Méditerranée Mer Vivante 20e édition

(jfmeinesz) #1

44 Méditerranée - Mer vivante


Gardons la mer vivante


organisme colonial dont le fonctionnement est
assuré par des polypes pourvus de huit tentacules
pennés qui entourent une bouche-cloaque. Les
polypes communiquent tous entre eux grâce à un
réseau de canaux déployés dans un tissu commun,
le coenenchyme ou cortex. Ce cortex forme une
gaine qui enrobe un squelette axial calcifié en
calcite très dense, magnifiquement teinté de rouge
par des caroténoïdes qui donnent à ce corail toute
sa valeur. Des sclérites disséminés dans le cortex,
qu’ils teintent aussi de rouge, constituent un
deuxième type de squelette. Le corail rouge se
nourrit de petites particules organiques inertes ou
vivantes ( pico- et nanoplancton, copépodes), qu’il
piège avec le filtre de ses tentacules. Il se reproduit
sexuellement et les sexes sont séparés. Toutefois,
il faut disséquer des polypes pour distinguer une
colonie mâle d’une colonie femelle. Celles-ci
sont fertiles à une très petite taille : à 3,5 cm de
hauteur, toutes le sont. Après une fécondation
interne dans les polypes, des larves ciliées sont
émises au cours de l’été et se fixent après une
courte vie libre, donnant naissance à un premier
polype. La croissance de la future colonie se fait
par bourgeonnement des polypes et fabrication du
squelette. On a longtemps cru que le squelette se
formait par agrégation et compaction des sclérites.
On sait maintenant que ce phénomène ne se
réalise qu’à l’extrémité des ramifications et que
celles-ci gagnent en diamètre grâce à un épithélium
périphérique capable de biominéralisation.
Fabriquer un tel squelette si dense avec de maigres
ressources énergétiques ne peut être un processus
bien dynamique. La croissance est très lente. On
en a la preuve depuis peu, lorsque l’observation de
la matrice organique sur des coupes décalcifiées
du squelette a révélé la présence de stries de
croissance, dont la périodicité annuelle a pu


être validée expérimentalement. Le diamètre du
tronc ne s’accroît que de 0,1 à 0,4 mm par an!
Il faut plusieurs décennies pour qu’une colonie
atteigne une belle taille commerciale, plusieurs
siècles pour une taille exceptionnelle, qui peut
atteindre 50 cm de haut et 3 kg. Voilà qui restreint
considérablement la capacité de récupération
des stocks exploités! En l’absence de contrôle
international, il est donc impératif que chaque pays
établisse des sanctuaires d’une taille raisonnable
et gère de manière durable la part exploitée de ce
patrimoine de la Méditerranée.

Livre remarquable sur les richesses biologiques
de la Méditerranée. Ecrit par Jean-Georges
Harmelin (l’auteur de cet article sur le corail
rouge) et richement illustré par Frédéric
Bassemayousse avec une préface de Yann Arthus-
Bertrand (Editeur Chasse-Marée, Glénat, 2008)
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