Les Echos - 24.02.2020

(lily) #1

Antoine Boudet,
Vincent Collen,
Anne Feitz

et Christophe Palierse


- INCERTITUDE
DANS L’AUTOMOBILE

Dans l’automobile, aucun dirigeant
ne s’e st encore hasardé à évaluer
l’impact du virus sur les résultats.
Daimler, par exemple – qui réalise
30 % de ses ventes de Mercedes en
Chine –, a indiqué vendredi dans
son rapport annuel que la chute de
la croissance liée au coronavirus
était susceptible d’affecter les ven-
tes, mais aussi la production et la
chaîne logistique – sans plus de pré-
cisions.
La plupart des usines hors de la
province du Hubei redémarrent
doucement – ou vont le faire. Mais
pas avant le 11 mars d ans la province
en quarantaine, qui concentre 7 %
de la production du pays. General
Motors, Honda et Nissan resteront


fermées au moins jusque-là. De
nombreux fournisseurs y étant
implantés, cela pourrait conduire à
stopper des lignes de production
dans le monde entier, à l’instar des
usines de Jaguar Land Rover au
Royaume-Uni. Les ventes de voitu-
res en Chine se sont effondrées de
92 % en quinze jours en février. Le
pays représente 40 % des ventes de
General Motors et Volkswagen, et
30 % de celles de Daimler et BMW.

- LE PRIX DU PÉTROLE
REPART À LA BAISSE

Après quelques jours de rebond, les
cours du brut sont repartis à la
baisse, descendant sous la barre des
58 dollars face aux craintes sur la
demande chinoise. Les experts
d’UBS t ablent d ésormais sur un brut
à 56 dollars en moyenne au premier
trimestre, soit 6 dollars de moins
que prévu initialement. L’Opep et la
Russie se réunissent le 5 mars pour
décider d’une baisse de leur produc-
tion afin de soutenir les prix.
- ANGOISSE DANS
LE TRANSPORT MARITIME
DE MARCHANDISES

Le transport maritime de marchan-
dises traverse une mauvaise passe.


Pour le vrac sec (minerais, charbon,
céréales...), le Baltic Dry Index,
l’indice des tarifs pratiqués au quo-
tidien sur les vingt routes de trans-
port représentatives du marché, a
touché la semaine dernière un plus
bas depuis 2016. Le coronavirus a
ainsi conduit « à un arrêt complet de
nombreux ports chinois » , a expli-
qué à l’AFP Lars Bastian Østereng,
en charge de la recherche chez Arc-
tic Securities. Louis Dreyfus Arma-
teurs (LDA) a suspendu les relèves
d’équipages en Chine et n’autorise
plus ses marins à descendre à terre.
« L’épidémie est un phénomène gra-
vissime pour le marché » , a déclaré à
l’AFP le secrétaire général de LDA,
Antoine Person. Dans le transport
maritime de conteneurs, le danois
AP Moeller-Maersk, numéro un
mondial, a averti jeudi que le début
d’année était « faible » du fait d’une
fermeture plus longue que d’habi-
tude des usines en Chine. Pour 2020,
la visibilité, cruciale pour le secteur,
est considérablement réduite.

- LOURDE ARDOISE POUR
LE TRANSPORT AÉRIEN

L’é pidémie de coronavirus pourrait
entraîner un manque à gagner de
30 milliards de dollars pour les


compagnies aériennes en 2020,
selon l’Association internationale
du transport aérien (Iata), qui
redoute la « première baisse mon-
diale » des réservations depuis
2008-2009. Les compagnies d’Asie-
Pacifique seraient les premières
touchées, avec une p erte de revenus
globale de 27,8 milliards de dollars,
le manque à gagner pour les autres
étant de 1,5 milliard. Le groupe
aérien chinois HNA, déjà confronté
à un problème de surendettement,
pourrait être repris par l e gouverne-
ment de la province de Hainan – où
il a son siège –, lequel le démantèle-
rait. 2020 « sera une année très diffi-
cile pour les compagnies aériennes » ,
a prévenu jeudi le directeur général
de l’Iata, Alexandre de J uniac. Selon
l’association, qui regroupe
290 compagnies aériennes, la
baisse nette du nombre de passa-
gers pourrait être de 8,2 % dans la
région Asie-Pacifique cette année.
Air France-KLM a estimé entre 150
et 200 millions d’euros le manque à
gagner dû à la suspension de ses
vols jusqu’en avril.

- LE TOURISME FRANÇAIS
DUREMENT IMPACTÉ

Dans l’hôtellerie, le poids lourd bri-


tannique InterContinental Hotels
Group (IHG) et le champion fran-
çais Accor viennent d’indiquer que
les conséquences du Covid-19 sont,
à ce stade, limitées. La « Grande
Chine » représente moins de 10 %
du résultat opérationnel pour le
premier, selon le directeur général
de IHG, Keith Barr, et 3 % du chiffre
d’affaires d’Accor, a indiqué le PDG
d’Accor, Sébastien Bazin
A contrario, la filière touristique
française, en premier lieu pari-
sienne, est et sera touchée par
l’effondrement de la venue des visi-
teurs chinois (2,2 millions en 2018),
d’autant qu’ils sont de loin les visi-
teurs étrangers les plus dépensiers.
Selon le spécialiste de la détaxe Pla-
net, les Chinois ont représenté
32,1 % du montant des ventes
détaxées en 2019, avec un panier
moyen de 1.452,20 euros.
Chez les tour-opérateurs, les spé-
cialistes de l’A sie et de la Chine sont
les plus exposés. Chez les profes-
sionnels français, qui ont suspendu
le 26 janvier les départs sur la Chine
jusqu’au 31 mars, la chute des réser-
vations s’amplifie sur la Thaïlande
et le Vietnam, le Japon étant désor-
mais le troisième pays fortement
affecté.n

Un premier bilan des secteurs économiques les plus touchés


Les effets sur l’activité
économique du coronavirus
en Chine ne manquent pas.
Les premiers chiffrages
commencent.


Le début d’un retournement? S’il est
encore trop tôt pour le dire, les inves-
tisseurs ont semblé prendre cons-
cience des risques liés au coronavi-
rus au cours des dernières séances.
Après avoir atteint de nouveaux
records historiques en milieu de
semaine dernière, les principaux
indices boursiers mondiaux se sont
fortement repliés. Depuis la publica-
tion de l’avertissement d’Apple, les
investisseurs s’inquiètent des consé-
quences de la baisse de la demande
et des perturbations des chaînes
d’approvisionnement, sur les résul-
tats des entreprises.
La perspective de voir l’épidémie
devenir une pandémie, avec plu-
sieurs foyers d’infection, leur a éga-
lement fait prendre conscience
qu’ils s’étaient peut-être montrés
complaisants depuis le début du
mois. La Corée du Sud compte
désormais 602 personnes porteuses
du virus. Le nombre de cas a bondi
au cours des derniers jours, notam-
ment dans la ville de Daegu, dans le
sud-est du pays, où des centaines de
fidèles d’une secte chrétienne ont été
contaminés. Le président sud-co-
réen Moon Jae-in a annoncé que son
pays a llait relever son niveau d’alerte
et estimé que l’épidémie de Covid-19
était « à un tournant décisif ». L’Italie,
à son tour touchée, montre que l’épi-
démie a franchi les portes de
l’Europe. Le cap des 100 cas de conta-
mination vient d’être franchi et l’on
déplore déjà deux morts.

Contraction de l’activité
A Paris, le CAC 40, qui abandonne
0,65 % sur la semaine, est repassé
sous les 6.100 points. En séance, ven-
dredi, il est même revenu sous les
6.000 points. A Wall Street, les indi-
ces boursiers se sont également
repliés, abandonnant respective-
ment 1,4 %, 1,3 % et 1,6 % sur la
semaine pour le Dow Jones, le S&P
500 et le Nasdaq.
Autre sujet de préoccupation :
vendredi, les indicateurs PMI du
cabinet Markit ont montré que la
croissance de l’activité dans le sec-
teur manufacturier avait légère-
ment ralenti en février aux Etats-
Unis et que l’activité dans le secteur
des services s’était contractée.
L’indice composite sur l’e nsemble
du secteur privé témoigne ainsi
d’une activité en contraction pour la
première fois depuis 2013.
Les stratégistes sont de plus en
plus nombreux à signaler la fragilité
du marché actions. Selon certains, il
est survalorisé et serait exposé à une
correction de grande ampleur.
D’autres soulignent que la vigilance
de la Fed et les taux bas ne donnent
pas beaucoup d’alternative que les
actions en termes d’investissement.
La fébrilité générale se traduit néan-
moins par un regain d’intérêt pour
les valeurs refuges. Les taux
« longs » ont nettement reculé aux
Etats-Unis. Les rendements de réfé-
rence à 10 et 30 ans sont tombés res-
pectivement à 1,47 %, au plus bas
depuis septembre, et 1,91 %, un point
bas historique. L’or a, quant à lui,
grimpé jusqu’à 1.644 dollars l’once la
semaine dernière, au plus haut
depuis début 2013. — S. Ro.

L’ inquiétude


monte


d’un cran


Les principaux indices
boursiers ont terminé
la semaine dans le rouge,
après avoir atteint
des sommets historiques.

renda nt publics leurs problèmes opé-
rationnels. Ce qui ne cadrerait pas
avec la volonté du gouvernement chi-
nois de montrer que tout est s ous con-
trôle ». En France, le sujet est pris
très au sérieux par l’Autorité des
marchés financiers (AMF). Ces der-
nières semaines, les équipes de la
direction des émetteurs ont pris
contact avec les entreprises cotées
pour leur r appeler leurs obligations
liées à l’épidémie de coronavirus.

Obligation d’information
permanente
En plus de leurs obligations d’infor-
mation périodique (rapports finan-
ciers annuels et semestriels, par
exemple), les sociétés cotées ont en
effet des obligations « d’informa-
tion permanente ». Elles doivent
rendre publique, dès que possible,
toute information privilégiée qui
les concerne, « c’est-à-dire toute
information non publique, précise et
susceptible d’influencer de façon sen-
sible le cours de l’action » , rappelle
Astrid Milsan, secrétaire générale
adjointe de l’A MF en charge de la
direction des émetteurs et de la
direction des affaires comptables.
« Dans le cadre de l’exercice nor-
mal de notre mission de surveillance
de l’information financière des socié-
tés cotées, nous invitons toutes les
sociétés cotées à évaluer les consé-
quences du coronavirus et à décider
de l’opportunité d’une communica-
tion. » Concrètement, les entrepri-
ses contactées par l’AMF, répon-
dent aux questions du gendarme
des marchés. Elles discutent
ensuite avec leur interlocuteur au
sein de la direction des émetteurs
de l’opportunité de communiquer.
« En réalité, la plupart des entrepri-
ses avaient déjà commencé à réflé-
chir au sujet avant d’être contactées
et dans tous les cas, c’est à elles que
revient la décision finale sur l’oppor-
tunité de communiquer » , précise
Astrid Milsan.
L’AMF recommande aux entre-
prises de saisir l’occasion de la
publication des résultats annuels
pour communiquer, « le cas échéant
sur l’impact éventuel du coronavirus
sur leurs orientations 202 0 ». n

lLa communication des entreprises exposées au marché chinois laisse à désirer selon les investisseurs.


lL’AMF exhorte les sociétés cotées à mieux respecter leurs obligations en matière d’information.


Coronavirus : les marchés exigent plus


de transparence de la part des entreprises


Sophie Rolland
@Sorolland


La pression monte sur les entrepri-
ses. Les investisseurs peinent à éva-
luer les retombées du coronavirus.
Et à les entendre, les sociétés cotées
ne les y aident pas vraiment. « Les
grandes entreprises européennes ne
jouent pas f ranc jeu avec leurs action-
naires. A l’exception de Pernod qui a
fourni des indications précises sur
l’impact du coronavirus sur son acti-
vité, toutes les autres ont esquivé le
sujet »
, peut-on lire sur le blog du
bureau de recherche indépendant
AlphaValue. La société a identifié
les sociétés cotées européennes
réalisant au moins 5 % de leurs ven-
tes en Asie. « Sur ces 95 sociétés, seu-
les 51 fournissent une mesure de leur
exposition en Chine »
, s’indignent
les analystes.
Le sujet est extrêmement sensi-
ble. En témoigne la réaction des
marchés, à l’avertissement d’Apple
sur son chiffre d’affaires l e 17 février.
Les investisseurs ont alors pris
conscience que, combinées, les p er-
turbations dans la chaîne de pro-
duction et la baisse de la demande
chinoise formaient un cocktail
explosif. « Les investisseurs en
actions ont réalisé qu’ils s’étaient
laissés bercer par l’illusion que le
coronavirus était un problème de
court terme et circonscrit à
Wuhan. »


Ambivalences des
entreprises occidentales

Po ur les analystes d’AlphaValue, les
grandes entreprises occidentales
qui se sont développées à l’ombre
du régime dictatorial chinois sont
désormais confrontées à « leurs
ambivalences »
. D’un côté, elles doi-
vent rendre des comptes à leurs
actionnaires et elles affichent leurs
préoccupations environnementa-
les, sociales et de gouvernance. De
l’autre, « il existe un soupçon que les
grandes entreprises européennes très
exposées au marché chinois ne sou-
haitent pas offenser les autorités en


BOURSE


Après avoir atteint de nouveaux records historiques en milieu de semaine dernière, les principaux
indices boursiers mondiaux se sont fortement repliés. Phot o Aidan Marzo/Sopa Images/Zuma

FINANCE & MARCHES


Les Echos Lundi 24 février 2020

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