Le Monde - 22.02.2020

(John Hannent) #1
si symbolique de près de 30 000  habitants avait bien
failli basculer. À deux points du candidat FN, l’ex-socia-
liste Francis Adolphe avait finalement remporté la trian-
gulaire du second tour. Depuis, l’équipe sortante a été
fragilisée par la condamnation du maire pour violences
conjugales, le poussant à démissionner en 2018 après
le rejet d’un recours. L’occasion pour le RN de tenter sa
chance avec un nouveau candidat dans un territoire où
près d’une personne sur deux a voté pour Marine Le
Pen à la dernière présidentielle.
« Mais je ne suis pas RN ! » Bertrand de la Chesnais, ancien
général et ancien para, aimerait qu’on le présente « sans
étiquette ». Au dos de son tract, les visages de Marine Le
Pen, Jean-Frédéric Poisson, Robert Ménard, Bruno North
et Thierry Mariani témoignent pourtant du contraire. « Je
ne vais pas passer mon temps à me retirer une étiquette
que l’on va me recoller. » Mais il le refait quand même :
« En porte à porte, les gens demandent ce que je suis, alors
je finis par dire “je suis divers droite”. » Comme au Pous
du Plan, un quartier prioritaire, où un travailleur social
soupire : « Il est malin. Il a trouvé une faille alors il s’en-
gouffre dedans... » Avec un taux de pauvreté supérieur à
72 %, la minicité du Pous du Plan était en 2012 le troi-
sième quartier prioritaire le plus pauvre de France. Ici, la
précarité a remplacé la mixité. Les épiceries ont disparu
et les trafics se font à ciel ouvert. L’éducateur ironise en
observant les très jeunes dealeurs et le ballet des consom-
mateurs venus d’ailleurs : « La mixité sociale, c’est eux qui
la font. Nous, ça fait vingt ans qu’on essaie! »

ORANGE
La garrigue s’étale sur dix kilomètres avant que l’A9 ne
disparaisse. Fin de parcours à Orange, où l’extrême
droite règle ses comptes. Jacques Bompard, figure du
mouvement, passé par Occident avant de compter
parmi les fondateurs du FN qu’il quittera pour monter
la Ligue du Sud, se représente pour un cinquième man-
dat dans son fief, après avoir été condamné l’an dernier
pour prise illégale d’intérêts. « Défendre les gens d’ici »,
proclame sa permanence. Face à lui, Xavier Magnin, son
ancien directeur de cabinet, désormais au même poste
chez Joris Hébrard au Pontet, est revenu à Orange pour
tenter de chiper la ville à son ancien mentor... avec le
soutien du RN. « Hébrard Akbar », lui renvoie Jacques
Bompard sur Facebook, en partageant une publication
les accusant de laisser prospérer l’islamisme au Pontet.
À la Billard Academie, « le seul endroit où vous croiserez
des gens le soir à Orange », quatre amis du club de
squash dissertent sur les municipales à venir. Pas celles
d’Orange, où aucun ne vit, mais celles du village voisin
où l’un d’entre eux se présente « sans étiquette ». Un
autre, Jérôme, a voté Dupont-Aignan au premier tour
de la présidentielle, mais « sûrement pas » Marine Le
Pen au second : « Non, mais vous avez vu le débat? Elle
l’a fait exprès de foirer, elle ne voulait pas gagner. »
Océane, elle, a opté pour « les animaux ». Quant à Hugo
Mazzei, cheveux gominés et bras tatoué, il a voté « Le
Pen ». « On est beaucoup à être Marine par ici. » La
patronne de l’extrême droite française a dépassé les
50 % à Orange, en 2017. « Je vais vous le dire, pourquoi :
les Arabes, on en a marre ici », affirme le jeune homme
de 26 ans. Le président du club de tennis vient tardive-
ment grossir la tablée. Lui vit et vote à Orange. Dans un
mois, il pourrait bien opter pour le candidat soutenu
par Marine Le Pen. « Il est adhérent au club, alors on
pourrait y gagner quelque chose. »

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LE MAGAZINE

Sandra Mehl pour Le Monde

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