Le Monde - 14.11.2019

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JEUDI 14 NOVEMBRE 2019 france| 11

Ecologistes et socialistes

se disputent l’électorat urbain

En pleine confiance après les européennes, EELV veut présenter

des listes dans la quasi­totalité des 40 plus grandes villes de France

O

n pourrait appeler cela

une distance aristocrati­

que. Europe Ecologie­Les

Verts (EELV) en est persuadée : le

temps de l’écologie est venu et

elle n’a besoin de personne pour

prendre des municipalités lors

des élections de mars 2020. Et

surtout pas du Parti socialiste

(PS). Comme si l’alliance classi­

que « rose et verte » était de l’his­

toire ancienne.

Forte de son résultat aux élec­

tions européennes de mai (13,5 %

des suffrages), EELV voit les cho­

ses en grand pour le scrutin mu­

nicipal. Il y aura des listes écolo­

gistes dans la quasi­totalité des

40 plus grandes villes de France.

Si les écologistes ne veulent pas

donner d’objectifs officiels, les

mairies de Besançon, Rouen,

Bordeaux, Montpellier, Perpi­

gnan, Lyon, Nantes et Rennes re­

viennent systématiquement

dans les conversations. Surtout,

ils entendent garder les six fau­

teuils déjà conquis : Grenoble,

Arcueil, Grande­Synthe, Bègles,

Schiltigheim et le 2e arrondisse­

ment de Paris (qui sera fusionné

avec les 1er, 3e et 4e en 2020).

Bruno Bernard, secrétaire na­

tional aux élections, confirme :

« Nous portons une alternative

tranquille. On veut confirmer ou

améliorer nos scores dans les

grandes villes mais aussi conser­

ver nos municipalités. » Avec ces

élections municipales, EELV veut

aussi préparer les élections ré­

gionales de 2021 mais surtout

conforter Yannick Jadot comme

le candidat incontournable de

2022, le seul capable, à gauche, de

perturber le duel entre Emma­

nuel Macron et Marine Le Pen.

Confortés par de bons sonda­

ges, les dirigeants d’EELV sont

ainsi certains que les villes

moyennes, celles des périphéries

urbaines et de la ruralité, sont

« prenables ». « Les scores des élec­

tions européennes semblent se

confirmer partout sauf à Paris »,

note le porte­parole du parti, Ju­

lien Bayou.

La stratégie globale d’EELV pour

les municipales est de laisser le

local décider des alliances. Mais,

sauf exceptions, les Verts se sen­

tent pousser des ailes et veulent

partir seuls. Quitte à ce que les

autres forces de gauche les ral­

lient plus tard. « Nous n’avons pas

de partenaire privilégié, continue

M. Bayou. On veut d’abord conso­

lider le pôle écolo avec Génération

Ecologie mais aussi l’Alliance éco­

logiste indépendante. Ensuite,

peuvent s’agréger, selon les moda­

lités locales, d’autres partenaires. »

M. Bayou évoque ainsi « tous les

partis qui s’écologisent comme

Génération.s [le mouvement de

Benoît Hamon] ou Place publique

[celui de Raphaël Glucksmann]. »

« On avance dans notre couloir.

On veut faire émerger un pôle éco­

logiste pour diriger le pays, abonde

Stéphane Pocrain, compagnon de

route d’EELV. Nous pratiquons la

non­ingérence dans la vie des

autres formations. Le PS n’est pas

notre sujet. On ne se définit pas par

rapport à eux. Il n’y a ni hostilité ni

complaisance de notre part. » Da­

vid Cormand, secrétaire national

qui passera la main lors du con­

grès du parti fin novembre, rap­

pelle que « la stratégie globale est

que, partout où on peut le faire, on

porte un projet écolo d’alternance

bienveillante. On veut aussi mon­

trer que l’on peut gagner face à la

droite, comme à Bordeaux par

exemple, ou face à l’extrême droite,

comme à Perpignan ».

M. Pocrain définit la probléma­

tique générale : « Les socialistes

veulent garder des villes pour ne

pas disparaître. Nous voulons en

conquérir. » Forcément, ça frotte à

certains endroits, notamment

dans les lieux convoités par les

deux formations. Le Parti socia­

liste a sorti les sacs de sable pour

endiguer la vague écolo en mars.

Habitués à dominer à gauche et

négocier avec ses partenaires les

alliances pour les scrutins lo­

caux, les socialistes ont dû modé­

rer leurs ambitions depuis leur

échec en 2017 et surtout depuis la

percée d’EELV aux européennes.

Le PS honni par les militants EELV

Ils avaient cependant imaginé

que les dirigeants d’EELV allaient

reprendre leur stratégie habi­

tuelle : menacer de se présenter

partout au premier tour pour

mieux négocier les program­

mes, et surtout les postes d’ad­

joints. Il n’en est rien. « Les écolo­

gistes n’ont souhaité négocier

nulle part avec la gauche. Ou

alors seulement quand ils sont

sortants comme à Grenoble. Ils

veulent se compter mais la gau­

che peut perdre des villes à cause

de l’éclatement », constate Olivier

Faure. En jeu des villes que la

gauche, si elle était unie, pouvait

espérer prendre à la droite ou à

La République en marche

comme Marseille, Lyon, Stras­

bourg, Limoges, Toulouse...

Le premier secrétaire a tenté de

patienter, puis de faire passer le

message que les socialistes

étaient prêts à s’effacer dans cer­

taines villes comme Bordeaux ou

Grenoble, si EELV faisait de même

ailleurs. Mais jouer en défense ne

suffit plus. L’électorat de gauche,

jusqu’ici fidèle aux maires so­

ciaux­démocrates, pourrait préfé­

rer l’alternance devant l’urgence

écologiste. « L’arrogance » des

Verts, selon les mots du patron du

PS, a commencé à durcir les posi­

tions. « Je ne peux pas demander

aux socialistes de se sacrifier par­

tout », constate­t­il.

Ainsi, à Grenoble, les socialistes

sont en passe de soutenir Olivier

Noblecourt, délégué à la lutte

contre la pauvreté, contre le

maire, Eric Piolle, qui a rassemblé

derrière lui toutes les autres for­

mations. Dans les grandes villes

qu’il tient – Paris, Nantes, Rennes,

Lille, Brest –, le PS affiche sa séré­

nité. Ses maires y ont un bon bi­

lan, y compris sur le volet écologi­

que. Et malgré les divisions, ces

villes ont de bonnes chances de

rester dans l’escarcelle du PS. Tout

comme, Dijon ou Le Mans. « No­

tre objectif est de garder toutes nos

villes et de gagner Nancy », ren­

chérit Pierre Jouvet, secrétaire na­

tional aux relations extérieures.

Le PS s’attend surtout à ce que le

congrès d’Europe Ecologie­Les

Verts, fin novembre, durcisse un

peu plus les positions écologis­

tes. Toutes les motions tiennent

un discours affirmant l’identité

singulière des écologistes et les

socialistes sont toujours honnis

par la base militante. « Pour le

moment, ce n’est pas la peine de

chercher à discuter. On attendra

début décembre, mais il faut que

les écolos se souviennent d’une

chose : ils peuvent faire un score

flatteur au premier tour dans

beaucoup de villes et s’effondrer

au second car l’incarnation, ça

pèse », prévient Olivier Faure.

Quelques fissures commencent

à apparaître dans l’intransi­

geance d’Europe Ecologie­Les

Verts. Et pas des moindres : à

Clermont­Ferrand, les écolos ont

rallié le maire sortant et, à Besan­

çon, ils ont accepté le soutien du

Parti socialiste. Le rose et le vert

ont peut­être finalement encore

de l’avenir ensemble.

abel mestre

et sylvia zappi

« ON VEUT AUSSI 

MONTRER QUE L’ON PEUT 

GAGNER FACE 

À LA DROITE, COMME 

À BORDEAUX PAR 

EXEMPLE, OU FACE 

À L’EXTRÊME DROITE, 

COMME À PERPIGNAN »

DAVID CORMAND

secrétaire national d’EELV

B U D G E T

Hausse de la dotation

de l’Elysée

L’Assemblée nationale a voté

une hausse de 2 millions

d’euros de la dotation de

l’Elysée en 2020, qui s’établit à

105,316 millions d’euros. Selon

la majorité, cette augmenta­

tion s’explique notamment

par l’intégration de dépenses

rattachées jusqu’ici au minis­

tère de l’intérieur. La hausse a

été critiquée par l’opposition,

de Maxime Minot (LR) dé­

nonçant « opacité » et « insin­

cérité » à Christine Pires

Beaune (PS) fustigeant la

« grande vie du premier des

Français ». – (AFP.)

F É M I N I C I D E

L’IGGN saisie après

le meurtre d’une femme

dans le Bas-Rhin

La gendarmerie nationale a

annoncé avoir demandé à

son inspection générale,

l’IGGN, d’enquêter sur les cir­

constances de l’intervention

des gendarmes lors du meur­

tre d’une femme à coups de

couteau par son conjoint à

Oberhoffen­sur­Moder (Bas­

Rhin). La fille de la victime,

qui a vu sa mère mourir sous

ses yeux dimanche, reproche

aux forces de l’ordre le temps

qu’elles ont mis pour arriver

sur place et a estimé que

« personne n’a voulu nous

aider ». La victime, qui souhai­

tait divorcer, avait déposé une

main courante et une plainte

contre son époux pour vio­

lences, selon sa fille. – (AFP.)

D R O G U E

Plus d’une tonne

de cocaïne récupérée

sur la façade atlantique

Une quantité de 1 010 kg de co­

caïne a jusqu’à présent été ré­

cupérée sur les plages de la fa­

çade atlantique, de la côte

bretonne aux Landes, a fait sa­

voir le procureur de la Répu­

blique de Rennes mardi, après

la découverte de 5 kg de pro­

duit à Camaret­sur­Mer, dans

le Finistère. Les autorités aler­

tent sur la dangerosité des

produits découverts depuis le

18 octobre, qui présentent un

degré de pureté de 83 %.

P R É C I S I O N

Dans l’article « Pédophilie :

l’Eglise débat de sa responsa­

bilité » (Le Monde du 9 no­

vembre), nous avons écrit que

Jean­Marc Sauvé était vice­

président du Conseil d’Etat. Il

ne l’est plus depuis mai 2018.

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