Le Monde - 22.02.2020

(John Hannent) #1
DE L’EXTÉRIEUR, C’EST UN SIMPLE CUBE DE BÉTON GRIS, l’un parmi beau-
coup d’autres à Nilin, petite ville à l’ouest de Ramallah, en Cisjordanie. En quelques
années, ce modeste bâtiment est devenu un point de ralliement des femmes du
village. De 15 à 70 ans, pendant une heure, elles s’y retrouvent. À l’abri des regards,
elles laissent leur hijab au vestiaire et revêtent des joggings confortables ou des
leggings moulants. Elles s’asseyent sur le tapis, et attendent les instructions de
Jaleelah al-Rawaja, une presque quinquagénaire qui ne manque pas de dynamisme.
Le cours de yoga commence, et les postures s’enchaînent : salutation au soleil,
chien tête en bas, guerrier...
« N’oubliez pas de respirer profondément », rappelle la professeure d’une voix éner-
gique. Entre chaque exercice, les participantes en profitent pour discuter entre
elles. Seule la relaxation finale interrompt la joyeuse cacophonie. « Détendez votre
corps », conseille Jaleelah al-Rawaja. Le « om » final (un son considéré comme la
vibration primitive de l’univers dans le bouddhisme et l’hindouisme) prononcé
en chœur, on se rhabille avant de sortir du studio. On improvise un petit déjeuner
à base de pain plat, d’olives et de labneh. Du thé brûlant à la sauge est versé dans
des gobelets en carton.
Ce matin-là, les femmes vantent les bienfaits du yoga. Hisdeaya Nefea, trentenaire
divorcée, mère de trois enfants, qui ne pratiquait aucun sport avant, résume :
« Comme on respire profondément, je sens le stress s’en aller. » Une autre, Samira
Mohtaz, acquiesce. Âgée de 22 ans, elle s’y est mise après la naissance de son
premier enfant. « J’étais très tendue et souffrais de maux de ventre récurrents,
témoigne-t-elle. Le yoga m’a reposée, j’ai aussi découvert mon corps. »
Des mots qu’on entend partout dans le monde à la sortie des cours de yoga, l’élan
général pour cette discipline indienne ne se démentant pas. Fondé en 2014, le
studio de Nilin n’est pas une exception dans le paysage local palestinien. Le yoga se
pratique dans les grandes villes telles que Jérusalem-Est, Bethléem, Naplouse,
Hébron ou Ramallah ainsi que dans des coins plus reculés de Cisjordanie.
Nahed Bandak se félicite de cette évolution. Cette native de Bethléem connue
de tous dans le petit monde du yoga palestinien est l’une des premières profes-
seures locales. Cette femme de 57 ans arbore un doux sourire ainsi qu’une
démarche souple, presque féline. « Le yoga a révolutionné ma vie, il peut

Jaleelah
al-Rawaja
(ici, dans son
jardin, avec ses
deux filles, en
décembre 2019)
a ouvert
un studio de yoga
à Nilin, en
Cisjordanie.


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