Le Monde - 14.03.2020

(WallPaper) #1

C’EST PATRICK BALKANY,
qui a visiblement repris du poil de la
bête depuis sa sortie de prison et
malgré sa condamnation en appel
pour fraude fiscale, qui a achevé de
nous convaincre qu’on tenait
quelque chose de très spécial : « Ah!
Joëlle Ceccaldi-Raynaud! L’une des
meilleures maires de France! Elle
effectue un travail admirable à
Puteaux. Parce qu’elle s’en occupe
dans le moindre détail. Je l’adore. »
Pour tout dire, avant de discuter
avec le maire de Levallois-Perret, on
pressentait que Puteaux, certes
moins bling-bling que sa voisine des
Hauts-de-Seine, offrait néanmoins
des atours pittoresques. Parce que
Le Canard enchaîné ou Guillaume
Meurice, l’humoriste-reporter de
France Inter, ne manquent jamais
une occasion de moquer une ville
qui, selon eux, déroule paisiblement
un clientélisme proverbial et s’ac-
commode de quelques entorses à la
morale républicaine. Guillaume
Meurice nous a même précisé  :
« Puteaux, c’est ma seconde ville pré-
férée après Levallois. C’est Dallas à
portée de métro! »
On a donc foncé à Puteaux en nous
faisant inviter à déjeuner chez Sylvie
Cancelloni qui présente trois caracté-
ristiques remarquables : elle connaît
la recette magique du canard aux
carottes, elle est l’une des habitantes
les mieux informées du coin et elle
possède une terrasse qui domine la
ville depuis le 34e étage. Cette jeune


Le 15 mars, la LR Joëlle Ceccaldi-Raynaud a toutes les chances


d’être, une fois de plus, élue maire de la commune des Hauts-de-Seine.


Depuis cinquante ans, son père puis elle règnent sans partage sur la ville,


muselant durement les opposants d’une main, dorlotant les électeurs de


l’autre. Un système clientéliste financé par le pactole fiscal de la Défense.


Et même si l’édile était un jour rattrapée par des affaires de fraude,


son adjoint de fils est tout disposé à prendre la relève.


L’INDÉTRÔNABLE REINE


MAIRE DE PUTEAUX.


Texte Laurent TELO — Photos Jonathan LLENSE

retraitée de l’enseignement s’était
présentée, en 2014, contre la maire
sortante sous l’étiquette UDI et avait
récolté au premier tour 13,8 % des
voix. Devant le canard (aux carottes),
Sylvie a fait : « Vous savez, il faut avoir
beaucoup d’humour pour habiter
Puteaux. » De l’humour? À cause du
nom des habitants, les Putéoliens,
qu’il vaut mieux prononcer d’une
seule traite? « Pas du tout, voyons. Il
faut de l’humour parce que Puteaux,
c’est le Chili. C’est tellement ahuris-
sant que vous allez me prendre pour
une folle, mais je viens de raccrocher
avec deux copines putéoliennes qui ne
veulent pas se présenter sur une liste
d’opposition. Elles ont peur que la
maire ne leur donne plus droit d’accès
au club du troisième âge. Si on est
sage, on est récompensé ; sinon, on n’a
plus le droit à rien. Sachant que la
maire a noyauté toutes les associa-
tions, qu’elle est au courant de tout
grâce à ses sicaires dont le but est de
moucharder les brebis galeuses. » On
lui a fait lever la main droite. « Si!
Je  vous jure! Vous allez voir,
à Puteaux, il y a une ambiance très
particulière. »
Pourtant, vue du 34e étage, Puteaux
n’a l’air ni humoristique ni sud-amé-
ricaine. Elle semble plutôt bien ran-
gée et coquette. Au nord, il y a un
grand rond-point avec une jolie cas-
cade et la copie d’une tour médié-
vale ; au centre, une petite place qui
ressemble à un village Disney ; et là,
sur la gauche, le minipays des
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