Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1
Après un coup de foudre
en 1999, sAndrA et lui ont
pAssé dix-sept Ans à se
fuir AvAnt de se retrouver

chez moi à la manœuvre, heureux. Et
m’est revenu en mémoire ce grand rêve
que mon père caressait et qu’il n’a jamais
accompli : un tour du monde en solitaire. »
Ce père, qui semble avoir tant d’impor-
tance, est-il fier de lui? « Ah! je pense que
oui, enfin... Vous allez me faire pleurer.
Mon père est un ours, un homme de
devoir, originaire de Bié lo russie et de
Lituanie, qui a toujours fait sans affect ce
qui doit l’être. Alors peut-être n’exprime-
t-il pas trop ses sentiments. » Les larmes
coulent, la gorge et le sourire s’étranglent.
« C’est aussi un homme extrêmement
bienveillant, dont l’amour m’a sauvé la
vie. Je ne serais pas là sans mon père, sans
son éducation. »
Après des études dans une école
internationale où il apprend le français
et l’anglais, en plus de l’allemand et de
l’hébreu qu’il parle déjà, bac en poche,
il écrit un one-man-show qu’il joue dans
des cafés-théâtres du sud de la France.
Puis il monte à Paris, écume des cours
qu’il juge « bidon » et finit par rencontrer
Jack Waltzer, prof, membre à vie de
l’Actors Studio, coach de Dustin Hoffman.
Pendant dix ans, il bosse l’art dramatique
avec lui. « Jack est devenu ma Bible. Il m’a
appris à voir, à respirer, à ne jamais faire
semblant. » Mais il galère tant au cinéma
qu’il va faire de la scène sa nouvelle
balançoire à propulsion. « Je voulais
qu’on me remarque, qu’on me confie
des rôles autres que voleur d’autoradios.
Je n’ai jamais rêvé d’être humoriste, j’ai
toujours voulu être acteur. » Pour son
« Tomer Sisley Stand-Up », il sera accusé
de plagiat ; il répond toujours la même
chose : « Si j’ai fait des emprunts? Oui,
je n’ai jamais prétendu le contraire. A
la fin de mes spectacles, je citais la liste
de mes auteurs, dont Woody Allen. Pour
démarrer, on pioche dans les œuvres qui
vous influencent, avant de se démarquer.
C’est clair qu’on ne pourrait plus le faire
aujourd’hui. »
La scène lui apprend l’humilité mais
aussi la précision, le sens du timing. Surtout,
elle le révèle. Jérôme Salle, le réalisateur
de « Largo Winch », le repère alors qu’il
assure la première partie de Jamel
Debbouze à l’Olympia. Charismatique,
casse-cou, polyglotte... Sisley décroche
le rôle au nez et à la barbe de plusieurs
centaines d’acteurs auditionnés dans le
monde entier. « Ce qui m’avait intéressé
surtout, explique le réalisateur, c’est qu’il
ne faisait partie ni du sérail ni d’aucun

club. Personne ne l’attendait
là, et c’était très proche du
personnage. » Il incarnera
Largo Winch à deux reprises,
la seconde en compagnie de
Sharon Stone, tant admirée
dans « Casino ».
Il a vécu des échecs, aussi.
Une carrière en dents de scie?
A l’image des montagnes
russes de sa vie d’homme
ultrasensible, reconnaît-il.
« Je peux vous dire, presque
film par film, quand j’allais
bien ou mal. » Pourquoi si peu
de grands rôles en France?
Jérôme Salle a une explica-
tion : « Il y a eu un grand malentendu
entre lui et le cinéma français. On lui a
reproché une forme d’arrogance, ce n’est
pas justifié. Tomer a un côté gamin qui
ne s’arrête jamais, mais il est simple et
adorable. Ce mélange de cultures qui le
constitue a pu brouiller les pistes. Il est en
train d’en faire une force. » Aujourd’hui,
toutes les planètes semblent en effet
s’aligner. Il y a une raison à cela. Et cette
raison s’appelle Sandra.
Ils se sont connus en 1999, se sont
séparés au bout d’un an. « Elle est déjà la
femme de ma vie mais je pars parce que
je sens que quelque chose ne va pas. Je
la quitte pour lui affirmer mes croyances
en un amour absolu. Les zigzags ne m’in-
téressent pas. J’ai 25  ans,
je morfle. Pendant un an,
je tombe en dépression
en attendant qu’elle me
rappelle. » S’ensuivent dix-
sept années d’un quiproquo
gigantesque. « Elle et moi
pensions, à tort, que l’autre s’en foutait
totalement. » Ils se sont retrouvés et
mariés en 2017, vivant enfin cet amour
absolu. Elle l’appelle « la beauté du
bordel », tant elle l’admire. Lui la qualifie
d’« âme sœur », évoque l’équilibre
retrouvé : « Nos cerveaux sont en fusion.
Nous pensons souvent la même chose
au même moment. » Entre-temps, ils
avaient eu des enfants chacun de leur
côté. Aujourd’hui, Dino, 12  ans, fils de
Sandra, cohabite parfaitement avec Liv
Shaya, 12 ans aussi, et Levin, 9 ans, fille et
fils de Tomer. La famille recomposée est
même baptisée « le Club des 5 ».
« Ce que nos enfants voient, c’est un
couple capable de s’engueuler et de se
réconcilier aussi vite. Notre règle : on ne

va jamais se coucher fâchés. » Après avoir
reproduit le schéma de ses parents, qui
avaient vécu quasiment la même longue
séparation, il s’épanouit désormais dans
l’apaisement. Il ne s’est jamais autant senti
dans la lumière. « Depuis que Sandra et
moi sommes de nouveau ensemble, je ne
dépense plus mon énergie à ruminer. Je
suis totalement disponible. Aujourd’hui,
je peux partir trois semaines l’esprit
tranquille par rapport aux enfants. Il y a
Sandra qui me représente avec le même
amour, les mêmes valeurs d’éducation. »
Hasard ou destin, Tomer Sisley vient
de tourner « Une mère parfaite », une
mini-série pour TF1. Il y joue un avocat
qui, devinez quoi... retrouve son amour
de jeunesse. Dans quelques
mois, il entrera pour la troi-
sième fois dans la peau de
Largo Winch. Ce qui lui
arrive l’étonne encore. Ce
sempiternel dévoreur de
Kinder nous confie : « Je
me hais quand je perds l’enfant en moi. »
Il veut porter à l’écran la vie de Victor
Young Perez, plus jeune champion du
monde de boxe, déporté à Auschwitz.
« A travers cette histoire, je souhaite
raconter des choses personnelles. A
quelles concessions est-on prêt pour
obtenir ce que l’on veut? » Une forme
d’introspection. « Longtemps, j’ai voulu
être un autre parce que je me sentais
rejeté. Je n’ai pas choisi d’être acteur pour
être aimé mais pour me trouver. Et puis je
me suis pris de passion pour ce métier. »
Il sourit, les bras ouverts au monde. Tout
va bien pour Tomer Sisley, et ça s’entend.
« Il me reste du temps pour accomplir de
belles choses. Je ne suis qu’au début de
ma nouvelle vie. » n @GhisLoustalot

Avec sa femme, Sandra, chez eux,
dans l’Eure. Une histoire d’amour à rebondissements
digne d’un scénario de cinéma!

Maquillage : Stéphane Robert. Coiffure : Yves Giorgi. Stylisme : Oud, Luj, Off-White, Lacoste, Cerruti.


SUIVEZ-NOUS SUR paRISmatch.cOm 87

Free download pdf