Méditerranée Mer Vivante 20e édition

(jfmeinesz) #1

148 Méditerranée - Mer vivante


Gardons la mer vivante


Des limaces dans les caulerpes
Thierry Thibaut, maître de conférences CNRS - MIO - Institut Méditerranéen
d’Océanographie, Aix-Marseille Université et Alexandre Meinesz, professeur émérite,
Université Côte d’Azur (CNRS UMR 7035 « ECOSEAS »)
[email protected]
Les limaces qui vivent dans les
prairies de caulerpes sont des
mollusques gastéropodes (comme les escargots)
opisthobranches (ayant des branchies situées en
arrière du cœur) de l’ordre des sacoglosses (bouche
en forme de sac). Parmi les cinq cent dix-sept espèces
d’opisthobranches méditerranéens, quarante et une
sont des sacoglosses et seulement trois vivent parmi
les caulerpes : Lobiger serradifalci, Oxynoe olivacea,
et Ascobulla fragilis (cette dernière est très rarement
rencontrée car elle vit dans le sédiment parmi les
rhizoïdes, racines, de ces algues).
Avant l’arrivée de Caulerpa taxifolia, Oxynoe et
Lobiger ne vivaient que dans les prairies de Caulerpa
prolifera, la caulerpe commune de Méditerranée qui,
contrairement à son nom, ne prolifère pas et n’est
pas envahissante. Les deux limaces se rencontrent
parmi les frondes de Caulerpa taxifolia dont elles se
nourrissent.

Il existe une relation très étroite, liant Oxynoe et
Lobiger à leur nourriture. Cette relation est le fruit
d’une longue coévolution entre les caulerpes et ces
limaces et s’exprime par les caractéristiques suivantes :


  • elles sont herbivores mais pratiquent le vampirisme.
    En effet, grâce à leur dentition très particulière, elles
    ne croquent pas les algues mais les percent et aspirent
    le contenu cellulaire ; d’où le surnom de suceurs


de sève donné à ces sacoglosses. Par conséquent,
Oxynoe et Lobiger ne peuvent se nourrir uniquement
d’algues composées que d’une seule cellule comme
les caulerpes qui peuvent être comparées à un
tuyau où circule librement, du bout des frondes aux
rhizoïdes, le contenu cellulaire,


  • elles ont un besoin vital des toxines des caulerpes.
    En effet elles stockent ces toxines pour devenir
    empoisonnées et ainsi repoussantes pour d’éventuels
    prédateurs,

  • lorsque les caulerpes se font rares (ce qui est
    fréquent sous les tropiques) les limaces mangeuses
    de caulerpes gardent vivant dans leur chair les
    chloroplastes des algues. Ces organites - minuscules
    boîtes qui contiennent la chlorophylle - sont utilisés


© Thierry THIBAUT
Lobiger serradifalci Oxynoe olivacea


Le Pr. Nardo Vicente a publié ce guide
d’identification des limaces sous-marines
d’Atlantique et de Méditerranée (Editions Gap,
2008)
Limitons les!
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