Le Point - FRA (2022-01-06)

(EriveltonMoraes) #1

Face au Covid long, dont les
ressorts physiopathologiques sont en-
core obscurs, les médecins, notamment
généralistes, sont souvent démunis. Il
a bien fallu se débrouiller. Pour éviter
l’errance médicale, le Dr Dervaux,
médecin rééducateur, a mis en place,
avec un confrère généraliste, un parcours
de soins spécifique, qu’il coordonne
depuis juin au centre hospitalier de Va-
lenciennes. « On nous adresse des patients
de Valenciennes, mais aussi de bien plus loin!
Nous nous efforçons de faire le point sur
l’histoire de chacun puis d’établir une prise
en charge personnalisée », explique-t-il.


Espoirs. Pour Stéphane, comme pour
tous les patients, le bilan durera deux
heures et demie. Analyse de sang, prise
de tension, électrocardiogramme... sui-
vis d’un test de marche de six minutes
sous l’œil d’une infirmière. Rien qui ne
le mette particulièrement en difficulté,
même si ses capacités de récupération
(évaluées par son taux d’oxygène dans
le sang et sa fréquence cardiaque) sont
en deçà de celles attendues d’un pom-
pier professionnel. Le test olfactif, en re-
vanche, tourne à l’épreuve. Parmi les dix
liquides parfumés (vanille, rose, café,
clou de girofle...) qui lui sont présentés,
neuf lui sont complètement impossibles
à identifier. Il a beau faire danser les
fioles sous ses narines, rien n’y fait.
« Parfois, je me demande si je ne suis pas fou »,
lâche-t-il. La dernière odeur lui « saute
au nez » subitement. Son visage s’éclaire,
alors même que celle-ci est la plus dé-
plaisante de la collection. « Je suis telle-
ment heureux d’avoir senti quelque chose,
même si c’est du vinaigre! » s’exclame
joyeusement le pompier. Malheureuse-
ment, pas de quoi se réjouir. « Quand ils
sentent ce genre de produit, les patients
pensent qu’ils sont en train de récupérer leur
odorat, alors que ce n’est pas le cas. Je dois
souvent doucher leurs espoirs, regrette le
Dr Pierre Mouret, praticien hospitalier
ORL au CH de Valenciennes. Dans le
Covid, ce sont les nerfs de l’olfaction qui sont
atteints. La détection d’odeurs comme celles
du vinaigre ou de la Javel persiste car elle
dépend de nerfs liés à la sensibilité de la mu-
queuse nasale qui ne sont habituellement
pas touchés. » La grande majorité des
personnes atteintes du Covid recouvre
l’odorat dans les quinze jours. Six mois
après l’épisode, la situation est revenue
à la normale dans 95 % des cas. Au-delà
de ce délai, les chances de récupération


sont minces et aucun traitement n’existe
pour l’anosmie. Seule option : l’entraî-
nement olfactif. Pour ce faire, les soi-
gnants ont recours à des huiles essen-
tielles. « En neurologie, la rééducation re-
pose en général sur l’entraînement. Même
si nous espérons rendre service aux gens, on
doit être honnête avec eux : nous n’avons
aucune preuve que cela fonctionne dans
l’anosmie », admet le Dr Mouret.
L’espoir de retrouver l’odorat, Na-
thalie s’y accroche de toutes ses forces.
Cette femme de 36 ans est une des pre-
mières à avoir bénéficié de la consulta-
tion du Dr Dervaux et de ses collègues.
Si elle s’estime « chanceuse d’avoir été
épargnée par les problèmes respiratoires »,
ce n’est pas exactement qu’elle ne sent
plus rien depuis son épisode de Covid
d’avril 2021, bien au contraire. Toutes

les odeurs du quotidien ont été rempla-
cées par d’autres, entêtantes et particu-
lièrement désagréables. Des « fausses
odeurs » en somme, phénomène cou-
ramment observé par les ORL dans le
cadre du Covid long. « Il m’arrive de sen-
tir des odeurs d’oignon. Et, depuis trois se-
maines, je sens une odeur de métal. L’enfer.
Maintenant, c’est quasiment tout le temps. »
À la suite de sa première consultation
au centre hospitalier de Valenciennes il
y a six mois, Nathalie a décidé de commen-
cer la rééducation par l’entraînement
olfactif. Jusqu’ici sans aucune amélio-
ration. « La fatigue physique a fait place à
la fatigue psychologique, lâche-t-elle d’une
voix blanche. J’ai l’impression de devenir
dingue, les repas sont devenus infernaux.
Aujour d’hui même, au déjeuner, j’ai pleuré. »
Stéphane non plus ne peut pas rete-

Troubles oculaires (brûlures,
larmoiements, démangeaisons,
douleurs...) : inflammation,
auto-immunité et dérégulation
du flux sanguin... L’œil n’est pas
épargné.

Troubles
cardio-thoraciques
(douleurs, tachycardie,
essoufflement, toux...) :
une partie des symptômes
s’expliquerait par
un dysfonctionnement
du centre de commande
de la respiration dans
le cerveau.

Troubles digestifs
(douleurs abdominales,
brûlures d’estomac, nausées,
vomissements, diarrhée,
constipation...) : dans 20 %
des cas de Covid long. Des traces
du virus ont été retrouvées
dans l’intestin grêle, le côlon,
l’œsophage ou le foie.

Troubles de l’odorat (anosmie,
parosmie...) : les raisons ne sont
encore pas parfaitement claires.
Le virus pourrait persister dans la
fente olfactive et dans le bulbe olfactif.

Fatigue sévère (corps entier) :
parfois fluctuante,
elle se traduit, notamment,
par des délais de récupération
anormalement longs
après un effort.

Brouillard cérébral
(problèmes attentionnels,
troubles de la mémoire...) :
le virus est capable d’infecter
les neurones et leurs cellules de
soutien. Il peut tuer les cellules
qui tapissent la paroi intérieure
des vaisseaux sanguins, entraî-
nant l’apparition de vaisseaux
« fantômes », incapables
d’irriguer le cerveau.

Troubles cutanés
(démangeaisons, urticaire,
eczéma, pseudo-engelures...) : la
peau n’échappe pas à l’infection
par le virus. Ce dernier y a été
largement détecté lors
d’autopsies de personnes
décédées du Covid-19.

CHEZ LES HOMMES
SUR 161 025 NOUVEAUX CAS

Sein 38 %


Thyroïde 3 %
Poumon 4 %

Poumon 14 %


Voies aéro-
digestives et
digestives* 15 %

Peau 4 %


Côlon-
rectum 12 %

Côlon-
rectum 15 %

Rein 3 %


Rein 3 %


Estomac 2 %


Sang et
lymphome
malin non
hodgkinien 6 %

Sang et
lymphome
malin non
hodgkinien 5 %

Utérus, col
de l’utérus
et ovaires 12 %

Autres
cancers 13 %

Prostate 26 %


Vessie 6 %


Foie 3 %


Autres
cancers 16 %

Tous les organes sont concernés


Le Covid long touche plus de 20 % des patients cinq semaines après une infection au SARS-CoV-2
initiale et plus de 10 % des patients après trois mois (source : HAS).

62 | 6 janvier 2022 | Le Point 2578


SCIENCES


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