J'irai manger des khorovadz

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J'irai manger des khorovadz

Si l’on veut savoir où l’on va on a besoin de savoir d’où l’on vient.
« Tout être est tiraillé entre deux besoins le besoin de la Pirogue
c’est-à-dire du voyage de l’arrachement à soi-même et le besoin de
l’Arbre c’est-à-dire de l’enracinement de l’identité. Et les êtres errent
constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l’un tantôt à
l’autre... Jusqu’au jour où ils comprennent que c’est avec l’Arbre qu’on


fabrique la Pirogue... »^37


Après cette nuit perturbée l’objectif de la journée est de rejoindre
Budapest éloignée d’environ 120 km. La signalisation laisse à désirer et
les pistes cyclables sont de qualité inégale nécessitant ponctuellement de
slalomer entre les nids-de-poule. Dans cet environnement je reconnais un
inconvénient au vélo couché : avec une visibilité plus au ras du sol les
petits obstacles et les aléas du revêtement sont moins perceptibles. Une
attention plus soutenue est indispensable ainsi que j’en ferai l’expérience
en Russie. Le vélo couché conserve toutefois un avantage indéniable :
une telle position permet de profiter pleinement d’une vision
panoramique du paysage. La fierté de rouler la tête haute. Un plaisir
bluffant qui évite la tête dans le guidon le crâne baissé comme si on
avait quelque chose à se reprocher.
Je traverse la ville de Štúrovo où je sympathise avec une Polonaise
joviale et bien avenante voyageant seule à vélo. Nous nous faisons
photographier au bord du Danube et nous échangeons un moment sur
nos projets ; elle est en route plein sud vers la mer Adriatique. Je la quitte
et franchis à nouveau la frontière par le pont « Marie-Valérie » (qui doit
son nom à la généreuse et poétesse archiduchesse d’Autriche) pour
rejoindre définitivement la Hongrie. Je viens de dépasser le cap des
2 000 km et je savoure mon plaisir. Je m’arrête dans la banlieue en
amont de Budapest espérant trouver un lieu de bivouac avant d’arriver
en ville. Dans la coquette bourgade de Budakalász je découvre un petit
lac fréquenté par les habitants de la région. Je m’installe derrière la haie
qui le borde à l’abri des regards dans ce qui ressemble à un parc


(^37) Mythe mélanésien de l’île de Vanuatu.

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