Méditerranée Mer Vivante 20e édition

(jfmeinesz) #1

Espèces protégées La Faune 89


Protégeons ces espèces menacées


Quatre morts pour la science et pour Mer Vivante
Triste histoire d’une expédition de scientifiques menée par le GIS-Posidonie, sous
l’égide du Parc national de Port-Cros et du ministère de l’environnement.

derniers phoques de Méditerranée. En Turquie
comme en Grèce des voix s’élèvent pour créer
des parcs marins pour ces derniers phoques et
indemniser les pêcheurs pour le manque à gagner.
Les premières initiatives ont porté leurs fruits des
deux côtés des îles convoitées, des parcs ont été
créés, les pêcheurs et plaisanciers sont sensibilisés.


C’est une triste histoire peu connue mais qu’il
convient de rappeler en hommage à ceux
qui sont décédés pour la sauvegarde de la vie
marine Méditerranéenne. C’est l’histoire d’une
expédition de scientifiques menée par le GIS
Posidonie (association qui regroupe plusieurs
laboratoires universitaires français de recherche sur
l’environnement marin littoral de la Méditerranée)
sous l’égide du Parc national de Port-Cros, du
Ministère de l’environnement français et de la
communauté économique européenne.
Ils sont partis un jour d’octobre 1988 pour étudier
les mœurs des phoques moines de la principale
colonie qui survit en Atlantique au Cap Blanc, aux
confins du Maroc et de la Mauritanie. Ils étaient
cinq. Le chef de mission Didier Marchessaux était
étudiant à Marseille et devait terminer sa thèse sur
les phoques moines, Patrice Francour était jeune
chercheur au GIS Posidonie, Gérard Vuignier était
objecteur de conscience affecté au GIS Posidonie
par le Ministère de l’environnement, Alain Argiolas
travaillait au Marineland d’Antibes et avait une
bonne expérience des phoques qu’il acclimatait
dans son parc aquatique. Le cinquième, Elye Ould
Elimine était leur guide en Mauritanie.
Ils sont partis vers le Cap Blanc en Land Rover. Ils ont
exploré les parages de la réserve de phoques de ce
cap, réserve qu’Alain Marchessaux avait contribué
à créer. Ils sont allés ensuite vers le Nord ou des
grottes abritaient aussi des colonies importantes
de phoques. Leur mission accomplie, ils ont voulu
rentrer en suivant des pistes improbables sur les
traces des combats entre l’armée marocaine et les
partisans de l’autonomie du Sahara Occidental.
C’est au retour de leur mission que leur Land

Le temps presse, certains craignent qu’il ne soit
déjà trop tard. Les derniers phoques font partie
d’une grande famille de proches parents : ainsi les
survivants vont-ils mourir à cause de leur pauvreté
génétique ; vont-ils disparaître à cause de leur
consanguinité?

Rover a sauté sur une mine oubliée, tuant quatre
d’entre eux : Didier, Gérard, Alain et Elye. Patrice
Francour fut grièvement blessé. Malgré ses
blessures physiques et son terrible désespoir de
voir tous ses camarades morts et affreusement
mutilés, il réussit à s’abriter sous une toile de
tente et à survivre jusqu’à l’arrivée des secours, 48
heures plus tard.
Ce triste souvenir a marqué tous les scientifiques
qui œuvrent chaque jour sur le terrain pour
protéger la faune et la flore de la Méditerranée.
Un bateau du service mer du Conseil Général
des Alpes-Maritimes a pris le nom d’Argiolas,
un colloque sur la protection des espèces en
Méditerranée a été dédié aux disparus, mais
pour les proches, la disparition de ces jeunes a
été terrible et demeure une cicatrice qui ne se
fermera jamais. Patrice Francour a guéri de ses
blessures. Il est resté au GIS Posidonie, a passé
sa thèse sur les poissons de Méditerranée et a été
nommé maître de conférences au Laboratoire
Environnement Marin de l’Université de Nice. Il
est devenu professeur et a dirigé le laboratoire
aujourd’hui CNRS « ECOSEAS » de Université Côte
d’A zur. Depuis son accident, il a continué à militer
pour la protection du phoque de Méditerranée,
mais ne lui demandez pas de vous raconter sa
terrible expérience. Avec une sérénité et un calme
extraordinaire, il vous parlera plutôt des phoques
et de sa préoccupation sur leur avenir. C’est pour
eux que Marchessaux, Argiolas, Vuignier et Ould
Elimine sont morts ; le combat pour que les
phoques survivent en Méditérranée sera toujours
marqué par cette tragédie.
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