Les Echos - 04.03.2020

(Darren Dugan) #1

Les Echos Mercredi 4 mars 2020 ENTREPRISES// 19


IMMOBILIER


Elsa Dicharry
@dicharry_e


L’app el à manifestation d’intérêt
lancé il y a un peu plus de trois mois
par Action Logement pour la recon-
version de bureaux vacants en loge-
ments, clos le 29 février 2020, a
porté ses fruits. A ce jour, une cin-
quantaine de dossiers sont sur le
bureau d’Alexandre Chirier, direc-
teur de la foncière dédiée du
groupe, grâce aussi au travail de
prospection de ses équipes.
« Ces dossiers représentent au
total 300.000 mètres carrés de sur-
face plancher et un potentiel de
5.000 logements d’une surface
moyenne de 60 mètres carrés »,
explique-t-il. Conformément
à l’objectif fixé par le groupe et par le
ministère du Logement, il s’agit aux
trois quarts d’immeubles basés en
région parisienne – essentiellement
en petite couronne, les autres étant
situés dans les agglomérations lil-
loise, lyonnaise et marseillaise. Des
zones où le déséquilibre est fort
entre l’offre et la demande de loge-
ments. Tous les projets examinés
n’ont pas vocation à être retenus – le


prix proposé par le propriétaire, la
localisation ou la spécificité de cha-
que immeuble vont désormais être
examinés avec soin. Certains biens


  • souvent trop profonds – ne sont
    pas transformables. Les immeubles
    restructurés doivent également
    permettre, de par leur localisation,
    de rapprocher les salariés de leur
    emploi. « Il faut aussi travailler en
    amont avec les collectivités, afin que
    le projet de transformation s’inscrive
    dans leur ambition urbaine », note
    Alexandre Chirier.


Une quinzaine d’opérations
dès cette année
« No us avons commencé à regarder
plus en détail une dizaine de projets,
pour un investissement total d’envi-
ron 90 millions d’euros, avec des
coûts d’acquisition compris entre
1.200 euros et 4.000 euros du mètre
carré, avant travaux de transforma-
tion », poursuit-il. Malgré la clôture
de l’appel à manifestation d’intérêt,
« d’autres dossiers vont rentrer. Nous
nous fixons un objectif d’une dizaine
de projets par mois à analyser »,
poursuit-il.
Une quinzaine d’opérations sera
lancée dès cette année, avec pour
chaque programme la création
d’un tiers de logements sociaux,

d’un tiers de logements intermé-
diaires et un tiers de logements
« libres ».
La foncière sera chargée d’acqué-
rir les bureaux vides, d’en assurer le
portage financier et d’obtenir les
permis de construire. Elle confiera
ensuite à des promoteurs ou à des
bailleurs sociaux les travaux de
transformation. « Elle conservera la
propriété du terrain pour la partie
dédiée au logement social et intermé-
diaire, et demandera en échange une
faible redevance au bailleur. » Un
mécanisme permettant à ce dernier
de réduire largement sa facture.
Ainsi, au bout du compte, l’opéra-
tion sera financièrement viable, en
dépit des faibles loyers proposés
aux locataires.
Au total, Action Logement a
prévu de mobiliser 1,7 milliard
d’euros sur trois ans (600 millions
d’euros en fonds propres, autant
sous forme de dette et 500 millions
de financements bancaires) afin de
transformer des locaux vides en
habitations. Paris pourrait être con-
cerné mais « le gros de l’intervention
de la foncière ne sera pas concentré
sur la capitale » où les prix sont par-
ticulièrement élevés et où,
d’ailleurs, la vacance de bureaux est
au plus bas. Il s’agit de conserver des

A l’approche des élections munici-
pales, la question revient régulière-
ment d ans le débat dans les g randes
villes, où la pénurie de logement se
fait s entir. Transformer des
bureaux vacants en habitations
serait l’une des solutions au pro-
blème. E n réalité, ce type d e restruc-
turation se heurte à de nombreux
obstacles, notamment techniques,
liés à la typologie des bâtiments.
Fin 2016, l’agence d’architecture
Moatti-Rivière a ainsi livré au
bailleur social 3F un immeuble de
bureaux entièrement réhabilité
situé quai des Carrières à Charen-
ton-le-Pont (Val-de-Marne), après
des mois d’un chantier com-
plexe. L’immeuble à transformer


datait des années 1970 et offrait
9.500 mètres carrés de surface
plancher. « Une partie du bâtiment
surplombait l’autoroute A4 et
réduire les nuisances sonores a été
l’un des défis à relever. L’autre partie
donnait sur une cour trop petite
et offrait une trame de 15 ou 16
mètres, quand la largeur maximale
pour un immeuble de logements est
en principe de 12 mètres », expli-
que Carlos Alvarez, l’architecte
chargé du projet. Autrement dit, les
appartements risquaient d ’être t rop
sombres.
L’agence a pris le parti d’agrandir
la cour intérieure et de réduire, à cet
endroit, la largeur de l’édifice afin
d’apporter de la luminosité. Côté

autoroute, « nous avons créé une
seconde façade à l’intérieur du bâti-
ment et, entre les deux façades, nous
avons installé des loggias chaleureu-
ses habillées de bois », précise
l’architecte. Une façon de limiter
le bruit en modifiant totalement
la physionomie de l’immeuble.
L’opération a été primée en 2019
par la Maison de l’architecture
d’Ile-de-France.
A Paris, dans le 19e arro ndisse-
ment, l’agence Lobjoy-Bouvier-
Boisseau a, de son côté, piloté un
autre projet remarqué : la restruc-
turation, pour SNI, d’un immeuble
de bureaux de grande hauteur
(IGH) situé sur le b oulevard Macdo-
nald. « Ce bâtiment d’un peu plus de
4.000 mètres carrés, construit en
1969, avait tous les vices : il ne repré-
sentait pas un geste architectural
majeur, il était mal conçu à l’inté-
rieur, l’acoustique y était déplorable
et il avait été affecté par une épidémie
de légionellose », raconte l’architecte
Ludovic Lobjoy. Il était par ailleurs
nécessaire de renforcer sa struc-

Les immeubles de bureaux
vacants sont souvent trop
larges pour être transfor-
més en logements. Il faut
fréquemment revoir les
façades et, à l’intérieur des
bâtiments, tout l’aménage-
ment est à reprendre.


crainte du gouvernement était
surtout liée au pouvoir d’achat
des Français et à l’approche des
élections municipales. Mais
désormais, la balle est dans le
camp des parlementaires. »
Les professionnels estiment
que la messe n’est pas dite. « Il
existe un projet d’amendement
pour réintroduire le plan plu-
riannuel de travaux dans le pay-
sage, certains sénateurs et dépu-
tés y sont favorables vu la
dégradation des immeubles »,
indique un professionnel de
l’immobilier.
La mesure que porteraient
ces parlementaires créerait
deux obligations pour les
copropriétés : faire réaliser
dans un délai de trois ans un
diagnostic technique global
(DTG) de l’immeuble détermi-
nant les travaux nécessaires à
horizon de dix ans. A partir de
la date de ce diagnostic, la
copropriété aurait un autre
délai de trois ans pour élaborer
un plan pluriannuel de travaux,
qui constituerait l’assiette d’une
cotisation annuelle au fonds
travaux.

Engorgement
du Parlement
Mais une telle mesure, si un
parlementaire l’introduit dans
le débat des deux Chambres
(que ce soit sous la forme d’un
dépôt d’amendement sur un
texte ou d’une proposition de
loi), aurait-elle une chance
d’être votée? Le contexte n’a
guère changé depuis l’an der-
nier, l’effet « gilets jaunes » reste
réel, la crainte politique aussi. Il
s’y ajoute maintenant l’effet
dépressif du Covid-19 sur l’éco-
nomie et, pour compliquer les
choses, le dossier de la réforme
des retraites a envoyé dans le
décor le calendrier de travail du
Sénat et de l’Assemblée.
Ainsi, l’ordonnance d u
30 octobre 2019 sur la réforme
des copropriétés doit entrer en
vigueur le 1er juin 2020 mais
pour cela, elle doit être ratifiée
par un projet de loi et ce dernier
n’est toujours pas à l’ordre du
jour. Qu’importe, les profes-
sionnels ne sont pas prêts à
renoncer au plan pluriannuel
de travaux.n

My riam Chauvot
[email protected]

Le projet d’imposer aux copro-
priétés d ’élaborer un « plan plu-
riannuel de travaux » pré-
voyant les travaux de la
copropriété sur dix ans pour-
rait refaire surface. Face à la
dégradation des copropriétés,
trop souvent enclines à ne pas
faire les gros travaux d’entre-
tien n écessaires, l ’an dernier, les
professionnels de l’immobilier
tels la Fnaim et l’Union des syn-
dicats de l’immobilier (Unis)
avaient poussé l’idée qu’un tel
plan devienne obligatoire pour
les copropriétés de plus de
quinze ans.
Afin d’aider à le financer, les
copropriétaires auraient versé
à un « fonds travaux » une coti-
sation annuelle obligatoire de
2,5 % du montant du plan.
L’idée étant aussi soutenue par
des associations de consomma-
teurs, le gouvernement avait
embrayé, avant de réaliser une
marche arrière de dernière
minute. A la surprise générale,
l’ordonnance du 30 octobre
2019 réformant les coproprié-
tés était finalement parue sans
cette mesure phare.

Article mal rédigé
Problème de constitutionna-
lité, comme l’aurait dit Mati-
gnon aux intéressés à l’épo-
que? « Non, l’article était mal
rédigé mais un tel plan plurian-
nuel de travaux n’est pas illégal
en tant que tel, assure un profes-
sionnel de l’immobilier. La

IMMOBILIER


Retoquée l’an
dernier, l’obligation
pour les copropriétés
de faire un plan
pluriannuel de
travaux sur dix ans
pourrait resurgir.

Les professionnels
du secteur n’y ont pas
renoncé et comptent
pour cela sur les
parlementaires.

Copropriété : le


plan obligatoire de


travaux sur dix ans


tente un retour


moyens pour réaliser des habita-
tions ailleurs.
L’ambition de ce programme est
aussi verte. « La restructuration
d’un immeuble a un coût souvent
plus élevé que la construction neuve.
[...] Mais elle est plus vertueuse pour
l’environnement », note encore
Alexandre Chirier. Elle évite en effet
la production de déchets : le bâti-
ment en génère 46 millions de ton-
nes chaque année en France, essen-
tiellement issues des démolitions.n

lUne cinquantaine de dossiers ont commencé à être examinés à la suite


de l’appel à manifestation d’intérêt lancé fin novembre par Action Logement.


lIls représentent 300.000 mètres carrés et 5.000 logements potentiels.


1,7 milliard pour transformer


des bureaux vides en logements


ture. A noter enfin que l’immeuble
était détenu en copropriété. « Il a
donc fallu l’accord de tous les copro-
priétaires pour obtenir le change-
ment d’usage », souligne-t-il.

Opérations coûteuses
« Seul point positif, le bâtiment avait
la bonne épaisseur – 11 mètres – pour
réaliser du logement », poursuit-il.
« La difficulté a surtout été de s’adap-
ter à la réglementation IGH, qui nous
obligeait à avoir des fenêtres très peti-
tes pour des questions de sécurité
incendie. » L’obstacle a été con-
tourné grâce à la création de bal-
cons. « D’une manière générale, dans
un immeuble de logements, il faut
aussi davantage d’escaliers, de cages
d’ascenseur ou de gaines que dans un
immeuble de bureaux », note encore
l’architecte.
Et l’aménagement intérieur dif-
fère totalement – de petites pièces
au lieu de grands plateaux, des cui-
sines, des salles d’eau... Autant de
contraintes qui rendent ces opéra-
tions coûteuses. —E. Di.

Le casse-tête de la reconversion


Un immeuble de bureaux transformé en logements sur le boulevard Macdonald dans le 19e arrondissement de Paris, livré en 2017.


« La
restructuration
d’un immeuble
a un coût souvent
plus élevé que
la construction
neuve. [...]
Mais elle est plus
vertueuse pour
l’environnement. »
ALEXANDRE CHIRIER
Action Logement

Baptiste Lobjoy-Lobjoy Delcroix

L’agence a pris
le parti de réduire
la largeur de l’édifice
afin d’apporter
de la luminosité.

à suivre


La production de logements sociaux
inférieure aux objectifs franciliens

LOGEMENT En 2019, 28.594 l ogements sociaux o nt été agréés en
région parisienne (hors programmes de l’Anru), selon l’Aorif,
l’union sociale pour l’habitat d’Ile-de-France. Un niveau à peu
près s table par rapport à 2018, qui avait connu 2 8.830 agréments,
mais très en-deçà des objectifs. L’Aorif rappelle que le schéma
régional de l’habitat et de l’hébergement a fixé un objectif annuel
de 37.000 agréments pour être en mesure de répondre aux
besoins des Franciliens. Plus de 720.000 ménages sont
aujourd’hui en attente d’un logement social en Ile-de-France.
72.000 attributions ont été comptabilisées en 2019. « L’offre n’est
pas à la hauteur des besoins », déplore l’Aorif, à l’heure où le loge-
ment privé est de moins en moins abordable pour toute une
frange de la population.

Le chinois Jingye finalise son rachat de
British Steel, sans l’aciérie d’Hayange

SIDÉRURGIE Le chinois Jingye a annoncé que l’acquisition de la
partie britannique de British Steel sera finalisée le 9 mars, sans
inclure toutefois ni le terminal portuaire Redcar Bulk Terminal,
ni l’usine française d’Hayange. Il préservera ainsi 3.200 emplois à
Scunthorpe, où se situent les haut-fourneaux du groupe, et pro-
met d’investir 1,2 milliard pour moderniser le site. Il attend par
ailleurs l ’accord d u gouvernement français sur l’usine d ’Hayange.
Plusieurs offres alternatives auraient été déposée pour l’usine de
Moselle, et une audience est prévue le 13 mars. British Steel avait
été placé en redressement judiciaire au début de 2019.
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