sont souvent ni générés
par l’internaute ni par le site Web,
mais par un intermédiaire tech-
nologique spécialisé dans le
ciblage publicitaire. Sous réserve
d’obtenir le consentement des
internautes, les sites Web peuvent
s’appuyer sur ces cookies proprié-
taires pour améliorer leurs cam-
pagnes publicitaires. Ils restent
libres de croiser les données ainsi
collectées avec d’autres.


La disparition progressive
du cookie tiers ne signifie
pas la fin du ciblage
publicitaire sur Internet,
bien au contraire.
De la donnée « logguée »
au « device ID »,
les alternatives existent
et se renforcent.

Les nouvelles recettes


du ciblage publicitaire


forme technologique offrant à ses
clients annonceurs et à des sites
Web un moyen de mutualiser leurs
propres données.

Une nouvelle époque
Comme elle, de nombreuses
adtechs, un marché qui pèse
1,3 milliard en France d’après le
cabinet eMarketer, se préparent à
une nouvelle époque. « Cela fait
deux ans que nous travaillons au
monde de l’après-cookie », assurait
Warren Jenson lors d’une rencon-
tre fin janvier avec « Les Echos »,
quelques jours après l’annonce de
Google. Ses commerciaux mais
aussi ceux de ses concurrents font le
tour de leurs clients pour présenter
leurs nouveaux produits pour une
publicité numérique avec moins de
cookies. Bousculé en Bourse, le
français Criteo mise lui aussi sur
une diversification qui le positionne
non plus comme un collecteur de
données, mais comme un outil au
service des e-commerçants à partir
de leurs propres jeux de « data ».
Devenant de simples « tuyaux »
entre les annonceurs et les sites
Web, l es s ociétés de l’adtech veulent
s’appuyer sur des données dont
elles déclinent la responsabilité
puisqu’elles sont compilées par
leurs clients. Après l’obtention du
consentement de l’internaute, la
« data » est recueillie via des coo-
kies de première main que les navi-
gateurs Chrome, mais aussi Safari
et Firefox, acceptent encore. Au
contraire des cookies tiers, ils sont
déposés par le site Web en direct, et
non par des partenaires du site Web
dont l’internaute n’a pas forcément
entendu parler.

Quelle croissance?
Pour Christophe Cherblanc,
analyste du secteur chez Société

Générale, « une plate-forme doit
pouvoir émerger pour continuer à
mutualiser les informations sur le
parcours Web des internautes lors-
qu’ils ne sont pas dans les univers
numériques des géants américains.
Les médias, s’ils restent seuls, n’ont
pas le volume de données nécessaire
pour le monétiser. » Sans cela,
s’inquiète l’analyste, « le système ne
tiendra pas ».
D’autant plus que les sites de
média, les sites marchand et les
sociétés de l’adtech voient déjà
toute la croissance du marché
publicitaire en ligne être captée par
Google, Facebook et Amazon. En
l’absence de cookie tiers, la myriade

d’acteurs du ciblage publicitaire
spécialisés sur une multitude de
catégories d’audience perd de sa
valeur ajoutée. Déjà, les années fas-
tes semblent bien loin pour

Andrew Casale, l e patron d u
groupe canadien Index Exchange.
D’après lui, c’est sûr, « le secteur de
l’adtech va se consolider et il y aura
des faillites... »n

lL’ industrie de l’adtech (les sociétés de technologies publicitaires) est tenue de faire sa révolution après la décision


de Google d’arrêter les cookies sur Chrome.


lLes Criteo, LiveRamp et autres Index Exchange doivent diversifier leur savoir-faire. Et vite.


Les entreprises de l’adtech vont devoir explorer des alternatives pour continuer à cibler les internautes Photo iStock

La fin annoncée des cookies publicitaires


pousse les data brokers à pivoter


Florian Dèbes
_@FLDebes


Branle-bas de combat dans l’indus-
trie de l’adtech, ces sociétés de tech-
nologie pour la publicité. Depuis
que Google a annoncé son inten-
tion de stopper d’ici à deux ans
les cookies tiers sur Chrome, son
moteur de recherche qui est utilisé
par plus de 60 % de la population
mondiale connectée, les Criteo,
LiveRamp et autres Index
Exchange se p réparent à ce qui p eut
être considéré comme un séisme,
à leur échelle. Pour ces sociétés, qui
utilisent ces cookies pour pister les
clics des internautes, mieux con-
naître ces derniers et leur proposer
des publicités plus pertinentes, c’est
le cœur de leur réacteur qui est tou-
ché. La valeur des publicités ciblées
dont sont friands leurs clients
annonceurs publicitaires dépend
en effet directement de leur capa-
cité à réagir aux intentions d’achat
des consommateurs en ligne et
donc à en avoir c onnaissance. L’ave-
nir, pour elles, c’est donc désormais
la disparition... ou la réinvention.
« Nous ne sommes pas un reven-
deur de données!
» plaide désor-
mais Warren Jenson, le directeur
financier de LiveRamp. Le propos
peut faire sourire quand on sait que
ce poids lourd américain des tech-
nologies publicitaires est né d’un
spin-off d’Axciom, l ’un des plus gros
data-brokers au monde qui reven-
dique connaître de près ou de loin
plus de deux milliards de consom-
mateurs... Il illustre surtout le pivot
qu’est en train d’opérer LiveRamp,
qui, plutôt que fournir de la donnée
personnelle prête à l’emploi, se pré-
sente désormais comme une plate-


INTERNET


plateforme publicitaire Teads. Ces
cookies sont essentiels à Google,
qui se finance quasi exclusivement
par la publicité numérique. Or,
sans cookies, les annonceurs
peuvent moins bien cibler les inter-
nautes dans l’é cosystème du géant
américain. Autant dire que les sup-
primer revient en quelque sorte
pour Google à se tirer une balle
dans le pied.
Mais cela serait sans compter
sur l’après-cookie que Google a
soigneusement préparé, faute de
quoi il n’aurait jamais pris cette
décision maintenant.

Annonceurs dépendants
D’abord, avec la fin des cookies,
Google engrange un bénéfice
d’image : il s e positionne comme un
acteur q ui érige la vie privée en prio-
rité. Ensuite, Google va pouvoir
exploiter à fond ses données pro-
priétaires. Lorsque les internautes
utilisent ses services (YouTube,
Maps, Chrome...) Google n’a pas
besoin des cookies pour les tracer.
« Google étant très présent sur la don-
née loguée, o n peut s’attendre à ce qu’il
l’utilise encore plus pour se d onner u n
avantage concurrentiel, redoute un
acteur du secteur. Sous couvert de
protection des données personnelles,
la suppression des cookies sert les
intérêts économiques de Google. »
Google, lui, dit simplement vou-
loir développer un nouveau « stan-

ANALYSE


« Cela fait
deux ans
que nous
travaillons
au monde de
l’après-cookie »
WARREN JENSON
Directeur financier
de LiveRamp

HIGH-TECH & MEDIAS


Les Echos Mardi 10 mars 2020

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