Libération - 07.03.2020

(Darren Dugan) #1

Libération Samedi 7 et Dimanche 8 Mars 2020 u 41


OSUNLADE & CARLOS MENA
Los tambores te llaman (original mix)
Le producteur américain prêtre
de la religion yoruba et le DJ-
producteur d’origine portoricaine
s’allient pour livrer un manifeste
de house spirituelle, lumineuse
et percussive où Mena se lance dans
un spoken word enflammé. Remuant.


ANDREW WEATHERALL
Unknown Plunderer
Sorti quelques jours après sa mort,
ce maxi-testament du héros techno
britannique renferme deux titres lents,
poisseux et toutes basses devant, dont
cet Unknown Plunderer, plus poignant
encore dans la relecture electro lente
de son complice Radioactive Man.

ISOLÉE
Mad Marauder
Hier parmi les meneurs de la scène
house minimaliste , Isolée se fait rare,
se contentant d’un petit maxi par an.
Toujours aussi délicate, la livraison
annuelle surprend avec Mad Marauder,
lointain cousin dysfonctionnel
du classique disco I Feel Love.

Retrouvez cette playlist
et un titre de la découverte
sur Libération.fr en parte-
nariat avec Tsugi Radio.

LA POCHETTE


FABRIZIO
RAT Shades
of Blue
(La Machina)

Le bleu «C’est une couleur que
j’aime beaucoup qui, contrairement
à d’autres, possède énormément
de nuances différentes. Un simple
changement de lumière modifie
toute la perception que l’on peut
avoir de cette teinte. Du coup, j’ai eu
cette idée de bleu pour la pochette
d’un album à l’esprit un peu aqua -
tique, où j’explore toute la palette de
la couleur avec des morceaux qui
se nomment, entre autres, Cobalt,
Sapphire, Azure
ou Turquoise


Fabrizio Rat : «Le bruit de


la mer m’envoie ailleurs»


Le pianiste classique de formation, avec son mélange
d’électronique et de piano arrangé, se rapproche plus d’Aphex
Twin que d’Arthur Rubinstein. Son dernier-né, «Shades of Blue»,
est nourri de sonorités aquatiques, à l’image de sa pochette.


La mer «La mer me touche énormément, même
si je n’ai jamais vécu près de ses rivages. J’y vais
dès que je peux. Je suis quelqu’un qui a besoin
de travailler de manière obsessionnelle pour arri-
ver à quelque chose et je crois que la mer est le
seul moyen de me sortir de cette ambiance stu-
dieuse. On dirait qu’elle est toujours pareille mais
en fait elle est toujours différente. Pour moi, l’une
des choses les plus magiques de la nature, c’est
la multitude des vagues qui existent. Quand
j’écoute le bruit de la mer, je suis tout de suite
ailleurs. En revanche, la montagne, ça m’an-
goisse. Je préfère mille fois le trafic de Paris !»

Les bandes «Plus que la photo, je suis
passionné par les procédés de postpro-
duction qui permettent de changer la
réalité. J’aime bien manipuler les ima-
ges. C’est moi qui ai ajouté ces deux
bandes grâce à une appli sur mon télé-
phone qui s’appelle DestroyPix. J’ai
quand même travaillé également avec
une graphiste, Anne-Marie Pappas, qui
a réalisé l’intégralité de l’ artwork de la
pochette. Ces deux bandes apportent
quelque chose de symétrique qui pro-
longe les nuances du bleu de la mer.»
Recueilli par PATRICE BARDOT

La photo «C’est moi qui l’ai prise l’été der-
nier, sur le bateau en Sicile entre les îles de
Lampedusa et Linosa. J’étais là-bas pour les
vacances. Je voulais un cliché de la mer très
symétrique, sans autre élément, que tout soit
dégagé. Au départ, je ne pensais pas utiliser
cette photo sur la pochette. Je ne fonctionne
pas comme ça. Je compose d’abord, et ensuite
j’ai des idées pour le graphisme ou pour nom-
mer les titres. Ce n’est pas évident d’illustrer
une musique instrumentale. Pour mes deux
albums précédents, le message était assez
clair : sur le premier, c’était graphique, avec
des touches de piano ; sur le second, il s’agis-
sait d’une photo de ma main. Avec cette
photo, le lien est avec le côté émotionnel de
ma musique, moins en rapport avec son
aspect technique.»


CocoRosie Les sœurs


en pétard


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FIREHORSE And So
They Ran Faster... (2011)
Unique album sous ce
pseudo de la troublante
Leah Siegel. Du rock
sombre aux subtiles mani-
pulations électroniques.

ZOLA JESUS
Versions (2013)
Avec un quatuor à cordes,
la ténébreuse chanteuse
américaine revisite son ré-
pertoire. Pas très gai, mais
à la fois élégant et brutal.

FEVER RAY
Plunge (2017)
Manifeste politique
et sexuel de la Suédoise
aux multiples soubresauts
électroniques. Epique
et tortueux.

mense agitation de leurs vies personnelles
au cours des dernières années. Un grand huit
émotionnel où Bianca et Sierra ont été
confrontées à la fois à des divorces, de nou-
veaux amours, et surtout des drames familiaux
marqués par l’alcoolisme et la maladie men-
tale de leur frère et la mort de leur mère.
D’importantes secousses personnelles re -
transcrites en sons et en mots sur ce sacrement
poignant Put the Shine on, heureusement dé-
barrassé de l’ancien effet new hippie mou du
genou «je-mets-des-fleurs-dans-
les-cheveux-pendant-ma-cure-
détox» qui voilait jusque-là une
discographie garantie sans glu-
ten. Symbole de ce revirement
agité, l’épatant Smash My Head,
manifeste direct où les guitares
grincent et les sons acid coui-
nent dans une belle dissonance.
Les riffs décapants accompa-
gnent aussi le joliment torturé
Lamb and the Wolf, sur lequel
elles s’essaient à un hip-hop ra-
geur. Folie, mort, désespoir, co-
lère, les thèmes que l’on croise
tout au long de ces douze titres étonnamment
tendus montrent la sincérité de deux femmes
aux prises avec leurs démons. Le noir leur va
si bien.
PATRICE BARDOT

Q


ui aurait parié un kopeck
en 2020 sur les sœurs Bianca et
Sierra Casady, alias CocoRosie?
Pas nous en tout cas. Bien sûr,
il existe encore quelques nostalgiques de leurs
deux premiers albums, la Maison de mon rêve
(2004) et Noah’s Ark (2005), qui firent un cer-
tain bruit dans un Landerneau
«branché», balisé d’un côté par
le new folk lunaire du barde De-
vendra Banhart et, de l’autre, par
l’hystérie sonore d’une Björk.
Depuis, leur seul moment de
gloire a été de placer Lemonade,
extrait de leur quatrième disque,
Grey Oceans, dans une pub pour
une voiture italienne. Mais
c’était déjà en 2015. Pas terrible.
Les Américaines se sont ensuite
surtout mobilisées sur des pro-
jets parallèles (collaborations
avec le metteur en scène Bob
Wilson, ou récemment un featuring remarqué
chez Chance the Rapper). Des respirations sa-
lutaires qui ont sans nul doute nourri une nou-
velle inspiration. Aujourd’hui, ce retour tout
à fait pertinent est aussi le résultat de l’im-

Guitares, acid et hip-hop,
les deux Américaines opèrent
un revirement agité.

COCOROSIE
Put the Shine on
(Marathon Artists/Pias)

ON Y CROIT


DR
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