J'irai manger des khorovadz
Adalbert mène une vie simple et paisible et je me pose des questions
au sujet de ce que lâon exige chez nous afin de vivre « décemment ». On
revendique sans cesse plus de droits au lieu dâêtre déjà reconnaissants de
nos privilèges. Bien sûr il faut tenir compte de ceux qui vivent dans des
situations difficiles. Mais « la France est un paradis peuplé de gens qui se
croient en enfer^46. » Quand on a lâoccasion de voyager à lâétranger dans
certains pays cette constatation prend vraiment toute sa dimension.
Depuis la préparation de cette aventure tout mâinvite à me séparer du
superficiel et à ne conserver que lâessentiel au propre comme au figuré.
Oublier pour un temps ses préoccupations quotidiennes le confort
attendu et exigé les factures à payer.
Ne plus penser à son agenda au prix du pain et aux impôts qui
augmentent.
Laisser de côté le stress le journal télévisé les discours rassurants des
politiques les mensonges déguisés du marketing.
Se déconnecter du flux incessant des médias de la tyrannie dâinternet
de la domination de la pensée unique de lâidéologie sournoisement
subie.
Savoir se satisfaire dâavec qui lâon est de ce que lâon a sans désirer
toujours courir après ce que lâon voudrait nous faire croire comme étant
meilleur.
Ne plus sâencombrer du superflu sans pour autant se contenter de la
médiocrité.
Un détachement apodictique.
La préparation des bagages pour ce périple a représenté pour moi un
défi voire une frustration. Jâaime accumuler garder archiver à lâinstar
de ma mère et au grand désespoir de ma femme. Il a fallu procéder à des
choix pour ne conserver que le strict nécessaire lâindispensable pour
survivre pendant ces onze semaines. Je me suis surpris à vouloir
emporter des objets superflus. Tout dâun coup le progrès avec tout ce qui
en découle devient en partie obsolète et la course à la technologie
dérisoire. Ce qui paraît utile devient inutile ce qui semble
(^46) Sylvain Tesson - Ãmission KTO.