Cogitations. Sa nouvelle équipe, sa
stratégie, ses idées... Dans les coulisses
de la future campagne du président.
PAR MATHILDE SIRAUD ET MARC VIGNAUD
C
omment élaborer un pro-
gramme quand on a déjà passé
cinq ans au pouvoir? Quel nou-
veau récit proposer aux Français
après le « libérer, protéger, unir? »
Voici quelques-unes des questions
auxquelles Emmanuel Macron va
devoir répondre ces prochaines se-
maines. Fidèle à sa volonté de gar-
der toutes les cartes en main
jusqu’au dernier moment, le can-
didat en précampagne se refuse à
distribuer les rôles pour sa cam-
pagne de réélection. La règle est
d’autant plus vraie concernant les
membres de son gouvernement et
les parlementaires car le chef de
l’État s’est toujours méfié des po-
litiques. À quatre mois du premier
tour de l’élection présidentielle, la
structuration de sa campagne, qui
monte progressivement en puis-
sance, reste avant tout technique.
En accord avec le secrétaire gé-
néral de l’Élysée, Alexis Kohler,
qui scrute le moindre recrutement
et la création d’un nouveau comité
de soutien depuis son bureau, le
parti La République en marche a
mis en place une organisation à
deux niveaux. Pour faire émerger
de nouvelles idées, de manière as-
sez classique, différentes théma-
tiques ont été identifiées. « On
gagne une campagne si on réussit à
installer ses propres thèmes », rap-
pelle l’un des cerveaux de la vic-
toire de 2017. En tout, une vingtaine
de groupes de travail ont été consti-
tués pour plancher sur cet aspect
déterminant pour la campagne du
chef de l’État, à la recherche de
« nouveaux objets de transformation ».
Depuis octobre, un vrai travail
de laboratoire, auquel ont pris part
une majorité d’experts, de conseil-
lers ou d’anciens conseillers, des
hauts fonctionnaires ou des cadres
du privé du vivier macroniste, a
été initié. Ceux-là se réunissent
en visio ou au domicile de l’un
d’entre eux, en moyenne une fois
par semaine, et interagissent par
le biais de boucles Telegram dé-
diées. L’identité des animateurs
de ces groupes est secrètement
gardée par le parti, certains d’entre
eux ne souhaitant surtout pas ap-
paraître.
Le Point en a identifié plusieurs.
Sur la thématique de la santé et
de la protection sociale, par
exemple, c’est Marguerite Caze-
neuve qui est aux manettes. Cette
ex du cabinet de conseil McKin-
sey est passée par l’Élysée et par
Matignon avant de rejoindre, en
2021, l’Assurance maladie. C’est
elle qui doit notamment définir,
avec son équipe, les contours de
la future réforme des retraites que
proposera le président. Un thème
sur lequel elle travaille avec la nor-
malienne Salomé Berlioux.
Un autre petit groupe a pris en
main les questions liées au travail.
Quelle réforme proposer après
celle du Code du travail et celle de
l’apprentissage pour vaincre le
chômage structurel? « On réfléchit
sur le service public de l’emploi. Peut-on
fusionner Pôle emploi et les missions
locales? L’idée serait de faire en sorte
que les gens aient accès à une véri-
table offre de services. Aujourd’hui,
ce n’est pas du tout le cas », explique
un participant. Tout remonte à
Pierre-André Imbert, secrétaire gé-
néral adjoint à l’Élysée, ainsi qu’à
Marc Ferracci, cet économiste ami
intime d’Emmanuel Macron, qui
a longtemps travaillé au cabinet
de Muriel Pénicaud, en particulier
sur la réforme de l’assurance chô-
mage, avant de rejoindre l’équipe
de Jean Castex à Matignon.
Réinventer un programme n’est
pas une tâche aisée. Il faut trouver
des thèmes de réformes porteurs
dans l’opinion, ce qui est loin d’être
aussi évident qu’en 2016-2017, ad-
met un membre d’un groupe de
travail, ancienne cheville ouvrière
de l’exécutif. De nombreux impôts
ont déjà été remis dans la moyenne
européenne, comme l’impôt sur
les sociétés, et toute nouvelle baisse
devra être financée, vu l’état dé-
gradé des finances publiques...
« Renverser la table ». Entre
tous, c’est le thème de l’éducation
qui domine. « Pour les décennies qui
viennent, on doit remettre nos jeunes,
l’apprentissage, l’éducation, au cœur
du projet de la nation », a souligné
Emmanuel Macron le 15 décembre
sur TF1. Le nom de Grégory Pré-
mon, un ancien professeur, désor-
mais cadre au ministère de
l’Éducation nationale, circule. Il
travaille en tandem avec Julie Be-
netti, ancienne rectrice de Corse.
« Sur l’école, on doit renverser la
table », presse un stratège de la
macronie. Plusieurs ministres et
de nombreux experts font de la ba-
taille des compétences la priorité
de la France pour rester dans la
compétition mondiale. La réforme
du lycée professionnel, qui
En pointe. Marguerite
Cazeneuve planche
notamment sur la
réforme des retraites.
« On gagne une campagne si on réussit
à installer ses propres thèmes. »
Un des cerveaux de la victoire de 2017
Pilote. Grégoire Potton,
un historique de la
macronie, coordonne
le dispositif de la
campagne côté LREM.
Le Point 2578 | 6 janvier 2022 | 27
BLONDET ELIOT/ABACA – JULIE BOURGES/DR – YANN CASTANIER/HANS LUCAS
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