Aires marines protégées 255
Respectons les aires marines protégées
Le 15 février 1855, vers midi, la Sémillante se
fracassa sur les rochers de l’île Lavezzu, au large de
Bonifacio, entre Corse et Sardaigne. Sur ce chaos
de granit battu par des flots et des vents excessifs,
le navire se brisa en une infinité de fragments de
bois, de toile, de chair et de morts. Et ce sont
autant de lambeaux de ces sept cent soixante-
treize vies volées qui disparurent à tout jamais
dans le sillage funèbre de leur frégate désemparée.
Aucun de ces hommes d’équipage, aucun de ces
soldats qui se sont embarqués jeunes conquérants
pour la Crimée lointaine, n’échappa à son destin
tragique.
En 1854-1855, la France fut en guerre en Crimée.
Napoléon III, allié aux Anglais, aux Ottomans et
aux Piémontais, s’opposa aux ambitions du tsar
Nicolas II sur la Turquie. Après la victoire française
de l’Alma, la chute de Sébastopol et la prise du fort
de Malakoff — où Mac-Mahon lança son désormais
célèbre « J’y suis, j’y reste » —, la Russie accepta la
défaite et ratifia, en 1856, le traité de Paris.
15 février 1855 — Le naufrage de la Sémillante
Patrice Marchandeau
La Sémillante, trois mâts, construit en 1837,
l’une des dernières frégates en bois et à voile ;
navire de commerce réquisitionné par la
Marine pour le transport de troupes.
Lettre épitaphe gravée sur Bronze disposée
au-dessus de la tombe du commandant de la
sémillante Gabriel JUGAN dans le cimetière de
l’Achiarino (île de Lavezzu).
GABRIEL, MON CHER FILS, TA MèRE, TA FEMME, TES
SOEURS VOUDRAIENT DéPOSER SUR TA TOMBE LE
TéMOIGNAGE DE LEUR DOULEUR. JE NE TROUVE
PAS D’EXPRESSIONS QUI PUISSENT EN DONNER LA
MESURE.
DEPUIS TRENTE ANNéES QUE TU SILLONNAIS LES
MERS, J’éTAIS EN PROIE AUX PLUS VIVES INQUIéTUDES.
TES LETTRES, TES HEUREUX RETOURS éTAIENT LE
BONHEUR DE MA VIE. TU PORTAIS DIGNEMENT LE
NOM DE TON PèRE. J’ESPéRAIS POUR TOI UN BEL
AVENIR, TOUT A PéRI DANS CE FUNESTE NAUFRAGE.
CHER AMI DE NOUS TOUS, TES ENFANTS, MARIE
ET ROSE, TE PLEURENT ET PRIERONT POUR TOI
AVEC NOUS. QUE DIEU TE TIENNE COMPTE D’UNE
EXISTENCE OU TU AS SU REMPLIR TOUS TES DEVOIRS.
NOUS ESPéRONS QUE LE TRéSOR DE LA MISéRICORDE
TE SERA OUVERT ET QUE TU AURAS REMPLACé LES
MISèRES DE LA TERRE PAR CETTE FéLICITé DU CIEL
INCONNUE DE CE MONDE.
TU PRIERAS POUR NOUS. LE JOUR DE NOTRE RéUNION
VIENDRA ; C’EST NOTRE UNIQUE CONSOLATION.
VOUS QUI LISEz CES TRISTES LIGNES,
PRIEz POUR L’OBJET DE NOS REGRETS.
A lire :
Le naufrage de la Sémillante, relaté par Alphonse
Daudet dans « Les lettres de mon moulin ».
De décembre 1863 à janvier 1864, Alphonse
Daudet accomplit un voyage en Corse. Il en
retire quatre récits qui figurent dans « Les lettres
de mon moulin », dont
« L’agonie de la Sémillante »
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