Libération - 13.03.2020

(Nancy Kaufman) #1

14 u Libération Vendredi^13 Mars 2020


Par
Stéphanie Harounyan
Correspondante à Marseille

Sources : Insee, ministère de l’Intérieur

Habitants

Principaux candidats pour
les municipales 2020

Maire sortant
LUD Jean-Claude Gaudin

EE-LV Sébastien Barles LREM Yvon Berland

RN Stéphane Ravier DVD Bruno Gilles

LUG Michèle Rubirola DVG Samia Ghali

LR Martine Vassal

862 211


Score d’Emmanuel Macron au 1er tour en 2017

Moyenne nationale 24,01%

20,44%


10 km

VAUCLUSE ALPES
DEHAUTE
GARD PROVENCE
VAR

Mer Méditerranée

BOUCHES
DURHÔNE

Marseille

D


es bagarres d’afficheurs, des tracts
anonymes d’un autre âge, des tweets
et textos insultants, le tout arrosé
d’une bonne dose de plaintes en justice... Il
ne manquait plus qu’un virus mondial pour
compléter le tableau chaotique de cette muni-
cipale marseillaise. Après des mois de campa-
gne complexe, faite de coups bas et de divi-
sions fratricides, si quelques tendances se
dégagent, rien ne permet de dire qui, lors du
conseil municipal suivant les élections, pren-
dra la place de Jean-Claude Gaudin (LR) dans
le fauteuil de maire.
Dans la confusion générale, un sondage, si
imparfait et aléatoire soit-il – en 2014, celui
­réalisé juste avant le premier tour avait été lar-
gement démenti par les urnes –, c’est toujours
ça de pris. Mardi, le quotidien régional la Pro-
vence publiait le sien, réalisé par Ifop sur un
échantillon de 704 personnes à l’échelle de la
ville, où comme à Paris ou à Lyon, on votera
par secteurs. C’est la liste menée par Martine
Vassal (LR), issue de la majorité du maire sor-
tant, Jean-Claude Gaudin, qui y arrive en tête
avec 24 % des intentions de vote, suivie de
près par celle de Stéphane ­Ravier pour le Ras-
semblement national, qui confirme l’emprise
chronique du parti sur la ville. La gauche unie
sous les couleurs du Printemps marseillais ar-
rive, elle, troisième avec 18 %, loin devant les
listes des écologistes menés par Sébastien
Barles (10 %) et du dissident LR Bruno Gilles
(10 %), Samia Ghali (ex-PS) pointant elle à 9 %.
Bon dernier, Yvon Berland, candidat soutenu
par LREM, plafonne à 7 %. Soit, à quelques
progressions et dévissages près, le classement
déjà établi par le précédent sondage réalisé
le 17 janvier. Peu après sa parution, Jean-
Claude Gaudin jouait les oracles : «Vous ver-
rez, une personnalité va émerger dans les
quinze derniers jours de campagne et c’est elle
qui emportera la ville.» Pour une fois, celui
qui aura façonné durant vingt-cinq ans l’his-
toire politique de sa ville se serait-il trompé?

«Hiver stalinien»
La faute à une série d’inconnues qui, dès le
départ, ont perturbé l’équation. Après quatre
mandats, le départ annoncé de Gaudin ou-
vrait le champ des possibles. Pas d’héritiers
désignés, une gauche abîmée par les déboires
judiciaires de Jean-Noël Guérini, l’arrivée de
LREM qui rebattait les cartes d’une élection
d’ordinaire cristallisée autour d’un classique
gauche-droite... Et surtout un drame, celui de
la rue d’Aubagne le 5 novembre 2018, où
huit personnes sont mortes dans l’effondre-
ment de leur immeuble, jetant sous le feu des
critiques la gestion de la ville par l’équipe
Gaudin. La sortie, en novembre, d’un rapport
accablant de la chambre régionale des comp-
tes n’a rien arrangé.
Dans ce contexte, pas étonnant que Martine
Vassal, la candidate investie par LR, n’aime
pas trop qu’on lui rappelle son passif de petit
soldat du gaudinisme. «Je ne suis pas l’héri-
tière de Jean-Claude Gaudin», n’a eu de cesse
de répéter la présidente du département et de
la métropole, qui siège aussi dans la majorité
municipale depuis 2001. «Nouvelle généra-
tion, nouvelles méthodes», plaide encore celle
qui compte pourtant, parmi ses têtes de liste
de secteurs, tous les maires LR sortants de la
dernière mandature... La favorite des sonda-
ges le martèle depuis des semaines : c’est elle
le «meilleur rempart» contre «les extrêmes».
Comprendre bien sûr Stéphane Ravier, le can-
didat du RN, qui la talonne dans les sondages,
peut-être sous-estimé. Mais comprendre
aussi l’«ultra-gauche», comme elle désigne
le Printemps marseillais, coalition menée par
l’écologiste Michèle Rubirola où l’on retrouve

aussi des socialistes, des communistes et des
insoumis. «Ce n’est pas le Printemps mar-
seillais, c’est l’hiver stalinien», ironisait-elle
encore récemment, relayée sur les réseaux par
ses lieutenants.
Les concurrents de gauche ne sont pas les
seules cibles du camp Vassal. La candidate LR
doit en effet faire face à une dissidence dans
son propre camp : celle du sénateur Bruno Gil-
les, aspirant déçu à l’investiture des Républi-
cains, qui a décidé «d’aller au bout». La ba-
taille entre les deux «bébés Gaudin» a
d’ailleurs amplement occupé la campagne, les
deux camps s’invectivant par réseaux sociaux
interposés, voire directement sur le terrain,
comme lorsque des colleurs d’affiches en sont
venus aux mains fin février. Fâchés, mais
­jusqu’où? Car les voix du sénateur Gilles
­pourraient peser lourd dans la balance de l’en-
tre-deux-tours, notamment dans son fief
des IVe et Ve arrondissements, l’un des «swing
secteurs» marseillais. Jeudi, la Provence pu-
bliait justement les tendances dans ces quar-
tiers du centre-ville, où la gauche est aussi en
position de force : Bruno Gilles y arrive en tête
avec 27 % des intentions de vote, le candidat
de Martine Vassal sur le secteur ne pointant,
lui, qu’en quatrième position... «Au second
tour, ce sera tout sauf Vassal, pas question de
revenir en arrière», répète depuis des semai-
nes le staff de campagne du sénateur, qui
n’exclurait pas une alliance «des trois B» de
l’élection, à savoir lui, l’écologiste Sébastien
Barles et le marcheur Yvon Berland. Ce der-
nier aurait bien besoin d’un peu de renfort.

MARSEILLE


Panier


de crabes


dans le


Vieux-Port


Divisions dans tous les camps,


ambiance délétère, coronavirus...


La campagne pour la mairie, dirigée


par Jean-Claude Gaudin pendant vingt-


cinq ans, a été très agitée. Avec la


perspective d’un troisième tour incertain.


Municipales

Free download pdf