J'irai manger des khorovadz

J'irai manger des khorovadz

Je me réveille tôt et je me prépare à quitter discrètement la propriété
car j’ai l’impression que tout le monde est encore endormi. C’était sans
compter sur la veille vigilante de la femme de Robert qui m’aperçoit
juste au dernier moment. Elle m’interpelle par de grands signes du haut
de sa terrasse et m’invite à venir régénérer mon énergie avant de donner
les premiers coups de pédales. Je vais alors partager ce premier repas
autour d’un thé accompagné de fromage et pain de noix et miel. Puis
Robert s’en va mener ses vaches rebelles et quant moi je continue mon
trajet vers le lac Sevan.
Destins croisés nos chemins se sont mêlés durant ces heures partagées
pour notre plus grand bonheur réciproque. Épilogue d’une autre
rencontre étonnante qui marquera mon séjour en Arménie.
Durant la matinée c’est à trois reprises sur la route que je suis invité à
manger! Je décline sans regret car il ne faut pas abuser... Je comprends
une fois de plus ce que signifie l’hospitalité en Arménie.
Je passe par le village de Chambarak anciennement « Karmir
Gyugh » littéralement « village rouge » : le nom lui vient de ses toits en
tuiles rouges. Je découvrirai par la suite qu’il est situé à 2 km de la
frontière avec l’Azerbaïdjan. Il paraît que l’on peut vite devenir victime
de balles perdues dans cette zone sujette aux actions intempestives
perpétrées par ce voisin agité et susceptible.
Après les dernières habitations je scrute au loin la longue ascension
qui m’attend. J’avance sur cette voie peu fréquentée traversant ce qui
ressemble à la steppe. Elle est bordée par une végétation rare qui
s’ennuie sur cette étendue. La chaîne du vélo s’encastre dans le plateau
du pédalier avant et me tire de ma léthargie de mon accoutumance à la
route.
Cling clang...
Dans la montée les maillons sursautent tressautent toussotent et
s’entremêlent. Ils arrivent – incident rare – à se bloquer. Le dérailleur
monte et descend à longueur de journée sans rechigner et sait pardonner
mes fautes. Sur un vélo couché la chaîne est trois fois plus longue et les
erreurs de croisement de vitesses sont plus facilement tolérées.