Libération - 13.03.2020

(Nancy Kaufman) #1
12 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Vendredi^13 Mars 2020
Monde

Le camion d’où sont partis les tirs de roquettes a été retrouvé à quelques kilomètres de la base de Taji, le 12 mars. Media Security Cell. AP

L’attaque qui a tué
deux Américains
et un Britannique
mercredi n’a pas été
revendiquée.
Washington n’a
pas formellement
accusé les milices
pro-iraniennes,
principales
suspectes.

A


u moment même où
le Congrès votait
mercredi soir à Wa-
shington une résolution exi-
geant que le Président de-
mande son autorisation
avant de s’engager dans un
conflit avec l’Iran, une nou-

Irak : nouveaux tirs de roquettes sur


fond de tensions entre Etats-Unis et Iran


Chaabi, selon l’Observatoire
syrien des droits de l’homme
(OSDH).
Etrangement, ce qui pourrait
être une étincelle pouvant
entraîner une escalade dan-
gereuse a été suivi de déné-
gations de part et d’autre.
Comme la vingtaine d’atta-
ques contre des cibles améri-
caines en Irak depuis octo-
bre, la frappe de mercredi n’a
pas été revendiquée. Les mi-
lices du Hachd al-Chaabi ont
nié leur responsabilité tandis
que la milice irakienne rivale
des brigades du Hezbollah a
salué l’opération, sans toute-
fois la revendiquer. «Nous
prions Dieu de bénir les au-
teurs de l’opération jihadiste
contre les forces d’occupation
américaine sur la base de Taji
que nous saluons», a déclaré
dans un communiqué de la
milice qui, dans le même

temps, «conseill[ait] aux res-
ponsables de l’opération de se
déclarer».
«Les auteurs doivent être te-
nus pour responsables», a
­réagi le chef de la diplomatie
américaine, Mike Pompeo.
Un porte-parole de la coali-
tion antijihadiste, dirigée par
Washington, a ­affirmé que ni
la coalition ni l’aviation amé-
ricaine n’avaient mené de
raid mercredi soir contre les
combattants pro-iraniens à
la frontière syro-irakienne.

Crainte. Fin 2019, en riposte
à la mort d’un sous-traitant
américain dans une attaque
contre une base dans le nord
de l’Irak, des bombarde-
ments aériens américains à la
frontière ­irako-syrienne
avaient fait 25 morts dans les
rangs des supplétifs irakiens
de l’Iran. Ceux-ci avaient en

retour attaqué l’ambassade
américaine à Bagdad, une ul-
time provocation qui a dé-
cidé les Etats-Unis a frappé
fort, en assassinant, le 3 jan-
vier 2020, le général Qassem
Soleimani, véritable archi-
tecte des réseaux d’influence
de l’Iran.
La crainte d’un conflit ouvert
entre Téhéran et Washington
ne s’est pas matérialisée dans
l’immédiat, mais l’élimina-
tion de Soleimani n’a pas non

velle attaque menaçait de
­relancer les hostilités entre
Washington et Téhéran. Une
frappe contre une base amé-
ricaine dans les environs de
Bagdad a fait trois morts,
dont un soldat et un sous-
traitant américains, ainsi
qu’un autre soldat britanni-
que, le bilan le plus lourd
pour la coalition occidentale
en Irak.

Dénégations. Une dou-
zaine d’autres militaires ont
été blessés par le tir de ces
18 roquettes Katioucha par-
ties d’un camion retrouvé à
quelques kilomètres de la
base de Taji. Quelques heures
après, des raids aériens
­contre la ville syrienne de
Boukamal, frontalière de
l’Irak, ont tué au moins
26 combattants des milices
pro-iraniennes du Hachd al-

Par
Pierre Alonso
et Hala Kodmani

L’élimination
de Soleimani

n’a pas permis


aux Etats-Unis


de rétablir


leur capacité
de dissuasion.

plus permis aux Etats-Unis
de rétablir leur capacité de
dissuasion comme l’espérait
l’administration Trump.

«Irresponsable». Jeudi,
les responsables politiques et
sécuritaires iraniens ne se
précipitaient pas pour se ré-
pandre en déclarations ou se
féliciter de l’attaque. D’autant
que l’Iran connaît une très
grave crise sanitaire à cause
de l’épidémie de coronavirus,
qui a tué 429 personnes sur
plus de 10 000 contamina-
tions, d’après les chiffres offi-
ciels. Même les Gardiens de la
révolution, puissante armée
qui ne répond qu’au Guide su-
prême, sont mobilisés, saisis-
sant l’occasion pour redorer
leur blason. Leur image a sé-
vèrement et durablement pâti
du mensonge sur la cause du
crash du Boeing d’Ukraine In-
ternational Air­lines, abattu
accidentellement par les Gar-
diens dans les heures qui ont
suivi la riposte iranienne du
8 janvier.
Les Etats-Unis sont eux-mê-
mes confrontés au Covid-19.
«L’administration Trump
semble être mal préparée à
gérer cette crise et la décision
de lancer une escalade des
hostilités avec l’Iran, sans
bretelle de sortie diploma­-
tique, paraîtrait encore plus
irresponsable», juge Barbara
Slavin, spécialiste de la rela-
tion ­irano-américaine à l’At-
lantic Council. Jeudi, le pré-
sident américain a dit qu’il
n’était pas encore certain que
l’Iran soit responsable de
l’attaque.
L’Irak s’enfonce dans une
­impasse politique depuis le
mois d’octobre. Le soulève-
ment populaire qui ne faiblit
pas contre les dirigeants du
pays vise aussi l’influence ira-
nienne, accusée de bloquer
tout processus politique qui
lui échapperait. Démission-
naire depuis début décembre,
le Premier ministre, Adel Ab-
del-Mahdi, a dénoncé l’atta-
que contre la coalition, qu’il a
qualifiée de «défi sécuritaire
très dangereux». Il s’est en-
gagé à rechercher les auteurs
de l’attaque, comme après
chaque tir de roquette, sans
que les enquêtes n’aboutis-
sent jamais. L’attaque pour-
rait-elle constituer une opé-
ration de diversion de la part
de groupes pro-iraniens pour
reprendre la main sur Bag-
dad? Certains opposants ira-
kiens le pensent.•

Espace : Exomars repoussé
Le patron de l’agence spatiale russe Ros-
comos a annoncé jeudi matin le report de
la mission Exomars à 2022. Le décollage de la mission russo-
européenne était prévu pour cet été, à peu près en même
temps que la mission américaine Mars 2020. Mais elle a pris
du retard, notamment à cause des parachutes qui doivent
adoucir l’atterrissage du rover Rosalind Franklin (photo),
dont les premiers tests ont échoué. Photo BEN STANSALL. AFP

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