Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1

74 parismatch DU 19 aU 25 novembre 2020


disparu, remplacées par des enseignes de
luxe, comme on en trouve partout.
en vivant recluse, comme vous le faites
depuis des années, pensez-vous avoir une
vision juste du monde?
Je ne suis pas Bécassine, au fond de
mon trou! Je lis beaucoup de livres, de
journaux, je regarde la télévision, je parle
à mes amis, je reste à l’écoute et j’ob-
serve ce monde devenir un cirque. C’est
abominable, la manière dont on traite
notre planète. Elle étouffe, implose sous
le poids d’une démographie incontrôlable
dont découlent tous les malheurs qui
nous arrivent : réchauffement climatique,
inondations, feux... Et ce n’est pas fini. Je
crains que le coronavirus et d’autres épi-
démies qui déjà s’annoncent ne remettent
douloureusement les pendules à l’heure.
Quand les cinq milliards d’êtres humains
en trop sur cette terre auront disparu, la
nature reprendra ses droits.
voulez-vous dire que, d’une certaine façon,
ce virus est une bonne chose?
Oui, c’est une sorte d’autorégula-
tion de cette démographie que nous
sommes incapables de contrôler. L’être
humain n’ayant pas d’autre prédateur
que lui-même, seules les forces naturelles
peuvent le contraindre à la raison.
vous-même, comment vous protégez-
vous du covid?
Ce ne sont pas mon cheval, mon
cochon ou ma chèvre qui vont me le
refiler. Je n’ai pas besoin de faire attention
puisque je ne vois personne.
a une autre époque, vous incarniez le
mal, selon le vatican, et, dans les rues, on
vous traitait de putain. vous avez vécu
deux avortements clandestins et connu
le temps où les femmes ne pouvaient pas
posséder un chéquier sans autorisation de

au son de sa guitare. J’aurais adoré vivre
comme cela.
en 1980, alors qu’elle est la première
femme à entrer à l’académie française,
marguerite Yourcenar exprime le souhait
de vous rencontrer. pourquoi? Que
voulait-elle savoir de b.b.?
C’est une histoire extraordinaire.
Quand on m’a appelée pour me dire
qu’elle voulait me voir, j’ai dit : “Ah non!
Oh là là, pas question que je monte à
l’Académie, à Paris !” Et j’ai refusé. Et
puis, un jour de novembre, à Saint-Tropez,
où il pleuvait des cordes alors que je
rentrais crottée de l’enclos des chèvres,
j’ai aperçu une silhouette qui sonnait à
la porte. C’était Marguerite Yourcenar.
J’étais ruisselante, trempée, elle aussi, et
ce moment surréaliste s’est transformé
en une soirée unique. On a ouvert le
champagne, on s’est fait un magnifique
feu dans la cheminée, on s’est tapé des
cacahouètes en parlant de choses inté-
ressantes, des animaux beaucoup, de ses
livres aussi. Elle m’a déconseillé de lire
ses “Mémoires d’Hadrien”, affirmant que
j’allais m’emmerder, et elle m’en a envoyé
ensuite plein d’autres que j’ai adorés. Ce
soir-là, on avait du mal à se quitter, mais
elle était attendue pour un dîner officiel
avec Gaston Defferre. Nous sommes
restées par la suite extrêmement liées. J’ai
adoré cette femme. Nos échanges m’ont
bouleversée et apporté une richesse que
je garde en moi.
vous, la fille de bourgeois du Xvie arron-
dissement de paris, vous soutenez les gilets
jaunes... vous avez le cœur à l’extrême
gauche ou à l’extrême droite?
J’ai le cœur au milieu.
ne me dites pas que vous êtes centriste!
Non, je suis pour un gouvernement
autoritaire, capable de mettre de l’ordre
dans le fourbi que nous vivons. Mais je
sais aussi peser le pour et le contre des
propositions, des arguments déve loppés
par chaque parti politique. Quand je
pense que le gouvernement actuel laisse
en marge de pauvres citoyens qui, même
en travaillant dur, doivent vivre avec
moins que les aides concédées à tous

leur mari. est-ce pour cela que vous avez
du mal à prendre au sérieux le mouvement
#metoo?
Oui, j’ai connu une époque où le sort
des femmes était beaucoup moins rigolo.
Au point que j’ai un peu l’impression
qu’aujourd’hui on se plaint de tout et
de rien. Trouver qu’une femme est belle
va devenir un crime, si ça continue. Moi,
j’ai aimé être regardée, et quand on me
mettait la main aux fesses, ce qui arrivait
rarement, je trouvais ça plutôt amusant.
sagan louait votre donjuanisme. vous vous
voyiez ainsi, un don Juan au féminin?
Non... J’étais jolie, j’avais des aven-
tures, je plaisais aux hommes.
c’est eux qui vous choisissaient?
Ah non! Je n’étais pas une poupée
gonflable, c’est moi qui choisissais.
Un jour, vous avez dit qu’il aurait fallu plus
de 40 couvertures de paris match si tous
vos amants avaient dû y figurer à vos côtés.
Lequel a été le meilleur?
Je ne me souviens plus... Aux aven-
tures passagères, j’ai toujours préféré les
histoires d’amour. Il est d’ailleurs arrivé
que des hommes en aient marre de moi,
ce qui m’a causé de gros chagrins.
Y en a-t-il qui ont préféré bardot à
brigitte?
Ils étaient attirés par Bardot, mais
certains s’attachaient à Brigitte. Sinon,
ils ne seraient pas restés.
vous dites aimer la solitude mais, au final,
vous n’avez jamais vécu seule...
Je ne peux pas vivre seule. Je dois
vivre pour quelqu’un, pour échanger des
idées, des paroles, des câlins, et j’ai horreur
de dormir seule.
Là, les animaux ne suffisent pas...
Ils sont importants parce qu’ils brisent
la vraie solitude, mais ils ne remplacent
quand même pas une présence humaine.
regrettez-vous, quelquefois, de ne pas
avoir épousé un type de neuilly possédant
une usine, comme l’auraient souhaité vos
parents?
Non. Ce que je regrette, c’est de
ne pas avoir épousé un beau Gitan qui
m’aurait emmenée vivre dans sa roulotte
tirée par des chevaux et regardée danser

« J’ai aim être regard e.


trouver une femme belle


n’est pas un crime »


L’an dernier, sur la terrasse
de sa ferme la Garrigue, avec E.T.,
l’un de ses 12 chiens.
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