Libération - 13.03.2020

(Nancy Kaufman) #1

Libération Vendredi 13 Mars 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 15


Marseillais n’en peuvent plus de cette équipe
sortante, s’enthousiasmait mardi le porte-pa-
role du Printemps, Benoît Payan, tête de liste
dans le 2e secteur. On appelle donc les élec-
teurs à voter responsable dès le premier tour.»
Car à gauche aussi, la division pourrait avoir
des conséquences lourdes : si le Printemps
mise sur des fusions avant le second tour
avec les écologistes, le rapprochement avec
les troupes de Samia Ghali (ex-PS) reste plus
incertain. «Je ne m’interdis rien», a d’ailleurs
éludé mardi sur Sud Radio la sénatrice, que
l’on a vue durant la campagne discuter avec
les marcheurs comme avec Sébastien Barles.
Sa voix devrait notamment compter dans
les XVe et XVIe arrondissements, dans le nord
de la ville, où elle fut maire du secteur.

«Tous les voyants sont au rouge»
Les perturbations liées au coronavirus ajou-
tent encore au suspense. A Marseille, l’an-
nonce de la possibilité d’élargir le champ des
procurations a provoqué une levée de bou­-
cliers, notamment à gauche, où l’on craint
des fraudes. «On va demander aux autorités
de faire la transparence sur toutes les procu-
rations, par qui elles sont faites et où», pré-
vient Benoît Payan, pour qui «tous les voyants
sont au rouge» en matière de bourrage des
­urnes. Martine Vassal a elle aussi écrit au
­préfet pour lui demander de veiller au bon
déroulement du scrutin afin d’être «à l’abri
des tricheries ou du retour de vieilles métho-
des, qui n’honoreraient pas notre démo­-
cratie». Ça promet...•

Tardivement investi par le mouvement prési-
dentiel, l’ancien président de l’université Aix-
Marseille, novice en politique, n’a pas vrai-
ment réussi à s’imposer dans la campagne,
perturbée de surcroît par l’actualité nationale :
les gilets jaunes se sont régulièrement invités
dans les permanences du candidat.
Du côté gauche de l’échiquier, en revanche,
la dynamique semble enfin prendre pour le
Printemps marseillais : après des débuts
poussifs, marqués notamment par l’échec
d’une alliance avec EE-LV, parti monter sa
propre liste, la coalition des gauches (PS, PCF
et une partie des insoumis et des Verts) est
créditée de 18 % des intentions de vote. «S’il
y a un enseignement à retenir de ce sondage,
c’est que cette ville veut le changement, que les


E


lle n’aura fait qu’un
gros meeting – hors
Paris – durant toute la
campagne. Le 6 mars, Marine
Le Pen avait fait le déplace-
ment à Marseille pour soute-
nir son candidat, Stéphane
Ravier, tête de liste du RN à la
mairie de Marseille, qu’elle
voit aux avant-postes d’une
conquête pour 2022 : «La
France regarde Marseille où il
est en train de se passer quel-
que chose de prodigieux»,
avait-elle lancé à la tribune
du Palais des congrès. Le co-
ronavirus n’avait pas encore
affecté la tenue des réunions
politiques, mais il n’y avait
tout de même pas foule, ce
soir-là, pour applaudir la
­présidente du mouvement.
Photo trompeuse : au premier
tour, le RN pourrait arriver
en tête à l’échelle de la ville.

Bulldozer. Stéphane Ravier,
lui, y croit : «On est à l’aube du
plus grand coup de tonnerre
politique, aux portes de l’hôtel
de ville», prédisait-il l’autre
soir devant un parterre réduit
mais survolté. Un sondage
paru mardi dans la Provence
le place deuxième, avec 22 %
des intentions de vote à
l’échelle de la ville, derrière la
candidate LR, Martine Vas-
sal. Certes, au second tour, le
frontiste plafonne dans ce
sondage à 23 %, victime de
l’absence chronique de ré-
serve de voix du RN pour
conclure. «En 2014, l’institut
de sondage BVA m’accordait
16 % à quelques jours du pre-
mier tour, et j’ai fini à 23 %.
Je suis convaincu d’arriver
en tête au premier tour», as-
surait-il le jour même sur
France Bleu.
En tout cas, le frontiste aura
tout fait pour, avec une cam-
pagne-bulldozer officielle-
ment lancée en septembre
mais qui en réalité ne s’est
­jamais vraiment arrêtée de-
puis 2014. Cette année-là, il

La candidate LR à
Marseille, Martine
Vassal, début mars.
Photo Patrick
Gherdoussi

Après quatre mandats,
le départ annoncé

de Jean-Claude Gaudin


ouvrait le champ


des possibles.


Pas d’héritiers désignés,
une gauche abîmée

par les déboires


judiciaires de


Jean-Noël Guérini...


remportait au second tour, en
triangulaire, le 7e secteur de
Marseille, la plus grosse prise
du FN lors de ce scrutin des
municipales. Six ans plus
tard, le bilan de son équipe
en bandoulière, c’est en res-
tant droit sur sa ligne FN ca-
nal historique – ne manquant
pas une occasion de louer
Le Pen père – qu’il entend dé-
sormais conquérir le reste de
la ville. Fini les querelles de
clan qui lui ont coûté l’unité
de son groupe au conseil mu-
nicipal, il a volontiers laissé à
ses adversaires de droite
comme de gauche les affres
de la division. Des concur-
rents qu’il accuse d’être tous
responsables de l’état de la
ville, scandant chaque nom
lors de son meeting et invi-
tant la salle à les désigner
comme «coupables».

Tendu. Pour le reste, rien de
nouveau sous le soleil du
FN-RN, Stéphane Ravier fai-
sant campagne contre la «ra-
caille gauchiste» ou «en capu-
che» des quartiers, l’accueil
des migrants, des logements
sociaux toujours trop nom-
breux à ses yeux et la lutte
contre les snacks de la Cane-
bière, rebaptisée «kebab ave-
nue». Un discours qu’il dé-
cline en tweets, en vidéos et
en clips de campagne, où il
célèbre l’ambiance pastis-pé-
tanque-Pagnol du Marseille
qui «coule dans ses veines». Si
jusqu’à présent le système de
vote par secteurs bloque l’en-
trée de l’hôtel de ville au RN,
pourtant régulièrement en
tête à Marseille dans les dif-
férents scrutins, le score de
Stéphane Ravier pourrait,
cette fois-ci, dans cette élec-
tion incertaine, lui permettre
de mettre un pied dans la
porte. A moins que le corona-
virus ne perturbe ses plans,
éloignant des urnes ses nom-
breux électeurs tendance se-
niors. C’est peut-être pour
cela que le candidat est ap-
paru plus tendu ces derniers
jours, allant jusqu’à menacer
un gérant de club de pétan-
que de son secteur qui avait
eu le malheur de partager ses
boules avec l’équipe de la
candidate Les Républicains.
Un virus, seul rempart contre
le Front?
S.H. (à Marseille)

Le RN


enfonce le


clou Stéphane


Ravier


Le maire du
7 e secteur a misé
sur les classiques
du parti d’extrême
droite, lequel
espère faire de son
score un symbole
national.

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