Le Monde - 13.03.2020

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VENDREDI 13 MARS 2020 planète | 5

Nouveau durcissement des restrictions en Italie

Les déplacements sont limités et les commerces sont fermés, sauf ceux de première nécessité

rome ­ correspondant

L

e formulaire prérempli

consiste en une feuille A

que chaque résident, en

Italie, doit désormais porter sur

soi dès qu’il sort de son domicile,

et qui peut être demandée à tout

moment par les forces de l’ordre –

dans le centre de Rome, celles­ci

ne s’en privent pas. Le texte, d’une

quinzaine de lignes, stipule que le

signataire a pris connaissance des

termes des derniers décrets limi­

tant les déplacements de chacun,

et qu’il se trouve dans la rue pour

« des exigences professionnelles »,

une « situation de nécessité », ou

des « motifs de santé ».

Il doit être daté et signé lors du

contrôle et des sanctions pouvant

aller du simple rappel à l’ordre à la

prison sont prévues. Fini le temps

de la « passagietta » (la promenade

du soir), des embrassades brava­

ches et de l’ironie. Désormais, on

se salue à bonne distance. Et de

toute façon, on ne croise plus

grand monde dans la rue.

Mercredi soir, le président du

conseil italien, Giuseppe Conte, a

annoncé, dans une conférence de

presse à la tonalité dramatique,

un nouveau durcissement des

restrictions touchant l’ensemble

du territoire. Désormais, tous les

commerces ne correspondant

pas à des besoins de première

nécessité seront fermés. Les bars,

cafés ou restaurants, ainsi que les

magasins de toute sorte devront

baisser le rideau pour deux se­

maines, jusqu’au 25 mars au

moins. De toute façon, beaucoup

d’entre eux avaient devancé l’ap­

pel : à quoi sert de rester ouvert si

les clients ne sont plus autorisés à

venir? Les usines ne ferment pas

mais elles doivent adopter de

strictes mesures de sécurité.

Au bord de la rupture

Seront également ouverts les

stations­service, les marchands

de journaux, les blanchisseries,

les banques, les assurances et les

postes, ainsi, bien sûr, que les

pharmacies. « L’effet de ce nouvel

effort se verra dans les quatorze

prochains jours », a assuré le pré­

sident du conseil italien.

Quand s’arrêtera la litanie des

nouvelles fermetures, des mesu­

res d’exception et des restrictions

supplémentaires? Là est la princi­

pale inconnue. En effet, la cons­

tante aggravation de la situation

du pays laisse peu de place à l’opti­

misme. Selon le dernier bilan

communiqué par la protection ci­

vile, le virus continue sa progres­

sion, au rythme immuable de

20 % à 25 % de cas supplémentai­

res par jour (12 400 cas au total,

contre un peu plus de 10 000 la

veille). Inévitablement, la courbe

des morts suit, elle aussi, une as­

cension régulière : avec 196 décès

répertoriés en 24 heures, le total

se monte désormais à 827 morts.

Selon toute probabilité, la barre

des 1 000 morts devrait être fran­

chie très rapidement.

Dans le détail, ces statistiques

dramatiquement prévisibles sont

encore plus sombres en Lombar­

die et dans l’ouest de l’Emilie­Ro­

magne (provinces de Plaisance et

Parme), qui concentrent les deux

tiers des cas positifs et où les hô­

pitaux sont au bord de la rupture.

Suivent le reste de l’Emilie­Roma­

gne, la Vénétie, le Piémont et les

Marches, où la tension et le

rythme de l’augmentation est un

peu moindre. Dans le reste du

pays, la situation est pour l’heure

contenue : la Campanie ou le

Latium totalisent 150 cas environ,

tandis que la Sicile en compte

moins de cent.

Inéluctable progression

Dans le Sud, la grande inquié­

tude concerne l’afflux de popu­

lations venues du nord du pays

qui a été constaté ces derniers

jours. Ainsi, depuis la soirée de

samedi, qui avait vu l’entrée en

confinement de la Lombardie et

de quatorze autres provinces

d’Emilie­Romagne, du Piémont,

de Vénétie et des Marches, plus

de 30 000 résidents des régions

concernées seraient partis en di­

rection du Mezzogiorno, et nom­

bre de mouvements équivalents

avaient été constatés les jours

précédents. Que se passerait­il

en cas d’explosion du nombre de

malades au sud de Rome, alors

que les infrastructures sanitaires

sont loin d’égaler celles des ré­

gions du Nord? Là réside l’une

des grandes inconnues.

Mais tous les regards sont tour­

nés vers la zone de Lombardie­

QUE SE PASSERAIT­IL

EN CAS D’EXPLOSION

DU NOMBRE DE MALADES 

AU SUD DE ROME,

ALORS QUE LES 

INFRASTRUCTURES 

SANITAIRES SONT LOIN 

D’ÉGALER CELLES

DES RÉGIONS DU NORD ?

Emilie­Romagne, épicentre de la

crise (730 des 827 morts viennent

de ces deux régions), où les pro­

chains jours seront décisifs. Face à

l’inéluctable progression du

nombre de malades, et alors que,

compte tenu du temps d’incuba­

tion, les premiers résultats des

mesures de confinement ne se fe­

ront pas sentir avant le début de la

semaine prochaine, le président

de la région Lombardie, Attilio

Fontana, demande au gouverne­

ment central d’aller encore plus

loin. Il souhaite que la région soit

placée dans un confinement

absolu, ce qui impliquerait la sus­

pension de toutes les activités in­

dustrielles et des transports pu­

blics. « Faites­nous tout fermer à

part les commerces alimentaires

et les pharmacies, aujourd’hui

nous avons 1 500 nouveaux cas »,

a­t­il ainsi réclamé, mercredi

après­midi, au gouvernement

Conte, qui, pour l’heure, semble

tout faire pour éviter de devoir al­

ler aussi loin.

Finissant son allocution par une

citation du sociologue allemand

Norbert Elias – « Nous sommes

une communauté d’individus » –,

le président du conseil italien a

enjoint à ses concitoyens d’être

patients, promettant que « bien­

tôt nous nous embrasserons à

nouveau ».

jérôme gautheret

Le continent africain multiplie

les mesures de confinement

Plusieurs pays ont restreint les déplacements de personnes venant

de zones à risques, notamment la France, l’Italie et la Chine

L’

Afrique, qui reste pour

l’heure le continent le

moins touché avec 117 cas

dont 2 décès répertoriés mercredi

11 mars, fait son possible pour évi­

ter l’importation du coronavirus

sur son sol. Trente touristes ita­

liens arrivés lundi en Tunisie ont

ainsi été rapatriés dans leur pays

après avoir refusé la quatorzaine

imposée. Sur ce continent où les

systèmes de santé sont globale­

ment défaillants, la doctrine pre­

mière reste l’évitement. C’est la rai­

son pour laquelle un confinement

d’observation de quatorze jours a

été instauré pour les entrants, afin

de se donner le temps de voir qui

développe un Covid­19.

C’est le Congo­Brazzaville qui a

ouvert le bal des mesures début

mars en instaurant le confine­

ment de tous les ressortissants ve­

nus de Chine, d’Italie, d’Iran et de

Corée du Sud entrant sur le terri­

toire. Tous les deux jours, une cin­

quantaine de personnes formées

par l’Organisation mondiale de la

santé (OMS) sont chargées de véri­

fier l’état de santé de ceux qui sont

confinés à leur domicile, ou à l’hô­

tel pour les non­résidents.

Le ministère congolais de la

santé a installé 100 places de confi­

nement dans un hôtel près de

Brazzaville, la capitale. Un espace

déjà saturé, où la moitié des per­

sonnes sous surveillance sont

congolaises, et deux françaises.

Une Franco­Libanaise présentant

des symptômes suspects se

trouve, elle, dans l’unité de confi­

nement du CHU de Brazzaville, se­

lon la cellule d’urgence du minis­

tère de la santé. Si, sur le papier, ce

plan de filtrage semble fonction­

ner, reste à en observer la mise en

œuvre lorsque le nombre de per­

sonnes confinées va augmenter.

La République démocratique du

Congo (RDC), voisine, s’est inspi­

rée de ce mode de prévention,

même si elle opte pour une plus

grande souplesse. Alors que le pre­

mier malade du coronavirus a été

annoncé dans le pays mardi, le mi­

nistre de la santé, Eteni Longondo,

a demandé que les voyageurs en

provenance de Chine, France, Ita­

lie, Irak et Iran soient placés en

quarantaine à leur atterrissage.

Les passagers présentant des

symptômes sont mis en confine­

ment dans une structure sani­

taire, initialement prévue pour

Ebola, à Kinshasa. Pour l’instant,

seules six places sont disponi­

bles, mais « on devrait pouvoir at­

teindre vingt », selon le docteur

Aruna Abedi, coordinateur de la

riposte au coronavirus. Les voya­

geurs qui ne présentent pas de

symptômes doivent, eux, remplir

un formulaire avec leurs coor­

données, et les autorités leur de­

mandent de ne pas quitter leur

maison ou leur chambre d’hôtel

pendant deux semaines. « On es­

saie de les appeler tous les deux ou

trois jours pour vérifier comment

ils vont, développe Aruna Abedi.

Bien sûr, on ne peut pas faire la po­

lice. La quarantaine se base sur la

confiance, on explique aux gens

qu’ils doivent le faire pour proté­

ger les autres. » Un hôtel devrait

être désigné dans les prochains

jours pour étendre les capacités

de confinement.

Un suivi actif

Au Rwanda, le modus operandi est

assez similaire. Tous les visiteurs

venant de pays touchés sont

contrôlés et soumis à un question­

naire à leur arrivée. Ceux qui pré­

sentent des symptômes du Co­

vid­19 sont conduits en isolement

à l’hôpital pour des tests de labora­

toire et, même si ces tests sont né­

gatifs, les cas suspects font l’objet

d’un suivi actif, comme tout voya­

geur asymptomatique venant

d’un pays à risque.

Dans le Sahel, avec laquelle la

France entretient un lien particu­

lier, le Tchad est le premier pays à

mettre en place une unité spéciale

de quinze lits au sein de son hôpi­

tal provincial de Farcha, à N’Dja­

mena. En cas de besoin de confine­

ment supplémentaire, s’y ajoutera

le lycée français Montaigne, fermé

pour quatorze jours. Et au Burkina

Faso, qui compte une importante

communauté française, aucune

mesure contraignante pour les ar­

rivants de France et d’Italie n’est à

ce jour en vigueur. La ministre de

la santé plaide en revanche pour

un « autoconfinement » à domi­

cile. Cette approche est aussi privi­

légiée en Côte d’Ivoire, où il est de­

mandé aux personnes venant de

Chine un auto­isolement de qua­

torze jours. D’autres pays comme

le Bénin ont posé des mesures. Le

Togo dit s’y préparer.

service afrique

La Chine envoie de l’aide

Les autorités chinoises ont envoyé en Italie un groupe de méde-

cins venus du Sichuan ainsi que des volontaires de la Croix-

Rouge pour contribuer à la lutte contre le coronavirus, ont an-

noncé les médias officiels chinois mercredi 11 mars. L’équipe

devrait arriver sur le sol italien jeudi. Cet effort s’ajoute à la vente

d’un millier d’appareils respiratoires, et de 2 millions de mas-

ques, dont 100 000 de haute technologie. Un geste qui pourrait

avoir une importance cruciale alors que la pénurie de ces appa-

reils essentiels dans la lutte contre l’infection menace, particuliè-

rement en Lombardie et en Emilie-Romagne. « La Chine est prête

à prendre sa part [de l’effort] en signe de remerciement vers l’Ita-

lie qui a aidé notre pays quand il en avait besoin », a affirmé

l’ambassade chinoise dans un communiqué.

LE CONTINENT AFRICAIN 

RESTE POUR L’HEURE 

LE MOINS TOUCHÉ 

DE LA PLANÈTE, 

AVEC 117 CAS DONT 

2  DÉCÈS RÉPERTORIÉS 

MERCREDI

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