J'irai manger des khorovadz
ramène chez Robert pour la nuit. Celui-ci me guide vers une charmante
maisonnette en bois au toit de tôle qui se trouve à une centaine de
mètres. Il me conduit dans une chambre éclairée par une faible ampoule
nue accrochée au plafond par des fils qui pendouillent. Apparemment
pas dâeau ni de toilettes. Pour mâempêcher de subir le froid il dépose
gentiment sur le lit usé par le temps et le poids de ceux qui sây sont
reposés une parka en mouton en plus de la petite couverture.
Cet accueil et cette générosité je les ai expérimentés dans les pays qui
connaissent le plus de difficultés économiques. Est-ce que vivre
confortablement nous détournerait de valeurs importantes et nous
feraient perdre les priorités de la vie?
Dans le périple que jâaccomplis lâaventure câest tous les jours!
Chaque journée est à vivre comme un voyage unique il faut simplement
se laisser guider rester attentif aux occasions prendre son temps quand
câest possible. Ce moyen de locomotion permet des rencontres et des
découvertes qui nâauraient pas lieu autrement mais encore faut-il le
vouloir et rester disponible.
Jâapprécie plus particulièrement le vélo couché car le contact sâétablit
plus rapidement et plus facilement. Son originalité interpelle. Pour
dâautres cyclistes câest précisément un argument rédhibitoire. Pas pour
moi. Cela compense peut-être mon caractère réservé. Voyager à deux-
roues â ou à pied â câest déjà un signe que lâon envoie à ceux que lâon
croise : il nây a pas de barrière comme par exemple lorsquâon se trouve
enfermé dans une carcasse en métal climatisée. Nous nous mettons au
même niveau quâeux le contact est en prise directe. Câest aussi le but de
ce périple : aller à la rencontre de lâautre. Ce que nous allons recevoir
nâest pas plus important que ce que nous allons donner en attention et en
gratitude. Nous ne sommes jamais assez reconnaissants. Et ces face-Ã -
face deviennent des moments souvent très forts. Ce qui les rend si
uniques câest en partie leur côté éphémère. Chacun se livre sans arrière-
pensée sans crainte de se dévoiler et dâêtre jugé.