fabrication d ’A 320 d e 60 à 36 avions
par mois à court terme et aurait
demandé à ses fournisseurs de
réduire leur production de 40 %. La
baisse d’activité pourrait être plus
forte dans la sous-traitance d’ingé-
nierie. « Les cadences des construc-
teurs ne vont pas redémarrer plein
pot tant que le transport aérien ne
reprendra pas comme avant, recon-
naît Nicolas Pobeau. Et pour les piè-
ces de rechange, il y aura forcément
un trou avec la baisse d’activité des
compagnies aériennes. »
« La principale interrogation pour
notre industrie est la solvabilité des
compagnies aériennes et la reprise du
transport aérien après le coronavirus :
les gens auront-ils peur de voyager ou
pas? », s’interroge Philippe Robar-
dey, président de la chambre de com-
merce et d’industrie de Toulouse et
du groupe d’ingénierie et de fabrica-
tion Sogeclair (1.700 salariés) qui réa-
lise 79 % de son activité dans l’aéro-
nautique. Celui-ci a mis la moitié de
ses 1.000 salariés en Europe au chô-
mage partiel et favorisé la prise des
congés. Ses bureaux toulousains
sont ouverts trois jours par semaine
pour ceux qui ne peuvent pas f aire du
télétravail et les filiales en Espagne,
en Inde et au Canada sont fermées.
Fragilité financière
Après 17 ans de croissance, l’indus-
trie aéronautique a eu plusieurs
alertes récemment. A la fin préma-
turée du géant A380 s’est ajoutée la
suspension de la construction du
Boeing 737 MAX en janvier. « Avant
la c rise sanitaire, la situation était déjà
un p eu tendue, analyse Raphaël Petit,
chargé de l’aéronautique à la banque
d’affaires Oaklins France. Il y a eu
l’arrêt de certains programmes et le
changement de stratégie d’Airbus qui
a réattribué les marchés d’usinage à
quelques gros fournisseurs de rang 1.
Cela a tendu les marges des sous-trai-
tants passés au deuxième rang. »
Cette course à la taille a entraîné la
constitution de groupes étendus
comme Figeac Aero, Nexteam,
WeAre Group et Lauak, qui ont
racheté plusieurs sociétés et cons-
truit des usines. « Beaucoup de
regroupements d’entreprises ont été
faits avec des fonds d’investissement et
un endettement assez important des
holdings, prévient Philippe Robar-
dey. Ces groupes ont-ils les structures
financières qui leur permettront de
faire face? » La chaîne de fournis-
seurs, qui emploie 83.000 salariés
rien que dans le Sud-Ouest, a beau-
coup investi pour la montée en
cadence et son modèle économique
sera chahuté en cas de retourne-
ment...n
La sous-traitance aéronautique craint
les turbulences de l’après-coronavirus
l Les fournisseurs de pièces continuent à produire à un rythme moindre pendant le confinement,
avec des mesures de distanciation.
lIls vont devoir supporter une importante baisse des commandes avec la diminution du transport aérien.
lBeaucoup ont investi pour augmenter la production et ce retournement de tendance sera douloureux.
La baisse d’activité pourrait dépasser les 40 % dans la sous-traitance d’ingénierie.
Photo Lydie Lecarpentier/RÉA
les machines automatisées. « Il sera
décalé en fonction de l’évolution du
marché avec le coronavirus », dit
Pascal Farella, président du direc-
toire de WeAre Group.
Exemple du regroupement de la
sous-traitance aéronautique,
WeAre Group est né en 2016 du
rachat des sous-traitants Chatal et
Espace en Loire-Atlantique par
Farella à Montauban (Tarn-et-
Garonne) avec le soutien du fonds
Aerofund III géré par ACE Manage-
ment. Il a ensuite racheté Bouy en
Vendée et Comefor dans la Loire
en 201 7, avant de constituer un parc
industriel au Maroc en acquérant
EFOA et UMPM en 2018. Le groupe
emploie 1.200 salariés et détient
40 % de WeAre Pacific (600 per-
sonnes) constitué avec le japonais
Yamaichi Special Steel.
Télétravail
Fabricant de pièces techniques
d’aérostructures, de portes et de
moteurs d’avion, le groupe a arrêté
mi-mars ses usines pendant une
semaine pour mettre en place des
mesures de protection du person-
nel, avec un espacement de
1,50 mètre minimum. Il a rouvert, le
24 mars, les sites français et, quel-
ques jours après, ceux d’A frique du
Nord. « 80 % de l’effectif de produc-
tion est en place, se félicite Pascal
Farella. Il y a 12 % de salariés en arrêt
maladie et 3 % en chômage partiel,
mais l’on s ’attend à prendre des mesu-
res de chômage plus importantes. »
L’entreprise va r ecevoir ces jours-ci
le plan d’approvisionnement men-
suel de ses clients Airbus et Safran
notamment. « On s’attend à une dimi-
nution moyenne de la production de
30 % pour les deux prochains mois,
ajoute Pascal Farella. A moyen terme,
nous prévoyons un impact plus fort
sur la fabrication d’avions long-cour-
rier A330 et A350 car le tourisme met-
tra du temps à reprendre. Tout dépen-
dra de la confiance des voyageurs. Mais
pour les affaires, les gens utiliseront
davantage le télétravail maintenant
qu’ils se sont habitués. »
Le dirigeant estime que le mar-
ché aéronautique sera « très tou-
ché ». Il a négocié des lignes de tré-
sorerie avec les banques pour
« sécuriser les trois prochains mois »
et souhaite mettre en place des for-
mations qualifiantes de program-
mation d e machines e n attendant l a
reprise. « Nous allons activer des
projets d’amélioration p our rebondir
après la crise, dit-il. Nous devons être
une entreprise agile. » Le groupe, qui
a réalisé les trois quarts de son chif-
fre d’affaires de 150 millions d’euros
en 2019 dans l’aéronautique, va
donc chercher à renforcer ses
autres activités dans le secteur
médical, le spatial et la défense.
« Nous allons réorienter des équipes
sur ces marchés », conclut Pascal
Farella. —L. M.
WeAre Group cherche d’autres secteurs d’activité
WeAre Group a ouvert en septem-
bre son nouveau site de Mon-
tauban, une grande usine de
27.000 mètres carrés e t d’un c oût d e
11 millions d’euros, mais il a gelé
l’investissement de 4 millions dans
Ce gros fabricant de pièces
techniques né du rachat
de plusieurs sous-traitants
maintient 80 % de la
production pendant le
coronavirus. Mais il craint
une baisse importante des
commandes aéronautiques
dans les mois à venir
et veut renforcer ses
activités dans le médical,
le spatial et la défense.
Stéphane Frachet
—Correspondant à Tours
Prise de température à l’entrée,
adoption d’une demi-heure tampon
à chaque changement d’équipe, net-
toyage du poste de travail par l’opé-
rateur... L’équipementier aéronauti-
que et automobile Mecachrome a
élaboré de nouvelles procédures
afin de reprendre le travail depuis le
23 mars, pour suivre ses clients.
Après trois à quatre jours d’arrêt
total lors de la première semaine de
confinement, qui a permis une
désinfection des sites, l’industriel est
parvenu à revenir à une activité
7 jours sur 7, même si certaines équi-
pes sont très restreintes.
Hier, entre les congés, les arrêts
maladie, les gardes d’enfants, plus de
la moitié du personnel des huit usi-
nes françaises était à son poste. « Les
ateliers tournent avec 50 à 80 % de
l’effectif », évalue Christian Cornille,
président du groupe français, qui
emploie 3.000 personnes, dont 1.850
en France. Malgré les réticences des
syndicats, le travail a donc repris
pour ce fournisseur majeur d’Air-
bus, Safran et Stelia. « Nous sommes
opposés à cette reprise qui met en dan-
ger la santé des salariés, mais nous
sommes conscients de la situation fra-
gile de l’entreprise », explique Jacky
Chauvière, délégué central FO, qui
rappelle que le coronavirus a eu
pour effet de suspendre le plan de
transformation que s’apprêtait à pré-
senter Christian Cornille le 18 mars.
De son côté la CFDT prône un arrêt
de 15 jours pour tous les sites.
Tensions
Il y a bien eu quelques tensions,
comme un débrayage à Amboise
(Indre-et-Loire) une nuit de la
semaine dernière. « La direction a
fermé les douches pour les opéra-
teurs de nuit. Elle les a rétablies à con-
dition que les utilisateurs les net-
toient eux-mêmes », raconte Jacky
Chauvière, qui reste sceptique face
à la complexité des mesures de
sécurité sanitaire. Le comité de
direction se réunit à distance cha-
que jour. Les syndicats sont conviés
à des points réguliers. « Nous avons
l’habitude de discuter », reconnaît
Jacky Chauvière (FO), bien cons-
cient que le plan social resurgira
dès que la crise s’atténuera.
« Travailler ensemble permet de
trouver les meilleurs compromis sur
le terrain, explique Christian Cor-
nille, qui admet un niveau d’appré-
hension important parmi les sala-
riés. Il faut qu’on soit capable de le
comprendre, nos règles de vie chan-
gent, nous devons faire preuve de
bienveillance. » Ce qui amène à un
point de convergence inédit entre
syndicats et direction : les pointeu-
ses n’ont plus cours chez Meca-
chrome en ce moment.n
Mecachrome
soigne
le dialogue
social pour
retravailler
Plus de la moitié du
personnel de Mecachrome
a repris le travail. Les huit
usines françaises de
l’équipementier aéronauti-
que tournent tous les jours
après l’adoption des gestes
barrière, et une consulta-
tion régulière des syndicats.
Laurent Marcaillou
—Correspondant à Toulouse
Dix-sept ans, dix-sept ans de crois-
sance pendant lesquels Airbus a
presque triplé ses volumes!
Depuis 2002, la c onstruction
d’avions commerciaux n’avait pas
diminué chez l’avionneur européen,
même pas pendant la crise finan-
cière de 2008. Alors à Toulouse et
dans l’Hexagone, le retournement
de tendance qui sera confirmé dans
les prochains jours par l’avionneur
est vécu avec anxiété. Dans le sillage
d’Airbus, les sous-traitants aéronau-
tiques ont redémarré partiellement
la fabrication le 24 mars. Ils se sont
arrêtés une semaine pour mettre en
place des mesures de protection
contre le coronavirus. Le Groupe-
ment des industries françaises aéro-
nautiques et spatiales (Gifas) a com-
mandé des milliers de masques
pour les entreprises qui en sont sou-
vent dépourvues.
Le travail a depuis repris à un
rythme r éduit. L e fabricant de pièces
de rechange et de série Recaero à
Verniolle (Ariège) a diminué sa pro-
duction de 40 %. « Les mesures de
distanciation font qu’il n’y a que 60 %
de l’effectif », indique son PDG Nico-
las Pobeau. Un quart des 300 sala-
riés est en chômage partiel, une
autre partie en congé maladie, en
garde d’enfant ou en télétravail. Son
usine indienne de pièces de série, qui
emploie 350 personnes, est, elle,
arrêtée du 25 mars au 15 avril.
Recaero a gelé son plan d’investisse-
ment de 15 millions d’euros dont il a
engagé 4 millions l’an dernier. « Ça ne
fait pas du bien de diminuer l’activité
quand on investit mais les banques
jouent le jeu, affirme Nicolas Pobeau.
Airbus s’est engagé à payer ses four-
nisseurs à l’heure mais il y a des sous-
traitants de rang 1 ou 2 qui sont fragili-
sés. Il faut que tout le monde paie ses
clients pour éviter un effet domino
dans la chaîne de fournisseurs! »
Baisse des commandes
L’entrepreneur s’attend à une baisse
des plans de production d’Airbus et
du motoriste Safran, qui sont réac-
tualisés chaque mois. Selon Reu-
ters, Airbus envisage de réduire la
AÉRONAUTIQUE
Après 17 ans de
croissance, l’industrie
aéronautique fait face
à une situation inédite.
PME & REGIONS
Mardi 7 avril 2020Les Echos