Libération - 14.03.2020

(Darren Dugan) #1

22 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Samedi 14 et Dimanche 15 Mars 2020


CES GENS-LÀ


Par TERREUR GRAPHIQUE

et son élixir magique, Keep America safe
again. Personne ne dit : «Elisez-moi maire
et pschitt le coronavirus dès lundi, et gratis.»
On a cependant notre chauvinisme, plus na-
tional que local, et on ne voudrait pas que
notre coronavirus à nous ressemble à celui
des Chinois ou des Iraniens ou des Italiens.
Et en même temps, ce n’est pas du complo-
tisme mais il faut bien reconnaître que cet
agent infiltré a tout l’air de nous arriver de
l’étranger, bardé des intentions les plus four-
bes dans l’espoir qu’un sang impur abreuve
les sillons que le monde nous envie. A qui
faut-il reprocher cette naturalisation ex-
press du virus? Pour faire la nique au co-
rona, barricadons-nous, fermons les frontiè-
res. Scènes de douane : «Rien à déclarer?
Même pas un petit 37,7 fillette»? Mainte-
nant, il faut être à égalité de température.
«Les 38, 39, 40, ne me suivez pas, les 36 et 37,
par ici.»
Quel est le meilleur candidat pour lutter
contre le coronavirus? Normalement, le
maire est l’élu de proximité, celui à qui il ne
faut surtout plus serrer la main ni faire la
bise. En l’occurrence, mieux vaut le garder
à bonne distance, l’élu de proximité. Et, à
moins d’un coup de théâtre et qu’une parti-
cipation éléphantesque survienne diman-
che soir grâce aux kamikazes de la démocra-
tie, il faut craindre qu’en définitive les
fameux élus de proximité ne soient un peu
vexés de se révéler avoir si peu de proches.
Ils pourront difficilement la ramener, pour

des vainqueurs. Il n’y a pas que les salles de
spectacle qui se vident, le spectacle de la po-
litique lui-même est en petite forme. En ou-
tre, pour les municipales, ça va être difficile
de fêter la victoire s’il faut être tout seul ou
sans personne à deux mètres – pour les
vaincus, au contraire, ça facilitera la déser-
tion des prétendus fidèles. Sinon, on fera
péter les cacahuètes avec quelques confettis
et un chapeau pointu. «On a gagné», chante-
ra-t-on tout seul de la salle de bain à la cui-
sine.
On devrait commencer à s’y accoutumer,
passant sans cesse de l’un à l’autre : «Tiens,
v’là le krach.» Mais non, à chaque nouvelle
fois, les cours tombent de haut. Avec le coro-
navirus, on a la finance sous assistance res-
piratoire en réanimation. Plus encore que
les hôpitaux, les gouvernements sont débor-
dés et semblent dire «oh oh, on n’a que deux
bras», quand ils ne sont pas juste manchots.
En même temps, il y a quelque chose de ras-
surant à ce que les Bourses soient désormais
entre les mains de médecins : on aurait ten-
dance à leur accorder une plus grande com-
pétence qu’aux experts financiers. Le cu-
rieux est que si une grève avait été à ce point
générale qu’on en arrivait à arrêter tout, de
prendre l’avion, de travailler, de sortir de
chez soi, on imagine les répercussions poli-
tiques tous azimuts que ça aurait. Mais là,
si j’ai bien compris, on dirait qu’après la
quinzaine du blanc, il y a la quatorzaine du
coronavirus, point-barre. •

IDÉES/


SI J’AI BIEN COMPRIS...


Par
MATHIEU LINDON

Tu te lèves et tu te casses, corona


Vade retro, rentre chez toi, nous n’avons pas les mêmes
cultures. Tu ne nous saloperas pas les municipales.

cette candidate-là. Quand on passera devant
l’assesseur, nous dira-t-il «bas le masque»?
En tout cas, le coronavirus, ce n’est pas
comme le chômage, la pauvreté, la crois-
sance, le climat ou l’insécurité : personne ne
prétend avoir la solution contre cet immi-
grant sauvage – à part le bon docteur Trump

S


i j’ai bien compris, plus que jamais il va
falloir voter avec des gants. Et ce sera
peut-être la situation où il faudra évi-
ter un trop grand huis-clos, pour qu’il n’y ait
pas une participation de l’ordre de la létalité
prétendue du coronavirus. On a autre chose
à fouetter ces jours-ci que ce candidat-ci ou
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