Le pays invisible
Une fois les courses rangées je repars à vélo en quête dâun lieu
propice à mon repos quotidien. Quelques kilomètres après la sortie de la
ville je me rends compte que jâai perdu mon téléphone. Je lâavais placé
comme à lâaccoutumée dans la poche droite du pantalon omettant
toutefois de boucler la fermeture éclair. Quelle erreur! Je reprends illico
la route en sens inverse aussi vite que mes mollets me le permettent
escomptant retrouver cet objet devenu malheureusement indispensable.
Je scrute lâasphalte jâinspecte tous les bas-côtés jâexamine le caniveau :
aucune trace dâun quelconque objet ressemblant à un smartphone. Rien.
Absolument rien. Jâespère quâil aura bien profité à quelquâun.
La nuit commence à nous envelopper de son manteau sombre. Un
jeune homme me fait des signes et mâarrête au bord de la route. Je lui
explique ma préoccupation et il mâaccorde dix minutes afin dâachever
mes recherches. Je le retrouve un peu plus tard près dâun carrefour. Ce
jeune ne parle ni anglais ni français et je ne parle ni russe ni roumain ni
moldave. Je crois comprendre quâil me demande où je vais dormir : je ne
le sais pas encore. Il appelle un de ses amis bilingue et nous poursuivons
la conversation par traducteur interposé au téléphone. Il me propose un
lit et un repas. Ce nâest pas de refus. Il me dit de lâattendre ici et me
laisse seul dans la pénombre mâannonçant quâil va revenir dans trois
quarts dâheure. Ai-je le choix? Pas vraiment... Câest surtout que je suis
encore un peu contrarié par la perte de mon téléphone pas tellement
pour lâobjet en lui-même mais parce quâil représente un cordon
ombilical avec la famille et les amis. Assis sur la bordure du trottoir dans
lâobscurité je suis accosté par un homme qui engage la conversation. Il
me remet des fruits de son jardin quâil vient de quitter et me propose un
couchage. Je le remercie de sa sollicitude réconfortante dans ces
circonstances tout en déclinant son offre. Jâai quand même un petit
doute sur ce que je vais devenir ce soir. Mais jâai promis au jeune
Moldave de lâattendre aussi je patiente.
Alex tiendra parole. Il reviendra avec sa femme et sa sÅur. Ils sont
allés se procurer un repas à mon intention et me proposent de
mâemmener à leur église où je vais pouvoir me doucher et me sustenter.
Nous y parvenons après quinze minutes de marche dans des rues