Le Monde - 22.02.2020

(John Hannent) #1
0123
SAMEDI 22 FÉVRIER 2020 argent| 19

IMMOBILIER


A Paris, le 19
e
arrondissement, terre d’accueil

L


e 19e devient l’arrondisse­
ment préféré des Parisiens
prêts à tout pour être pro­
priétaires dans la capitale sans se
ruiner : « Les jeunes qui ne peuvent
plus se loger dans le centre ou
l’ouest vont dans les arrondisse­
ments de l’est. Parmi eux, il tire son
épingle du jeu », constate Thierry
Delesalle, notaire parisien. C’est
que l’arrondissement reste l’un
des moins chers de la capitale
avec un prix moyen estimé à
8 413 euros/m², selon Meilleurs­
Agents. « Mais, prévient le no­
taire, les prix flambent dans ce
quartier. En un an, ils ont pro­
gressé de près de 9 %. C’est l’une
des plus fortes hausses à Paris. »
Depuis quinze ans, les agents
immobiliers sont les témoins
d’une transformation de la popu­
lation. L’ex­très populaire 19e ar­
rondissement est à son tour vic­
time d’un mouvement de gentrifi­
cation massif : « Nous avons beau­
coup d’acheteurs en provenance du
Marais, du 16e ou des 10e et 11e ar­
rondissements. Souvent, ils vien­
nent de vendre leur 40­m² pour en­
fin obtenir un 80­m² en se servant
du résultat de la vente comme ap­
port », constate Rudy Harosch, di­
rigeant de l’agence Orpi optimum
gestion et transactions. De quoi
faire gonfler les prix : « Dans le
quartier, il n’y a pas un triangle,
mais un carré d’or : les Buttes­
Chaumont, le plateau Botzaris,
le bassin de La Villette, les quais
de Loire et de Seine. Là, les prix
vont de 9 000 euros/m² à parfois
11 500 euros/m², notamment près

des Buttes­Chaumont où les tran­
sactions réalisées à plus de
10 000 euros/m² sont de plus en
plus courantes », ajoute­t­il.

Maisons ouvrières
Si comme dans tout Paris la pénu­
rie se fait sentir, les grandes surfa­
ces sont encore en nombre et sé­
duisent les familles : « Le taux de
rotation est plus important dans
notre arrondissement que dans
ceux du centre », observe Kamal
Ferradji, directeur des agences
GHI Paris 19 Sud et Paris 19 Cri­
mée. « Là où il est compris entre
neuf à dix ans, chez nous, on sera
sur six à sept ans, ce qui permet de
libérer davantage de grandes sur­
faces à la vente. »
Outre les acquéreurs en quête
d’une résidence individuelle, les

investisseurs trouvent aussi leur
compte. Le quartier de l’Amérique
ou encore celui de Pont­de­Flan­
dre affichent des prix au mètre
carré moyens sous les 8 300 euros.
De nos jours, le loyer moyen est
estimé à 25 euros/m², ce qui per­
met aux investisseurs d’obtenir
des rendements de l’ordre de 3,6 %
selon MeilleursAgents. Un résul­
tat plutôt bon pour la capitale,
la moyenne se situant à 3,4 %. A ti­
tre de comparaison, investir dans
les arrondissements centraux ou
encore dans les 9e, 14e ou 15e arron­
dissements rapporte des rende­
ments entre 2,8 % et 3,2 %.
Les prix sont d’ailleurs aussi éle­
vés dans l’ancien que dans le neuf.
Car l’autre spécificité de l’arron­
dissement, c’est d’être l’un des ra­
res à Paris où le marché du neuf

est actif. « Prochainement, nous al­
lons réaliser deux programmes
près du quartier de la mairie. La
majorité de nos acheteurs sont des
acquéreurs qui cherchent une rési­
dence principale, mais nous avons
tout de même 15 % d’investisseurs »,
souligne Olivier Waintraub, direc­
teur général Nexity SEERI. Le terri­
toire possède encore des opportu­
nités foncières avec des entrepôts
industriels qui ne servent plus et
sur lesquels on peut construire.
Récemment, c’est tout le quartier
de Rosa­Parks­Macdonald qui est
sorti de terre, en 2015, avec son
grand centre commercial et son
cinéma UGC.
L’arrondissement fait aussi bien
le pont entre le Paris de demain et
celui du passé. Le secteur de la
Mouzaïa regorge de maisons ou­
vrières, des pavillons construits
entre la fin du XIXe siècle et le dé­
but du XXe, qui font toujours sen­
sation sur le marché : « Il y a quel­
ques transactions, mais elles sont
rares. Récemment, nous avons
vendu une maison de 100 m² avec
18 m² de sous­sol à 910 000 euros.
L’acquéreur devra toutefois ajouter
une grosse enveloppe pour les tra­
vaux », raconte Rudy Harosch.
Pour ces pépites parisiennes, la
barre du million d’euros est sou­
vent dépassée, en fonction de
l’état du bien. « On peut même
monter jusqu’à 2,5 millions d’euros
s’il n’y a quasiment pas de travaux
à réaliser », rappelle Kamal Ferra­
dji. Encore faut­il que les proprié­
taires souhaitent vendre.
ludovic clerima

Investir dans les SCPI : attention aux risques


Les sociétés civiles de placement immobilier présentent quelques handicaps


D


ans un environne­
ment où la rémuné­
ration issue des pla­
cements dépasse ra­
rement 1 %, voire 0,50 % pour le
Livret A, les performances des
sociétés civiles de placement
immobilier (SCPI) ont de quoi
faire des envieux. En moyenne,
leur rentabilité a atteint 4,4 %
en 2019, soit un peu au­dessus
des 4,34 % de 2018, selon l’Asso­
ciation française des sociétés de
placements immobiliers (As­
pim) et l’Institut de l’épargne
immobilière et foncière (IEIF).
De plus, la valeur de la part aug­
mente de 1,2 %, contre + 0,8 % en


  1. Rappelons que, dans les
    SCPI, des investisseurs apportent
    des fonds à une société de gestion
    qui achète ensuite des biens im­
    mobiliers qu’elle loue. Cette so­
    ciété perçoit des loyers et reverse
    ensuite des dividendes à l’inves­
    tisseur à hauteur des parts qu’il
    détient.
    En 2019, les investisseurs ont
    été nombreux à choisir les SCPI
    avec une collecte qui a atteint
    un niveau jamais égalé de
    8,6 milliards d’euros. « Avec ces
    fonds, les sociétés de gestion ont
    réalisé 9,2 milliards d’euros d’ac­
    quisitions et elles ont été parti­
    culièrement actives au dernier
    trimestre 2019 avec des achats se
    montant à 3,7 milliards », expli­
    quent l’Aspim et l’IEIF. Ces der­
    niers concernent surtout les bu­
    reaux et les commerces. La zone
    géographique la plus prisée est


l’Ile­de­France qui représente
48 % des acquisitions, dont 10 %
dans Paris.
L’étranger vient ensuite, sur­
tout l’Allemagne, à hauteur de
28 %. « Outre­Rhin, les entrepri­
ses n’achètent pas obligatoire­
ment leurs locaux, mais les
louent avec des possibilités d’in­
vestissements intéressantes pour
les SCPI », explique Jean­Fran­
çois Chaury, directeur général
délégué d’Advenis REIM, qui a
créé Eurovalys, une SCPI entiè­
rement axée sur l’Allemagne.
Même chose pour la SCPI Nova­
pierre Allemagne, gérée par Pa­
ref Gestion. Les régions françai­
ses n’ont pas été oubliées, avec
24 % des investissements et des
SCPI spécialisées dans ce do­
maine comme Cœur de région,
gérée par Sogénial.

Des règles de prudence
Faut­il alors investir dans les
SCPI en 2020? « Pour l’instant, la
conjoncture est bonne et la de­
mande en bureaux devrait aug­
menter cette année avec de bon­
nes perspectives sur les loyers »,
assure Jean­Marc Peter, direc­
teur général de la société de ges­
tion Sofidy. Les conseillers fi­
nanciers et les conseillers de
gestion en patrimoine vont
donc certainement continuer
de proposer à leurs clients
d’acheter des parts de SCPI, no­
tamment pour en mettre dans
les contrats d’assurance­vie afin
d’en améliorer le rendement.

Pour autant, il ne faut pas
oublier les règles de prudence
liées à tout placement financier.
Pour Jonathan Dhiver, fonda­
teur de la société de conseil
MeilleureSCPI.com, les SCPI of­
frent des rémunérations trop éle­
vées par rapport au reste des pla­
cements, et un réajustement
pourrait se produire. Dans ce cas,
le nombre de vendeurs de parts
de SCPI serait bien supérieur aux
acheteurs, avec pour consé­
quence une perte importante de
valeur de la part, voire une im­
possibilité de revendre. « Voilà
pourquoi les SCPI doivent être
considérées comme un placement
à long terme de façon à ne pas être
tributaire des retournements de
conjoncture, et il faut choisir une
SCPI qui sélectionne et gère bien
ses acquisitions », souligne Jean­
Marie Souclier, directeur général
de Sogénial.
Pour faire le bon choix, il faut
commencer par regarder quel
est le domaine d’intervention
de la SCPI, car toutes ne se va­
lent pas et les performances de
certaines ont été inférieures à
1 % en 2019. En 2018, certaines
d’entre elles affichaient même
des rendements... négatifs! Se­
lon l’Aspim et l’IEIF, les
meilleurs rendements ont été
réalisés par les SCPI diversifiées,
c’est­à­dire qui sont autorisées
par l’Autorité des marchés finan­
ciers à investir dans différents
domaines. Elles ont obtenu une
rentabilité de 5,03 % en 2019.

Viennent ensuite les SCPI spé­
cialisées, c’est­à­dire celles qui
choisissent d’investir sur un
secteur en particulier comme la
santé ou un pays. Leur rende­
ment a été de 4,50 %. Les SCPI
basées sur les commerces ont
réalisé un rendement de 4,42 %
et celles sur les bureaux 4,28 %.
Toutefois, certains profession­
nels de l’immobilier appellent
désormais à la prudence pour les
SCPI basées sur le commerce.
Commerce Immo, une agence
immobilière spécialisée dans
l’immobilier commercial, rap­
pelle en effet que la vacance dans
les locaux commerciaux aug­
mente en Ile­de­France en raison
d’une déconnexion entre le ni­
veau des loyers et la réalité du
terrain.
« La concurrence d’Internet, les
problèmes dans les transports et
les mouvements sociaux créent un
manque à gagner alors que les
charges fixes ont plutôt tendance
à s’accroître. Si le loyer est trop
élevé, le turnover est important au
détriment du bailleur », relèvent
Ruben Danan et Kevin Uzan, fon­
dateurs de Commerce Immo.
Avant de se lancer, il est donc
important de regarder si les lo­
caux acquis par le SCPI sont bien
loués et de se renseigner sur le
taux d’occupation financier
(TOF). Celui­ci représente le rap­
port entre le montant des loyers
facturés et le total des loyers qui
pourraient être facturés si tous
les immeubles du portefeuille
étaient entièrement loués. En
moyenne, ce TOF est situé à
88 %, « mais il faut choisir une
SCPI avec un taux d’occupation
situé au moins à 95 % », conseille
Jean­Marc Peter. Enfin, les SCPI
doivent être envisagées comme
un placement de diversification
et concerner au maximum 10 %
à 15 % du patrimoine, ce qui per­
mettra de limiter les risques
en cas de retournement de la
conjoncture.
nathalie coulaud

Relativement accessible


SOURCE : MEILLEURSAGENTS

Prix moyen
d’un appartement

Evolution des prix
sur cinq ans

Rendement
locatif
(studio - deux-pièces)

8 413 €/m


3,6% + 33,9 %


Paris XIXe

Loyer moyen

25,1 €/m


Evolution des prix
sur un an


  • 9 %


QUESTION  À  UN  EXPERT


Pourquoi organiser la transmission


de son patrimoine avant ses 70 ans?


valérie bentz, responsable des études patrimoniales à l’UFF

Soixante-dix ans est un âge « pivot » en matière de transmission de pa-
trimoine. D’un point de vue fiscal, certains avantages peuvent
s’amoindrir, voire disparaître. L’assurance-vie, par exemple. En effet,
les capitaux décès issus des sommes placées avant 70 ans sur des
contrats ouverts après le 20 novembre 1991 sont totalement exonérés
de fiscalité à concurrence de 152 500 euros par bénéficiaire.
Au-delà de 70 ans, seuls 30 500 euros de versements seront exonérés.
Autre cas avec la donation qui, dans certains cas, plus elle se fait
jeune, moins elle sera taxée. Un exemple : vous avez entre 61 et
70 ans et souhaitez réaliser des donations à vos enfants, tout en
conservant l’usufruit de vos biens (le droit d’en percevoir les reve-
nus, de les habiter...). Lors de la donation, la valeur fiscale de
l’usufruit viendra en déduction de la valeur vénale du bien transmis.
Entre 61 et 70 ans inclus, la valeur fiscale de l’usufruit étant de 40 %
de la valeur vénale, les droits à payer seront calculés sur la base
des 60 % restants. A 71 ans, la valeur de l’usufruit passera à 30 %.
Les droits à payer seront donc calculés sur la base de 70 % de
la valeur des biens. D’autre part, chacun de vos enfants peut
profiter tous les quinze ans d’un abattement de 100 000 euros
sur le montant ainsi transmis.

É PA R G N E
Plus de 600 milliards d’euros qui dorment
L’enveloppe d’épargne préférée des Français n’est ni le
Livret A ni l’assurance­vie, mais bien... le compte cou­
rant. Selon les derniers chiffres de la Banque de
France, publiés le 19 février, la barre des 600 milliards
d’euros dormant sur les comptes à vue et en liquide
(pièces et billets) a été franchie, avec un encours de
603,8 milliards fin septembre 2019. Soit deux fois
plus que celui du Livret A. Surtout, sur un an, l’en­
cours précité a gonflé de 53 milliards, c’est quasiment
40 % des flux (nets) enregistrés pour l’épargne
financière totale des ménages.

EN 2019, LES SOCIÉTÉS 


CIVILES DE PLACEMENT 


IMMOBILIER ONT 


BÉNÉFICIÉ D’UNE 


COLLECTE QUI A ATTEINT 


UN NIVEAU RECORD DE 


8,6 MILLIARDS D’EUROS


820 


C’est le nombre de Français qui détiennent désormais des parts
de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). Il existe
35 sociétés de gestion et 189 SCPI. En moyenne, chaque investis-
seur y a mis 78 023 euros, en direct ou par assurance-vie.
Cela représente l’équivalent de 22,80 m^2 par associé et un
dividende, c’est-à-dire un revenu de 285 euros par mois.

SOS CONSO 
CHRONIQUE PAR RAFAËLE RIVAIS

Une banque condamnée


pour procédure abusive


V


oilà sept ans que le Crédit mutuel Nord Europe
suspecte l’un de ses clients, Manuel F., de men­
songe. Lorsqu’en mai 2013 celui­ci se plaint de re­
traits frauduleux (5 390 euros) sur ses comptes,
son agence d’Hellemmes (Nord) lui répond qu’il a nécessai­
rement été victime d’« hameçonnage », procédé qui conduit
les clients à divulguer leurs données confidentielles sur des
sites imitant celui de la banque. Non seulement elle ne le
rembourse pas mais, en plus, elle lui prélève 700 euros de
frais liés à son découvert, et l’inscrit sur le fichier des inci­
dents de remboursement des crédits aux particuliers, ce qui
lui interdit d’obtenir le prêt immobilier dont il a besoin.
Les tribunaux devant lesquels leur litige est porté lui rap­
pellent pourtant tous qu’elle doit « prouver » la négligence
de son client. Faute pour elle d’y parvenir, ils la condamnent
à le rembourser. Le 3 septembre 2015, la cour d’appel de
Douai y ajoute même le remboursement des frais, ainsi que
le paiement de 1 000 euros de dommages et intérêts, pour le
« préjudice moral » lié au fichage.
Sa décision est publiée sur des sites juri­
diques et l’Association française des usa­
gers des banques (AFUB) en fait victo­
rieusement état sur sa page Facebook, en
novembre 2016. Las, elle l’introduit en
expliquant que « la victime avait été con­
duite, via un courriel frauduleux, vers un
site qui imitait celui de la banque... », ce
que Manuel F. a toujours nié.
Pour le Crédit mutuel, il va de soi que
l’AFUB tient cette information du jeune
homme, qui aurait donc menti aux ju­
ges. D’ailleurs, celui­ci n’a­t­il pas rédigé son premier cour­
riel en utilisant l’un des modèles de lettre que l’AFUB pro­
pose sur son site? Son agence assigne Manuel F. en « révi­
sion de l’arrêt du 3 septembre 2015, pour fraude ». Elle ne
prend pas la peine, au préalable, de vérifier les circonstan­
ces dans lesquelles la publication sur Facebook a été rédi­
gée. C’est Me Coraline Favrel, l’avocate de Manuel F., qui s’en
charge. Le secrétaire général de l’association, Serge Maître,
lui répond que le post sur le réseau social « ne se réfère qu’à
des éléments du texte [de l’arrêt] », et que l’AFUB n’a « jamais
eu à connaître » le dossier de M. F., qui ne « fait pas partie de
ses adhérents ».
Forte de cette pièce décisive, Me Favrel demande que la
caisse du Crédit mutuel soit condamnée à verser 1 000 euros
de dommages et intérêts à son client pour procédure abu­
sive. La cour d’appel de Douai lui donne satisfaction, en ju­
geant que la caisse a « agi avec une légèreté blâmable » ; ce que
confirme la Cour de cassation, le 8 janvier 2020 : faute de
preuves de « manœuvres » (fausses pièces) « destinées à corro­
borer le mensonge », le recours de la banque était « abusif ».

LES TRIBUNAUX 


RAPPELLENT 


QUE LA BANQUE 


DOIT « PROUVER »


LA NÉGLIGENCE


DE SON CLIENT


CLIGNOTANT

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