20 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Mercredi^25 Mars 2020
L
e cinéma appartient à la demi-obscu-
rité. A la demi-veille qui va avec. Ma-
chine électrique et art de la lumière
auxquels il faut a minima la tombée du jour
et la venue de la nuit pour projeter en exté-
rieur, arena, festival en plein air ou drive-in,
ou sinon l’intérieur sombre,
l’espace presque annulé
d’une salle obscure. Cela
vaut également, même si
dans une moindre mesure, pour la télévision,
qui implique dans sa fonction domestique
une idée d’intérieur, d’espace clos et de zone
de confort affalé d’où regarder, comme au
La singulière musique
du cinéma de chambre
De Jean Eustache à Marguerite Duras,
de Chantal Akerman à Ingmar Bergman,
de Robert Bresson à Philippe Garrel,
nombre de cinéastes ont choisi
comme terrain d’observation privilégié
l’intimité du huis-clos et de la fiction
d’appartement pour décrire un repli
et une réalité qui résonnent avec
la solitude du spectateur.
Par
Camille Nevers
Jean-Pierre Léaud et
Bernadette Lafont dans
la Maman et la Putain
de Jean Eustache (1973).
Collection Christophel
ciné. On s’imagine sans mal lire un livre,
écouter de la musique, voir du théâtre (non
bourgeois, sur tréteaux), dehors, dans un jar-
din, dans la rue, par un bel après-midi. Un
film non. Il faut la caverne, l’abri, l’antre, la
planque.
Comme il y a la musique de chambre, existe,
aux mêmes proportions et difficulté d’exécu-
tion (moins il y a d’instrumentistes plus l’exé-
cution musicale est diffi-
cile, sans filet), le film de
chambre. S’y déploient un
univers d’économie mini-
male, un temps en suspension à charge exces-
sivement libidinale, à l’écart du monde où
s’ébrouent les jeux érotiques – du film de cul
standard aux études fantasmatiques de Jean-
chefs-d’œuvre
confinés (2/6)