210 Méditerranée - Mer vivante
Gardons la mer vivante
Les scientifiques méditerranéens spécialisés
dans l’environnement marin littoral ont toujours
encouragé et participé à la création d’espaces marins
protégés. Ils ont été sollicités pour leur création et
sont souvent requis pour de multiples expertises et
pour les suivis de leur biodiversité. Depuis le début
de leur création, ils sont ainsi en contact étroit avec
les gestionnaires, les agents de terrain, les usagers
du domaine marin et les collectivités territoriales
côtières.
Tous ces scientifiques sont inquiets de voir
comment les Etats – et notamment l’Etat français –
rendent compte de l’état des mesures de protection
des espaces et espèces marins. Tout devient de plus
en plus compliqué et ambigu. La définition française
de la notion d’Aire Marine Protégée (loi de 2006),
n’est pas très claire. Si elle aboutit à l’augmentation
de surfaces hétéroclites labélisées «protégées», elle
ne traduit pas la réalité des règlementations qui y
sont appliquées. Il semble que l’affichage politique
a privilégié la notion comptable de surfaces ainsi
arbitrairement qualifiées de « protégées » au
détriment de leur réelle protection. La recherche
de l’objectif de pourcentage de surfaces d’espaces
protégés, auquel les pays sont astreints sous la
pression de certaines ONG (10% de leur partie
marine), semble avoir poussé la France à faire du
chiffre au prix de ces acrobaties administratives.
La confusion règne en la matière et déroute les
utilisateurs du milieu marin, de même qu’un grand
nombre de collectivités territoriales qui souhaitent
participer à la protection et à la mise en valeur de
leur littoral.
Jugez-vous même!
En premier lieu, il n’y a aucune définition
internationale du terme d’Aire Marine Protégée
(AMP). Pour étayer cette affirmation il n’y a qu’à
constater le statut des zones Natura 2000 dans les
principaux pays Européens de la Méditerranée. En
Italie, en Espagne et en Grèce ces zones ne sont pas
répertoriées par ces Etats comme étant des Aires
Marines Protégées. En France ces espaces le sont!
A l’aube d’un grand ménage initié par la prochaine
directive Européenne de la planification de l’espace
maritime qui va insister sur la nécessité d’une
homogénéisation des politiques transfrontalières, il
serait nécessaire de définir la notion d’Aire Marine
Protégée!
Nous pouvons donner notre définition qui a
un sens : celui de privilégier la recherche d’un
effet réserve sans porter atteinte à la pêche
professionnelle traditionnelle. Il s’agit d’un
espace comprenant une zone (ou plusieurs) de
non prélèvement (zones appelées « réserves
intégrales » si la plongée et le mouillage y sont
aussi interdits) qui peut être entourée d’une ou de
plusieurs zones dites « tampon » où les interdictions
de pêche sont moins contraignantes (avec un
gradient décroissant de la règlementation à partir
des zones de non prélèvement). La chasse sous-
marine est toujours exclue de ces zones tampons.
D’autres activités humaines ( plongée, plaisance...)
peuvent aussi faire l’objet de règlementations dans
ces zones.
En second lieu, il convient d’examiner les espaces
sélectionnés dans la loi française comme étant
des « Aires Marines Protégées », espaces marins
qui n’ont pour la plupart rien à voir avec une
conception exigeante de la protection. Enfin, il faut
énumérer la dizaine de statuts juridiques attribués à
des espaces marins faisant partie ou non des zones
sélectionnées par la loi comme étant des Aires
Les statuts juridiques et la dénomination des espaces marins protégés
en France : incompréhensibles
Alexandre Meinesz, professeur émérite (1), Patrice Francour, professeur (1), Paolo Guidetti professeur
(1), Mireille Harmelin, directeur de recherches émérite au CNRS (2), Jean-Georges Harmelin chercheur
honoraire (3), Gilles Martin, professeur émérite (4) Nardo Vicente professeur émérite (5)
1 : Université Côte d’Azur (CNRS UMR 7035 « ECOSEAS »)
2 : Aix Marseille Université (MIO), Station marine d’Endoume
3 : Aix Marseille Université (MIO) et GIS Posidonie, Station marine d’Endoume
4 : Université Côte d’Azur GREDEG CNRS
5 : Aix Marseille Université (IMBE), délégué général et responsable scientifique de l’Institut Océanographique Paul Ricard