La Culture Fang Beti Bulu

(Richellius) #1

Lorsque les fossoyeurs ont atteint une profondeur de 1,5 m, ils creusent une niche mortuaire du côté
gauche ; c’est là qu’il sera déposé, lors de l’inhumation. La tombe est creusée devant les cases ou
derrière, l’abaa ou alors sur le seuil.


L’arrivée Des Invités

Les invités arrivent du plus loin possible selon la portée du Nkùl awù : hommes et femmes accourent.
Les petits enfants, interdits de voir un corps ne sont pas concernés. Une arrivée est cependant très
redoutée ; c’est celle des neveux utérins ; ce sont les justiciers. Ils se couvrent de charbon, de kaolin
blanc, de padouk rouge ; comme pour la guerre. Pour comprendre cette attitude, il faut se rappeler que
pour le Beti, un grand initié, affublé de ses protections ne saurait mourir sans que la cause soit imputée
à un tiers : soit les gens et principalement ses femmes ont laissé mourir leur oncle, sans prendre soin de
lui, soit les clients, ses (potentiels) rivaux l’ont tué pour s’emparer de ses épouses. Il leur faut par
conséquent le venger. Les compagnons d’initiation de celui-ci les rejoignent d’ailleurs, avec des écorces
pour le poison d’épreuve, des cordes pour pendre les coupables. Ils vont exécuter autant de personnes
que bon leur semblera. Cette exécution présente une double signification : venger le défunt que l’on a «
délibérément » tué ; lui procurer des gens, mieux des serviteurs qui vont l’accompagner et continuer à
le servir dans l’au-delà ; sinon il ne sera jamais accepté par les siens et devra alors mendier pour survivre.


L’Esâna, Les Ordalies Et Les Exécutions

Il ne serait nullement exagéré de rappeler que
ces multiples étapes redoutables et redoutées
n’interviennent qu’en cas de décès d’un « mfan
mod » ; celui qui a laissé plusieurs veuves et
une nombreuse progéniture. Une fois donc
arrivés au village, les neveux vont se précipiter
dans la case où sont enfermées les épouses du
défunt et en extraire autant d’épouses qu’ils
voudront bien et les remettre aux exécuteurs
que sont les vieillards. Mains liées derrière le
dos, chaque victime est ointe d’argile blanche, on lui fait absorber/consommer des boulettes de l’arbre
élôn, elle est trainée jusqu’à l’arbre le plus proche (le plus souvent un safoutier) et pendue. C’est à partir
de ce moment que pouvait retentir l’ésana. De quoi s’agit-il en fait?
L’ésana ou ésani est une ordalie en même temps qu’une pantomime guerrière rappelant les exploits du
défunt, tout en rejetant sur lui la faute de son trépas et en réaffirmant la victoire de son lignage sur la
mort. Lié au rituel tso/so, où il était dansé pour la première fois, l’ésâni n’a lieu que pour le mod dzâl,
un « vrai homme » fondateur de village. Il est exécuté par les frères ou compagnons d’initiation du
défunt (4 le plus souvent), armés de la tige divinatoire d’odzôm/adjôm. Au son du tam-tam, ces vieillards
dansent avec les fils du défunt, jusqu’au soir, à la tombée de la nuit où il y aura inhumation. Car on ne
devait jamais enterrer un initié avant la tombée de la nuit. Si cela était fait, on l’entendait rugir et aboyer
la nuit, ou alors une tornade s’abattait sur le village pendant 24 heures au moins. Pour occuper la journée
donc, les neveux utérins et les vieillards organisaient des exécutions et ordalies : exécution pour toute
personne qui avait été accusée par le défunt, surtout lorsqu’il s’agissait d’une femme, d’un client ou
d’un esclave. Tous les autres subalternes ; suspects de complicité, étaient soumis à l’ordalie. L’sâna ou
ésâni avait quatre (4) objectifs principaux en relation avec l’ordalie :
 Rappeler aux femmes et aux dépendants en général, l’humilité de leur condition
 Satisfaire l’égalitarisme beti, le sens de la justice immanente, la jalousie de ceux et celles qui ne
s’estimaient pas reconnus du temps du défunt ; qui a été trop heureux devant ensuite le payer
 Venger le mort
 Accompagner le mort pour rendre son séjour dans l’au-delà agréable. C’est d’ailleurs la raison
pour laquelle sa femme préférée était souvent enterrée avec lui.


A ces raisons exécutoires, il faut ajouter d’autres, bien plus gaies et revigorantes

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