Libération - 13.03.2020

(Nancy Kaufman) #1

Libération Vendredi 13 Mars 2020 u 17


Valérie Pécresse
Présidente de la région
Ile-de-France (ex-LR)

AFP

A Roubaix, les déchets font
toujours parler d’eux. Dé-
pôts sauvages, tri à la va-
vite, poubelles débordantes,
papiers traînant par terre
appartiennent au quoti-
dien. «Je ne vais pas jeter
la pierre au
maire, il est
dépassé», sou-
pire un commerçant de la
rue de Lannoy. Jean-
Claude, retraité du textile,
partage cet avis : «Je ne dis
pas que la mairie ne ra-
masse pas, mais c’est que le
lendemain, il y a ­autant de
cartons.» C’était pourtant
une des promesses phares
de Guillaume ­Delbar, le
maire (ex-LR) il y a six ans,
quand il a gagné Roubaix à
la faveur d’une division de
la gauche. Il se représente
ce coup-ci face à une gau-
che encore plus éclatée :
11 listes sont en lice pour les
municipales, dans une ville
où l’abstention était à 61,6 %
au premier tour de 2014.
Guillaume Delbar évacue le
débat sur son idée d’embau-
cher des détectives privés
censés pister et verbaliser
les responsables des débor-
dements de poubelles. L’ini-
tiative s’est révélée plus mé-

diatique qu’efficace et a vite
été oubliée. Les vraies me-
sures sont plus invisibles :
renouvellement de la flotte
des balayeuses automati-
ques, ajout de 100 poubelles
par an dans les rues pour un
total de 1 000
aujourd’hui,
et nettoyage
renforcé. «Le fond de la ville
est plus propre, mais il reste
le problème des dépôts
­sauvages», note Guillaume
­Delbar. Le maire a encore en
mémoire l’appartement dé-
ménagé entre midi et deux,
avec tout resté en plan sur
le trottoir : «20 m^3 en une
heure trente, quand on
voit apparaître un volume
comme cela, c’est difficile.»
Pendant son mandat, la mai-
rie a développé un réseau de
caméras, géré depuis un
centre de supervision ur-
baine municipal. «Depuis
l’autorisation de la vidéover-
balisation en janvier, nous
pouvons prendre la plaque
d’immatriculation, et le con-
trevenant aura de nos nou-
velles, précise-t-il. J’assume
le côté répression, qui avait
été oublié par la précédente
municipalité.» Christiane
Fonfroide, tête de liste d’une

union PS-PCF-Génération·s,
ironise sur les caméras «qui
marchent une fois sur deux»,
et déplore cette approche sé-
curitaire. «On voudrait que
les Roubaisiens se réappro-
prient cette question de la
propreté dans leur quartier»,
précise-t-elle.
Une vision similaire à celle
des écolos, qui veulent redy-
namiser la démocratie parti-
cipative, en perte de vitesse,
selon eux. Christian Carlier,
tête de liste EE-LV, trouve
«sympathique» la politique
zéro déchet, menée par la
mairie : 400 familles se sont
investies pour diminuer
drastiquement leurs pou­-
belles et des actions sont
aussi menées dans les ­écoles,
pour justement changer les
habitudes. Mais, dit-il, «cela
reste des démarches indivi-
duelles, et nous doutons for-
tement que le volume des
­déchets ait baissé». Le su-
jet n’est pas anecdotique,
­souligne le candidat : «Cela
fait partie du sentiment de
­stigmatisation des Roubai-
siens, le fait qu’on tolère ici
des choses qu’on ne tolère pas
ailleurs.»
Stéphanie Maurice
Correspondante à Lille

A Roubaix, les poubelles


de la discorde


Reportage


La maison des Macron, attraction
du Touquet-Paris-Plage Elle n’a rien
d’extraordinaire, une maison aux airs an-
glo-normands avec, au rez-de-chaussée, une agence immobi-
lière. La plupart du temps, les touristes de passage se conten-
tent d’un selfie devant la villa. Sauf les jours où une visite du
couple présidentiel est annoncée. Là, c’est la foule. Ce sera
le cas au premier tour car le couple vote au Touquet. La suite
de notre série «Une semaine à...» Photo Aimée Thirion

LIBÉ.FR

La présidente de la région Ile-de-France est venue jeudi soute-
nir à Paris le maire LR sortant du XVIIe, Geoffroy Boulard, qui
affrontera Agnès Buzyn dans cet arrondissement. Elle en a
profité pour tacler la maire sortante Anne Hidalgo sur la pro-
longation du tramway T3, l’accusant d’avoir fait «voter un pro-
tocole» dans lequel «il manque au moins 50 millions». «Je sou-
haite la victoire de Rachida Dati», a martelé Valérie Pécresse.
Ce déplacement est l’un des rares organisés par la patronne
de la région, qui a quitté LR après les européennes. Son mou-
vement, Libres !, soutient Dati et douze candidats LR dans la
capitale... mais aussi le maire sortant du XVe arrondissement,
Philippe Goujon, en délicatesse avec LR, et deux élues inves-
ties par LREM (dans le Ve et le IXe). Renvoyant la responsabi-
lité de la désunion à Dati – «c’est son choix» –, Pécresse s’est dite
disposée à un accord de second tour avec la tête de liste LR.


«Rachida Dati


n’a pas souhaité un


accord de premier


tour avec Libres !.


On se rassemblera


pour le deuxième.»


302


C’est le nombre
de villes de plus
de 9 000 habitants
dans lesquelles le
Rassemblement na-
tional a des can­-
didats (contre 422
en 2014), selon une
étude réalisée pour la
Fondation Jean-Jau-
rès et publiée jeudi. Le
parti d’extrême droite
n’est pas présent dans
plus des deux tiers des
principales commu-
nes. Cela vient «nuan-
cer la thèse d’une ir­-
résistible ascension»
du RN, selon Jérôme
Fourquet, de l’Ifop. Le
changement de nom
du FN qui devait «per-
mettre un désenclave-
ment idéologique et la
passation d’accords»
ne lui a pas permis de
s’étendre.

Le Mans Le Foll, favori inquiet


«Pour garder votre maire, c’est le numéro 1» : les affiches
de Stéphane Le Foll annoncent la couleur, jouant sur
l’ordre du tirage au sort des panneaux électoraux. Car
le maire sortant du Mans, même s’il part favori, se re-
trouve face à neuf listes, dont cinq de gauche. Pire :
l’une d’elle (EE-LV) est tirée par sa première adjointe
et une autre par la députée PS Marietta Karamanli, en-
trée en dissidence. La liste de la majorité présidentielle
ne semble pas en mesure de rivaliser alors que l’ancien
maire, Jean-Claude Boulard, mort en 2018, se targuait
d’être un macroniste de la première heure. Photo AFP

Soutenue par la majorité présiden-
tielle, Caroline Saudemont, 71 ans,
brigue un deuxième mandat à Ar-
ques, une ville de 9 700 habitants si-
tuée près de Saint-Omer, dans le
Pas-de-Calais.


«Ma victoire en 2014 a été une
énorme surprise, un coup de
tonnerre parce que le maire
était aussi président de la
communauté d’agglomération
et président des maires
du Pas-de-Calais. On m’avait
donnée perdante et j’ai gagné.
Quand on fait une première
campagne, c’est un peu la
fleur au fusil. On se dit : “Si je
gagne, ce sera bien, sinon ce
n’est pas grave, je retourne à
autre chose.” La seconde cam-
pagne, c’est vrai qu’on se dit :


“J’aimerais bien pouvoir conti-
nuer ce que j’ai démarré.” Et,
en définitive, je me dis aussi
que je n’avais pas envie de
­rendre la ville à des gens dont
personne n’a voulu en 2014.
Et puis j’ai
beaucoup de
projets en
cours, bien ficelés, signés. Ce
n’est pas vraiment le bon mot,
mais j’aimerais bien “récolter”
les fruits d’un travail acharné.
L’entreprise Arc France, c’est
le poumon économique de
l’agglomération [le groupe ver-
rier traverse des difficultés éco-
nomiques depuis plusieurs an-
nées, ndlr]. Je me suis battue
parce que c’était important
pour tout le monde, pas seule-
ment pour les habitants. Tout

le monde connaît quelqu’un
qui a travaillé à Arc un jour ou
y travaille encore [le grand-
père de l’élue et son oncle ont
eux-mêmes dirigé l’usine]. J’ai
beaucoup participé à tout ce
qui se passait
entre le gou-
vernement,
le ministère, les employés, les
salariés, la direction, les ac-
tionnaires. J’ai fait office de
courroie de transmission.
«Je consacre tout mon temps
à mon mandat. Un maire se
doit d’être présent pour tout.
En dehors des réunions, tout le
monde peut frapper ma porte.
J’écoute les problèmes, même
les plus petits, car pour les
concernés, ça peut en fait être
énorme. On a un rôle d’écoute

essentiel. Maire, je n’y ai ja-
mais été pour les honneurs ou
l’argent. Cette fonction, c’est
l’humain, et bien entendu
l’économie et tout ce qui va
avec le social, l’environne-
ment, le logement, les entre-
prises... Etre maire, c’est savoir
travailler avec tout le monde,
se servir des bons services mis
en place par l’agglomération.
J’ai fait le job pendant six ans.
J’en sors la tête haute parce
que je l’ai fait avec sincérité.
Maintenant, une élection, je
ne dirais pas comme certains
que je suis sûre de gagner.
Mais j’y vais confiante, sinon
ça ne sert à rien.»
Recueilli par
Sheerazad
Chekaik-Chaila

Caroline Saudemont, maire d’Arques (Pas-de-Calais)


«La fonction de maire, c’est l’humain»


L’édile dit 5/

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